Gaetan Burgio est médecin de formation, et a exercé en médecine d’urgence. Il est arrivé en Australie pour faire de la recherche à temps plein, et dirige aujourd’hui un laboratoire spécialisé dans les maladies infectieuses à l’Université Nationale australienne. Nous lui avons posé nos questions sur la pandémie de Covid-19.
Tout d’abord, pouvez-vous nous rappeler comment ce nouveau coronavirus se transmet-il ?
La plupart du temps, le Covid-19 se transmet de personne à personne, par les gouttelettes que l’on respire. Si quelqu’un éternue ou tousse, il projette du virus. C’est un virus très contagieux, parce qu’il se transmet par les voies respiratoires, mais également parce qu’il peut survivre relativement longtemps sur les surfaces, même si la concentration de virus diminue assez vite avec le temps. Si vous touchez un objet contaminé, puis votre nez, votre bouche ou vos yeux, vous pouvez être infecté.
Quels sont les symptômes de l’infection au Covid-19 ?
Le symptômes varient. Un des premiers signes de l’infection se manifeste dans l’absence d’odorat et de goût. Après cela, on peut constater souvent une toux sèche, qui peut être très importante. Vient ensuite la fièvre, généralement très élevée, autour de 40°C, qui s’accompagne évidemment d’une énorme fatigue. La différence avec la grippe, qui rend le Covid-19 particulièrement dangereux, se situe dans la durée des symptômes. Avec la grippe, on constate une amélioration de l’état du malade en trois ou quatre jours. Pour le Covid-19, il faut attendre au moins une semaine pour voir la fièvre baisser, et deux semaines pour se sentir moins fatigué.
Les symptômes varient cependant d’une personne à l’autre. Certains auront très peu de symptômes, d’autres auront besoin d’un respirateur. En Australie, environ 3% des cas doivent être hospitalisés. 300 personnes sont actuellement à l’hôpital, 90 sont en service de réanimation, et 40 sont sous respirateurs.
Qui sont les personnes à risques ?
C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. On sait plus ou moins que les personnes immunodéprimées sont très à risque. Ce qui se dessine cependant, c’est que ce nouveau coronavirus n’est pas qu’une maladie qui toucherait seulement les personnes à risques, âgées, ou avec des facteurs de comorbidité, comme on le suggérait au début de la pandémie. L’âge n’explique en fait pas tant de choses que cela. Les jeunes sont également susceptibles de contracter le virus de manière grave.
Il est encore difficile de déterminer ce qui fait qu’une personne va voir son état se dégrader dangereusement, quand une autre personne n’aura aucun symptôme. Cela peut être lié à la présence de récepteurs du virus. La présence de récepteurs varie d’une personne à une autre. Si un individu a plus de récepteurs, il a plus de chances de contracter le virus de manière grave.
Beaucoup de facteurs génétiques sont probablement en jeu. Nous n’y connaissons pour le moment pas grand chose, mais il est possible qu’il y ait une corrélation entre certains gènes et la maladie. Les études ont commencé, nous devons attendre les résultats.
Que se passe-il une fois que le virus est entré dans notre corps ?
Quand on est infecté, le virus va se loger généralement dans les poumons ou les intestins. Il entre dans une cellule et elle se réplique.
Une fois que l’organisme est infecté, le système immunitaire reconnaît le virus, et essaye de le tuer, pour le dire trivialement. En le tuant, une inflammation se développe dans le corps. C’est ce qui déclenche les symptômes. Il est important de rappeler que ce qui peut être fatal, c’est le développement des symptômes dans l’organisme, c’est-à-dire la fièvre, la toux, l’infection dans les poumons.
Après environ une semaine d’infection, le malade va développer des anticorps, qui vont tuer le virus. Dès l’apparition des anticorps, il faut compter en moyenne 4 à 5 jours pour voir le virus disparaître, voire plus longtemps. Nous sommes donc contagieux pour au moins 14 jours, et les symptômes peuvent durer de 2 à 3 semaines.
Peut-on espérer un vaccin ou un traitement dans les prochains mois ?
Difficile à dire. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a énormément de recherches qui sont en cours actuellement. Le problème, c’est qu’il n’y a pour le moment pas beaucoup de traitements prometteurs. Je suis assez réservé sur la chloroquine, qui fait les gros titres depuis quelques semaines. Il n’existe pour l’instant pas d’essais cliniques fiables. Un essai français s’est montré prometteur, puis les résultats d’un essai chinois ont été très décevants. Les études se contredisent.
Ce qui me refroidit également, ce sont les effets secondaires de la chloroquine sur le cœur. Pour moi, la chloroquine entraîne plus de complications que de bénéfices. Le Covid-19 peut avoir des répercussions cardiaques, en particulier chez les personnes fragiles. Or, la chloroquine, on le sait, peut être dangereuse pour le cœur. C’est risqué.
En ce qui concerne le vaccin, il faudra attendre un an, au moins. Ce n’est pas tant la recherche du vaccin qui prend le plus de temps, mais la production à grande échelle, et l’obtention de l’autorisation de le délivrer.
Beaucoup disent que sans vaccin, les mesures gouvernementales ne sont qu’une course contre la montre pour limiter la propagation. Que pensez-vous des mesures prises par l’Australie ?
C’est exactement ça, c’est une course contre la montre. L’Australie est un pays intéressent. On peut dire qu’ils ont bien réagi face à la crise. Ils effectuent depuis le début de la pandémie beaucoup de tests comparé au reste du monde, et ils ont adopté des mesures fortes assez rapidement. La première mesure ici a été de fermer les frontières, et de limiter les déplacements. Ça a été efficace, car le virus est arrivé de l’étranger, notamment de la Chine, de l’Europe et des Etats-Unis. Les règles de confinement ont probablement joué un grand rôle également. Cela explique pourquoi l’Australie a aujourd’hui encore moins de 10,000 cas. Il n’est pas impossible que nous échappions au pire, et que nous ayons déjà passé le pic de l’épidémie. .
Le problème, c’est que l’on ne connaît pas le taux de contamination de communauté à communauté, c’est à dire en dehors des voyageurs qui rentrent de l’étranger. Ils ont commencé à effectuer des tests aléatoires dans les foyers de l’épidémie, notamment à Bondi. Nous allons voir les résultats. Il n’est pas impossible que le virus prenne de l’ampleur après Pâques si le taux de contamination de communauté à communauté est élevé, car pour le moment, la priorité n’a été mise que sur la mise en quarantaine des voyageurs. Une deuxième vague de contamination n’est également pas à exclure, comme c’est le cas en ce moment à l’étranger, notamment au Japon.
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