Melbourne en effervescence accueille pour 5 jours seulement Snow-White, le ballet du chorégraphe français Angelin Preljocaj dont les costumes ont été dessinés par Jean-Paul Gaultier. Sur scène, vingt-six danseurs portent haut le fameux conte des frères Grimm. Jean-Charles Jousni y incarne le prince. Pour Le Courrier Australien, le jeune homme revient sur son parcours et nous dévoile ses projets d’avenir. Une rencontre forcément charmante.
Une bête histoire de passeport déchiré a obligé notre danseur à retarder son voyage à Melbourne et à arriver le soir de la première. On le rencontre le lendemain, au café de la National Gallery of Victoria, en face de l’Arts Centre où le ballet est présenté. Ponctuel et miraculeusement « pas décalé », il s’attable devant un long black et accepte de raconter ses débuts. « J’étais un enfant très turbulent. Ma mère a donc cherché une activité pour me canaliser. C’est en accompagnant ma sœur, de sept ans mon aînée, à son cours de danse classique que son professeur m’a proposé de rejoindre son cours. » Première initiation, bon souvenir. Le jeune adolescent, originaire de Brest, multiplie ensuite les expériences sportives. Champion d’aviron mer et rivière catégories cadet et junior. Cours de karaté. Incursion sérieuse sur les terrains de football qui manquent de le voir passer professionnel. Jean-Charles se fait remarquer. « Pour autant, cela ne m’a pas empêché d’avoir une éducation artistique, d’aller voir des spectacles. »
Justement, c’est un spectacle qui lui permet finalement de se trouver.
Une copine lui propose de participer à une danse de fin d’année au lycée et voilà que le directeur du conservatoire de Brest le remarque et lui offre une place. Sa prestation était pourtant modeste et il n’en garde pas un grand souvenir. « Le fait d’être un garçon qui sait bouger a joué – il n’y en a pas tellement sur le marché », tempère Jean-Charles. Mais intégrer l’institution artistique provoque un déclic. « Je me suis aperçu que j’avais des prédispositions alors que je ne suis ni grand ni souple (sourires), mais je connais mon corps, et j’ai le sens du rythme. » Le jeune homme se met sérieusement à la danse et s’offre un rattrapage en règle de tous les spectacles possibles en vidéo.
Il ne faut pas que le mouvement soit joli, il doit avant tout être juste.
Angelin Preljocaj, il l’a admiré bien avant de travailler avec lui. Le sacre du printemps tient notamment une place particulière au panthéon de Jean-Charles. « Ce qui m’a frappé avec ce chorégraphe, c’est la sensualité de ce qu’il propose et l’état dans lequel il met les spectateurs et aussi les danseurs eux-mêmes. Le début de ses spectacles est toujours excellent avec une scène d’ouverture très forte. » Le jeune homme explique aussi qu’il aime l’engagement physique. « Pour Angelin, il ne faut pas que le mouvement soit joli, il doit avant tout être juste. » L’esthétisme en découle et aussi l’émotion.
Cela fait dix ans maintenant que Jean-Charles danse au sein du ballet Preljocaj. Impossible de se rappeler tous les spectacles sans risquer d’en oublier un. Blanche-Neige, Roméo et Juliette… aux classiques s’ajoute Suivront mille ans de calme, une création importante qui a associé le Bolchoï. « Une aventure incroyable » s’enthousiasme Jean-Charles qui se rappelle que les danseurs de sa compagnie arrivaient en jogging aux répétitions quand les artistes russes étaient bien serrés dans leur collant. « La confrontation de deux cultures. » Ils ont passé deux mois à Moscou et un mois à Aix. Au final, plusieurs danseuses du Bolchoï ont définitivement rejoint Preljocaj.
Sinon, Jean-Charles cite Noces, « la Mona Lisa du chorégraphe », un chef-d’oeuvre absolu qui rend aussi hommage aux origines albanaises du chorégraphe.
Reine, selfie et jeunesse éternelle
Blanche-Neige, qui est présenté à Melbourne pour la première fois, a d’abord rendu les danseurs dubitatifs. « Pas facile de prendre de la distance par rapport à Walt Disney. » Mais Preljocaj avait déjà la musique de Mahler en tête et aussi des croquis de costumes de Jean-Paul Gaultier. « Cela nous a permis de nous projeter dans un univers différent, avec une histoire de reine qui renvoie à notre société contemporaine qui se prend tout le temps en selfie (versus le miroir) et qui court après la jeunesse éternelle. » Un truc moderne.
La question des costumes a été très particulière pour ce ballet. Comment s’est passée la collaboration avec le couturier français ? Outre le fait que le créateur est « très abordable », il a proposé plein de choses qui ont finalement été modifiées sur les danseurs eux-mêmes. « Il est venu à Aix et nous avons fait des essayages – comme dans une boutique. C’est là que d’autres idées ou associations sont nées dans sa tête. Finalement, les costumes ont été modifiés au fur et à mesure. » Danser avec a été une autre histoire. Il a fallu s’habituer au costume de la reine avec des talons aiguilles et un corset. « Et même Blanche-Neige n’a pas une robe qui facilite le mouvement. » Jean-Charles est-il heureux de son costume ? « Il est orange » sourit-il… une couleur peu commune dans les ballets, mais il a des références « hispanisantes » inspiration toréador. Jean-Charles aime beaucoup sa tenue, peut-être parce que la partition du prince charmant lui plaît tant. « Les duos avec Blanche-Neige sont pour moi l’incarnation de la perfection chorégraphique et musicale. »
Au début, Jean-Charles jouait le rôle de l’un des nains, « des moines dans notre histoire ». Il a fait ses premier pas de prince charmant en 2014 à New-York. Une soirée inoubliable. « J’ai déversé mon trac et mon stress pendant le filage et tout s’est bien passé » explique Jean-Charles. Le ballet a été très bien accueilli.
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Peut-être à Brisbane l’année prochaine ?
Quatre ans plus tard, il est peut-être temps de passer à autre chose… Dans ce domaine, le danseur fourmille de projets. Sous le regard bienveillant de Preljocaj, il vient de monter une compagnie avec sa partenaire : 1Promptu. Ensemble, ils ont présenté leur premier spectacle, Pierre et le Loup, au festival d’Avignon (peut-être même le verra-t-on à Brisbane l’année prochaine). Jean-Charles est aussi en train de travailler en tant que chorégraphe à un ballet qui l’associera au dessinateur de BD Nassim Sarni. Première prévue à Brest au festival La Becquée. Enfin, un autre projet va bientôt se concrétiser puisque Jean-Charles va devenir papa… Avec tout ça, aura-t-il le temps de travailler avec d’autres chorégraphes qu’il admire comme Jann Gallois ou Dimitris Papaioannou ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Valentine Sabouraud
Photo du ballet (C) par J.C. Carbonne.
Snow-White (Blanche-Neige) du ballet Preljocaj avec Jean-Charles Jousni à l’Arts Centre Melbourne jusqu’au 5 août 2018. Infos ici.
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