A deux semaines du premier tour de l’élection présidentielle française, plusieurs candidats ont tenu des rassemblements massifs dimanche, dont ils espèrent qu’ils convaincront des millions d’indécis après une campagne en sourdine du fait de la guerre en Ukraine.
Alors que la principale challenger du chef de l’Etat, Marine Le Pen, se trouve ce week-end en Guadeloupe, territoire des Antilles françaises, où des manifestants ont perturbé une émission télévisée qu’elle enregistrait, son adversaire d’extrême droite Eric Zemmour, en déclin dans les sondages, affirme avoir réuni 100.000 personnes à Paris.
« Il nous reste 14 jours, c’est une éternité », a affirmé l’ancien éditorialiste, au coeur d’une nouvelle polémique après que ses supporters ont scandé « Macron assassin » durant son discours, sans qu’il les interrompe.
« Il ne l’a pas entendu » et « il condamne ce qu’a dit la foule à ce moment-là », a ensuite affirmé l’entourage d’Eric Zemmour, aujourd’hui crédité de 10% d’intentions de vote. Des voix issues de tout l’échiquier politique ont dénoncé son attitude, notamment qualifiée d' »irresponsable ».
L’écologiste Yannick Jadot, à la peine dans les sondages (6%), a de son côté enjoint à « renverser la table », choisissant un « vote de conviction » en sa faveur, devant plusieurs milliers de supporters dans un salle parisienne.
Nombre de sympathisants de la gauche s’interrogent en effet sur un vote utile au premier tour en faveur de Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la gauche radicale en troisième position des sondages avec 12 à 15% des intentions de vote.
« Si réellement vous avez l’intention de faire barrage au second tour, j’ai une proposition plus intéressante à vous faire, faites barrage dès le premier tour », a lancé ce dernier devant des milliers de personnes réunies sur une plage de Marseille (Sud), 35.000 selon son parti.
– Incertitude –
Emmanuel Macron sera de son côté sur le terrain lundi à Dijon (Est), pour faire taire les critiques l’accusant de fuir le débat, dans une campagne écrasée par la guerre en Ukraine.
La candidate de la droite traditionnelle Valérie Pécresse, après de récentes semaines catastrophiques qui la voient désormais culminer à 12% d’intentions de vote, a contracté le Covid-19 et doit retrouver son public par visioconférence en fin d’après-midi.
Ces meetings donnent un peu de couleur à une campagne « à bas bruit », qui semble « n’avoir jamais démarré » du fait de la guerre en Ukraine, de l’absence de débat et du sentiment que « les choses sont jouées » depuis des mois, le chef de l’Etat arrivant invariablement en tête de tous les sondages, estime Adélaïde Zulfikarpasic, la directrice de l’institut BVA Opinion.
Mais « peut-être que tout va se jouer dans les deux prochaines semaines », alors que « quatre électeurs sur dix sûrs d’aller voter sont encore dans l’hésitation », en plus des abstentionnistes potentiels, poursuit-elle.
Au vu de la « forte défiance » à l’égard de la classe politique, « il y a de multiples ingrédients qui débouchent à la fois sur un vote plus incertain, sans doute plus mobile », opine la politologue Anne Muxel, directrice de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Un facteur clé pour le scrutin. Alors qu’Emmanuel Macron reste à 28-30% dans les sondages, loin de la mêlée, ses principaux concurrents, Marine Le Pen (20%) et Jean-Luc Mélenchon, surfent sur une bonne dynamique.
– « Abstention différentielle » –
Deux candidats qui, s’ils réussissent à mobiliser leur électorat, sont capables de prouesses mais qui, dans le cas contraire, auront énormément à perdre, souligne Mme Muxel.
Du fait d’une « abstention différentielle », les électeurs des différents candidats « n’ont pas le même comportement électoral », explique le politologue Gaspard Estrada.
« Les personnes les plus diplômées, les plus aisés et les plus âgées », dont beaucoup soutiennent Emmanuel Macron, se rendent ainsi plus dans l’isoloir que les électeurs de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui « ont davantage tendance à ne pas aller voter le jour de l’élection ».
Les deux candidats ont largement axé leurs campagnes sur le pouvoir d’achat, préoccupation numéro 1 des Français alors que les prix flambent du fait de la guerre en Ukraine.
Signe toutefois du désintérêt pour le scrutin, TF1, la première chaîne du pays, arrêtera son émission spéciale consacrée au premier tour à 21h30 le 10 avril, bien plus tôt que pour les précédentes présidentielles.
Ensuite, les téléspectateurs seront invités à regarder « Les Visiteurs », une comédie populaire des années 1990, gage d’une meilleure audience.
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