Les autorités égyptiennes ont gracié et libéré mercredi deux journalistes de la chaîne qatarie Al-Jazeera emprisonnés pour « diffusion de fausses informations » et accusés d’avoir soutenu les Frères musulmans, une affaire qui avait soulevé un tollé à l’étranger.
Le Canadien Mohamed Fahmy, 41 ans, et l’Egyptien Baher Mohamed, 31 ans, ont été relâchés peu après l’annonce de leur grâce par le président Abdel Fattah al-Sissi.
« Je suis fou de joie à l’idée de ne plus avoir à me soucier d’avocats et d’officiers de police me suivant partout, mais surtout parce que je vais pouvoir partager le même toit que mon épouse ce soir », a déclaré Mohamed Fahmy après sa libération.
« Nous sommes très très heureux. Mais nous sommes un peu surpris par la façon avec laquelle tout cela s’est fait », a pour sa part déclaré Baher Mohamed.
Leur libération a été aussitôt saluée par Al-Jazeera, Amnesty international et les autorités canadiennes notamment.
La grâce présidentielle qui concerne une centaine de détenus est intervenue quelques heures avant le départ pour New York du président Sissi, très critiqué sur les droits de l’Homme. Il doit assister à l’Assemblée générale de l’ONU.
Après leur libération, les deux journalistes ont été déposés dans un marché de Maadi, banlieue du Caire, non loin de la prison.
MM. Fahmy et Mohamed avaient été condamnés fin août, en compagnie de l’Australien Peter Greste qui travaillait également pour Al-Jazeera, à trois ans de prison par un tribunal du Caire pour avoir « diffusé de fausses informations » et travaillé sans les autorisations nécessaires.
– ‘Geste symbolique’ –
Ils étaient accusés d’avoir soutenu à travers leur couverture les Frères musulmans, l’organisation de l’ex-président islamiste Mohamed Morsi, destitué en 2013 par M. Sissi, alors chef de l’armée.
Les deux journalistes avaient été arrêtés après l’énoncé du verdict en août. M. Greste était lui jugé par contumace. Il avait été expulsé en février en vertu d’un décret présidentiel.
A l’annonce de la grâce, la fiancée de M. Fahmy a indiqué que ce dernier voulait essayer de récupérer sa nationalité égyptienne. Il y avait renoncé pour ne garder que celle du Canada, en espérant pouvoir bénéficier comme M. Greste d’une mesure d’expulsion.
« Nous nous réjouissons pour eux et pour leur famille », a indiqué Al-Jazeera dans un communiqué déplorant toutefois qu’ils « aient perdu près deux ans de leur vie pour le simple fait d’être journalistes »
Leur collègue australien s’est dit « très ravi » et dans une interview à la chaîne du Qatar, il a estimé que « le « président Sissi avait entrepris un grand pas pour rétablir la confiance dans le système ».
« Je suis absolument ravie que Mohamed Fahmy et son collègue Baher Mohamed aient été graciés aujourd’hui. Ce fut une longue épreuve et nous sommes reconnaissants envers le président Sissi (…) », a dit dans un communiqué l’avocate Amal Clooney.
Dans un communiqué, Amnesty international a salué cette grâce accordée à la veille de l’Aïd al-Adha mais qui « ne représente qu’un geste symbolique » selon l’ONG qui déplore que des « centaines d’autres personnes sont toujours emprisonnées pour avoir manifesté ou pour leur travail journalistique ».
– Deux militantes graciées –
L’affaire des journalistes d’Al-Jazeera, qui avait provoqué une vive tension entre Le Caire et Doha mais aussi avec les capitales occidentales dont le Canada, avait débuté fin décembre 2013 lorsque les trois journalistes avaient été arrêtés au Caire.
Lors d’un premier procès en juin 2014, ils avaient été condamnés à des peines de sept à dix ans de prison mais la Cour de cassation les avait annulées. A l’ouverture d’un nouveau procès le 12 février dernier, MM. Fahmy et Mohamed avaient été remis en liberté conditionnelle. M. Greste était lui alors en Australie.
Au-delà de l’affaire des journalistes, de nombreuses ONG de défense des droits de l’Homme ont critiqué l’implacable répression menée par le régime de M. Sissi contre toute opposition, en particulier islamiste, depuis la destitution de M. Morsi, le 3 juillet 2013.
Parmi la centaine de personnes ayant bénéficié mercredi de la mesure de grâce figurent deux militantes des droits de l’Homme connues, Yara Sallam et Sanaa Seif, qui avaient été condamnées en décembre 2014 à deux ans de prison.
Elles avaient été arrêtées avec d’autres en juin de la même année après avoir pris part à un rassemblement appelant à l’abrogation d’une loi controversée limitant le droit de manifester.
par Samer AL-ATRUSH – AFP
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