La Première ministre britannique, Theresa May, prépare activement le terrain pour de futurs accords commerciaux entre le Royaume-Uni post-Brexit et d’autres pays du G20, au grand dam de la Commission européenne qui juge ces pourparlers déplacés tant que Londres continue d’appartenir à l’UE.
Avant même le sommet du G20 à Hangzhou (est de la Chine), la nouvelle dirigeante conservatrice avait donné le ton, affichant son ambition de faire du pays un « champion mondial du libre échange » après sa sortie de l’Union européenne (UE). Elle avait déjà prévu de vanter « aux autres dirigeants internationaux les opportunités commerciales qui s’ouvriront à travers le monde pour le Royaume-Uni après le Brexit ».
L’Australie, membre du G20 mais également du Commonwealth et ancienne colonie britannique, a saisi la balle au bond, confirmant dimanche que des pourparlers avaient débuté dans la perspective d’un accord de libre-échange bilatéral entre Canberra et Londres. « Mme May et moi-même sommes très engagés pour disposer d’un accord de libre-échange qui soit mis en place lorsque les Britanniques quitteront l’UE », a déclaré à Hangzhou le Premier ministre australien Malcom Turnbull.
Le calendrier devrait s’accélérer: le ministre australien du Commerce, Steven Ciobo, est attendu cette semaine à Londres pour « des discussions exploratoires sur le modèle d’un accord commercial », selon Mme May.
-‘Attribution exclusive de l’UE’-
D’autres pays ont rapidement emboîté le pas: la Première ministre a annoncé lundi que l’Inde, le Mexique, la Corée du Sud et Singapour étaient également « disposés à ouvrir des discussions » pour « lever les barrières commerciales » entre leurs pays et le Royaume-Uni. Ce soudain sursaut d’agitation diplomatique a vivement déplu aux responsables européens.
Présent à Hangzhou, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, n’a pas caché sa vive irritation, lors d’une conférence de presse dimanche. Il a rappelé que, théoriquement, le Royaume-Uni n’était pas censé négocier des accords commerciaux bilatéraux pour son propre compte, tant qu’il n’avait pas quitté l’UE. « La négociation d’accords de libre-échange est une compétence de l’Union européenne, conformément aux traités. Nous devons nous y tenir », a martelé M. Juncker. « Je n’aime pas beaucoup l’idée que des pays membres de l’UE, y compris ceux qui en font encore partie, négocient des accords commerciaux. Il s’agit d’une attribution exclusive de l’UE », a-t-il insisté.
Après le référendum britannique qui a décidé en juin du divorce avec l’UE, Mme May avait assuré qu' »il n’y aurait pas de second référendum » et qu’elle mettrait le Brexit à exécution. Pour autant, la Première ministre a indiqué qu’elle n’invoquerait pas l’article 50 du Traité de Lisbonne, qui lance la procédure de divorce avec l’UE, avant fin 2016. Le Royaume-Uni aura ensuite deux ans pour négocier les complexes modalités de son départ, restant en attendant membre de l’Union.
-Prudence américaine-
Mais les capitales européennes invitent Londres à ne pas jouer la montre. « La fin de l’année est le délai raisonnable (..) Tout report aurait des conséquences dommageables, pour l’économie britannique (et) pour l’ensemble des économies et pas seulement européennes », a averti lundi le président français François Hollande.
De son côté, la diplomatie japonaise a publié au cours du week-end une cinglante mise en garde: « Nous enjoignons fortement le Royaume-Uni à prendre sérieusement en compte » l’implantation d’entreprises nippones sur son sol et à « agir pour minimiser les effets négatifs » pour elles. Plus de 1.000 entreprises japonaises emploient quelque 140.000 employés en Grande-Bretagne, et certaines –Toyota, Hitachi ou la banque Nomura– ont déjà commencé à réévaluer leurs activités.
Selon une source diplomatique européenne s’exprimant sous couvert d’anonymat, c’est la Corée du sud qui s’est le plus inquiétée du Brexit au cours des discussions de Hangzhou.
Quant aux Etats-Unis, dont Londres est le partenaire privilégié en Europe, ils ont reconnu avoir eu « des discussions » sur leurs échanges commerciaux, mais font preuve de circonspection. La priorité reste pour Washington la négociation du traité de libre-échange avec l’UE (TTIP), a insisté le président Barack Obama à Hangzhou, même si celui-ci a du plomb dans l’aile.
Theresa May, elle, poursuit obstinément son opération de séduction. Elle s’est ainsi entretenue avec le président chinois Xi Jinping pour tâcher de « développer le partenariat stratégique » entre les deux pays et perpétuer un « âge d’or dans les relations sino-britanniques ». Mais aussi pour arrondir les angles après les récentes frictions sur le projet nucléaire de Hinkley Point, chantier financé en partie par des investisseurs chinois mais retardé de façon inattendue et sans explication par Londres.
AFP
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