En 1978, après une journée de manifestation, des militants de la cause gay descendirent dans les rues de Sydney pour une nuit de célébrations, en dépit de la répression policière. Le Sydney Mardi Gras était né.
Les médias publièrent les noms des manifestants, qui essuyèrent l’opprobre de l’opinion publique dans un climat général d’oppression et de préjugés. Il semblait alors inconcevable que de cette violence naîtrait l’une des plus grandes fêtes de rue : le « Mardi Gras gay et lesbien de Sydney ».
Cet événement qui tient son nom des carnavals de rue américains, célèbre samedi son 40e anniversaire. « Il y a eu cette nuit, qui a commencé comme une célébration et qui a fini en émeute violente et brutale« , raconte à l’AFP Kate Rowe, militante âgée de 27 ans à l’époque. « En termes historiques, en terme des droits des gays, au lieu de nous opprimer, cela a en fait servi de catalyseur à la situation que nous connaissons aujourd’hui« .
Kate Rowe appartient au groupe dit des « soixante dix-huitards ». C’était le 24 juin 1978 et les militants des droits des homosexuels entendaient commémorer les émeutes de Stonewall à New York, qui avaient éclaté quelques années auparavant lors d’une descente de police dans un bar gay.
‘Ils sentaient l’alcool’
« Sortons des bars pour aller dans la rue !« , tel était le cri de ralliement des manifestants. Certains étaient vêtus de déguisements colorés pour célébrer l’occasion, d’autres pour masquer leur identité.
D’après Mme Rowe, qui s’affichait alors pour la première fois en tant que lesbienne, un millier de personnes faisaient la fête, interrompue par la police de l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud. « J’ai été frappée et jetée dans le panier à salade. J’avais très très peur. Je n’avait jamais connu une telle violence auparavant. Il n’y avait pas de noms sur (les uniformes des policiers), c’était des gros flics lourdauds, et la plupart sentaient l’alcool« .
Les journaux, y compris le plus emblématique, le Sydney Morning Herald, avaient publié le nom, l’adresse et la profession des personnes arrêtées, aggravant leur traumatisme en révélant leur homosexualité à leur famille et à leur employeur. Certains avaient perdu leur emploi.
Les années de militantisme ayant débouché sur ce premier « Mardi Gras », organisé par la suite pendant l’été austral, ont été racontées dans « Riot » (émeute), un film de télévision que vient de diffuser la chaîne nationale ABC.
Ce film dépeint un bouillonnement inspiré par différents courants comme le mouvement de libération des femmes ou de défense des travailleurs, les révoltes étudiantes. Il était alors difficile d’être homosexuel, entre harcèlement policier, ostracisme, tentatives de suicide et menaces sur l’emploi. Les mères lesbiennes avaient du mal à conserver le droit de garde de leurs enfants, les homosexuels étaient souvent passés à tabac.
« La situation était désastreuse« , explique à l’AFP Ken Davis, un autre soixante dix-huitard. « C’était très difficile car les relations sexuelles entre hommes étaient illégales dans tous les Etats et territoires, les témoignages publics d’affection entre femmes étaient illégaux« .
‘Tournant’
Ce n’est qu’en 1984 que les relations entre hommes ont été dépénalisées en Nouvelle-Galles du Sud, bien des années plus tard dans certains Etats.
Le 24 juin 1978 est décrit comme « un tournant » pour les droits civiques australiens par Ken Davis. « Cela a posé des questions importantes sur le pouvoir de la police et le droit des gens à manifester pacifiquement« .
L’édition 2017 du « Mardi gras » avait réuni 250.000 personnes, un nombre qui augmente d’année en année. L’icône gay Cher est attendue samedi à Sydney. Les organisateurs tentent de composer entre les origines militantes de l’événement et son succès commercial.
« Le Mardi gras joue maintenant le rôle de Robin des Bois« , dit à l’AFP la directrice générale de l’événement Terese Casu. « Nous sommes une entreprise, nous sommes bien plus commerciaux qu’avant mais nous pouvons appuyer et aider les groupes protestataires plus petits« .
En 2016, le Parlement de Nouvelle-Galles du Sud, la police de l’Etat et le Sydney Morning Herald ont présenté leurs excuses aux soixante dix-huitards. Et l’année dernière, l’Australie a voté la légalisation du mariage gay.
S’il reste des choses à faire en matière de droits LGBT, poursuit Ken Davis, le « Mardi gras » peut servir de plateforme « pour les grands problèmes » australiens comme les droits indigènes et le bien-être des réfugiés. « C’est bien d’avoir une nuit de satire où l’on peut critiquer le pouvoir avec humour« .
Source : AFP / Photo : Australian Lesbian and Gay archives
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