Natalie Ward, Shadow Minister for Infrastructures, Deputy Opposition Leader, chair of Parliamentary Friends of France et francophile affirmée, a rencontré François Vantomme, rédacteur en chef du Courrier australien.
Commençons par une petite présentation. D’où venez-vous ? Quelles études avez-vous entrepris ?
Je suis originaire d’Adélaïde. Mon père avait un petit domaine vinicole en Australie méridionale, à McLaren Vale, une petite entreprise familiale. J’ai étudié à l’Université d’Australie-Méridionale puis j’ai décidé de partir à l’étranger. Je voulais découvrir le monde et travailler un peu partout. Je ne voulais pas me marier, je ne voulais pas d’enfants, je voulais juste voyager et travailler. Mon père était d’accord, mais il m’a conseillé d’aller à Sydney un petit temps, afin de gagner un peu d’expérience et d’argent, pour être prête à partir en Europe.
Mon père m’a autorisée à poursuivre deux carrières : l’œnologie, une magnifique profession, où il y a peu de femmes, où on voyage beaucoup, ou l’université. À cette époque, je travaillais dans la cave à vin, je fermais les bouteilles à la main, je collais les étiquettes, j’adorais ça. Mais je pense que lorsqu’on grandit avec quelque chose, on a tendance à moins apprécier sa valeur. La deuxième option était les études, les études de droit pour être précise, afin de devenir avocate. J’ai donc choisi le droit. Parfois, je me demande comment aurait été ma vie si j’avais choisi l’œnologie. Je pense que j’aurais fini en France. Choisir, c’est renoncer, n’est-ce pas ? J’adore toujours autant le vin. Je pense que ce que j’aime dans le vin c’est toute la profession, l’âme et l’amour qu’il y a autour, le fait que ça traverse les lieux et les époques. C’est aussi un monde compétitif, ce que j’aime parce que cela fait ressortir le meilleur de nous-même. Quoi qu’il en soit, j’ai choisi le droit et j’ai décidé de devenir avocate. J’ai commencé à travailler à Adélaïde, puis je suis allée à Sydney, en pensant que j’allais ensuite partir pour l’Europe. Mais je suis finalement restée à Sydney, après y avoir décroché un job et rencontré mon mari.
Pourquoi avoir choisi le droit en particulier ?
J’adore le droit. J’aime par-dessus tout être avocate. J’adore représenter des gens qui ont besoin d’aide ou qui veulent mettre leur point de vue en avant. J’étais spécialisée en litiges commerciaux, dans les domaines de la construction, la solvabilité. En fin de compte, la satisfaction vient de la résolution du litige.
J’adore négocier, rassembler les gens. Quand les parties se serrent la main, on sait qu’on a fait quelque chose de bien (…). Amener les gens à se réconcilier m’apporte beaucoup de joie. Et si on fait les choses correctement, on peut acquérir une bonne réputation : celle, en ce qui me concerne, d’une avocate authentique, de confiance, vraie et honnête.
Et finalement, vous vous êtes orientée vers la politique…
Un de mes amis est entré au Parlement à l’époque des Jeux Olympiques de Sydney et m’a proposé de venir travailler pour lui. J’ai accepté. J’ai toujours été intéressée par la politique, par les valeurs libérales, étant donné que je viens d’une famille qui possédait une petite entreprise. La récession des années 1990 a été très, très difficile pour ma famille. J’ai vu des gens en réelle difficulté à cette époque. Mon père a décidé de continuer à faire tourner son entreprise mais c’était difficile pour lui, car il voulait que tout le monde garde son emploi. Puisque je viens de ce milieu, j’ai envie d’aider les gens, je veux savoir s’il y a des choses qui les mettent en difficulté et les aider à s’en sortir.
Ensuite, je me suis mariée, j’ai eu des enfants, j’ai un peu travaillé pour le Parlement puis le parti est arrivé au pouvoir. Tout d’un coup, je me suis retrouvée dans un nouveau gouvernement qui opérait de réels changements, de vraies réformes. On sortait du cadre théorique. Nos actions avaient des répercussions visibles sur le logement, l’économie, les entreprises. C’est incroyable de voir comment une idée qui a germé dans une discussion peut faire son chemin dans un compte rendu de cabinet et finalement être adoptée au Parlement. C’est tout un processus, qui ressemble un peu à la résolution d’un litige, par ailleurs. C’est du concret.
Un jour, mon ami, qui arrivait à la fin de son mandat et qui allait donc laisser derrière lui un poste vacant, m’a proposé d’entrer en politique pour de bon. Je lui ai d’abord ri au nez, mais, poussée par l’enthousiasme de mon entourage, j’ai fini par accepter et j’ai été élue en 2017. Je suis donc passée de l’application de la loi à la création de la loi, ce qui est un immense privilège. Avoir été à la fois avocate et ministre m’a apporté d’incroyables opportunités. Rencontrer la communauté, rencontrer les gens, opérer les plus petits et les plus grands changements.
Donc vous n’avez pas été déçue quand vous êtes passée de l’autre côté ?
Non, pas du tout ! On a la possibilité de changer les choses, mais uniquement si on sait travailler en équipe. C’est pareil pour le droit, pour la société, pour tout. J’adore travailler avec les gens, créer une équipe, échanger des idées, débattre longuement. Quand cela aboutit à une décision qui peut vraiment changer les choses, je trouve ça incroyable. J’adore cette partie de mon travail. Il y a d’autres points que j’aime moins, mais c’est normal, c’est partout pareil.
Vous êtes désormais dans l’opposition, pensez-vous que cela a parfois du bon d’être dans la position de shadow minister ?
Oui, tout à fait. Ça me permet d’entendre de nouvelles idées, un certain renouveau, de me mettre un peu sur le côté et de voir comment cela se passe. Ceci dit, je serais déçue qu’il y ait un recul sur les projets d’infrastructures, car ils sont chronophages. En effet, ils prennent beaucoup de temps à être financés, planifiés et mis en route. Il faut une vision à long terme pour les mettre en place, tout comme pour les questions de mobilité. Par exemple, Sydney n’est pas une ville adaptée aux cyclistes. Il nous faut développer une façon d’intégrer les vélos dans la circulation australienne, comme en France.
En parlant de vision à long terme, comment voyez-vous Sydney dans 15 ans ?
J’adore cette question. Sydney est une très belle ville. Ce que j’aime particulièrement à Sydney, et en Australie en général, c’est le fait qu’elle soit construite autour de l’eau. Je pense que nous pouvons vraiment utiliser cette infrastructure naturelle à notre avantage tant que nous la protégeons, ce qui représente un défi avec une population si grande. Nous devons également assurer à notre population l’accès aux espaces verts afin qu’elle puisse respirer, se relaxer.
Ma vision pour Sydney est donc l’équilibre entre les espaces naturels et les infrastructures, sans freiner le développement du transport, en particulier le long de la côte et à l’intérieur des terres, un défi que pourrait résoudre l’intelligence artificielle. Il y a pour projet la construction de cinq nouvelles autoroutes par an durant les cinq prochaines années, ainsi que la construction du West Harbour Tunnel et d’un nouvel aéroport, des projets incroyables qui auront un impact important.
Mais nous devons à tout prix protéger ce que nous avons déjà, une mission que la nouvelle génération a particulièrement à cœur. Ils ont une vision bien plus globale que ma génération, plus égoïste. Cette génération se veut bienveillante, respectueuse de la nature. Ils sont très inspirants, ils veulent un monde meilleur, plus propre. Ils vont dans la bonne direction.
En bref, je suis enthousiaste quant aux projets d’infrastructures que nous mettons en place, mais je suis aussi un peu nerveuse à l’idée qu’ils soient ralentis par le gouvernement actuel. Il est nécessaire de développer les infrastructures à Sydney et ses alentours, en faisait attention à conserver l’authenticité des lieux et à ne pas les dénaturer.
On devrait s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger, notamment en France. C’est à ça que servent les partenariats internationaux : apporter une vision différente.
Que pensez-vous des partenariats avec des entreprises françaises ?
Ces partenariats sont indispensables pour nous. Ils nous apportent l’expérience et l’expertise dont nous avons absolument besoin ici. Bouygues est extraordinaire, Transdev également. Thales fait un super travail dans le domaine de la défense. Le métro, les autoroutes, nous les devons à des entreprises françaises. Leur travail est impeccable. Keolis Downer est aussi un très bon partenaire.
Tant de belles entreprises, j’aurais envie qu’il y en ait encore plus afin que l’on puisse travailler ensemble. Transdev fait des merveilles avec les ferries, les bus et les autoroutes et c’est aussi pour eux que je n’ai pas envie que les projets d’infrastructures ralentissent. Ces partenariats nous apportent énormément. Je suis très reconnaissante de faire affaire avec eux.
J’aimerais beaucoup plus d’échanges universitaires. Mes enfants aimeraient bien aller étudier à Lyon. Ce serait une expérience très enrichissantes pour eux. Et puis je pourrais aller leur rendre visite, un avantage non négligeable.
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