Entre les droits de douane américains et le programme des conservateurs proche de celui du président des Etats-Unis, un effet « Trump » peut expliquer en partie la victoire des travaillistes australiens aux législatives de samedi, jugent des analystes.
Contrairement au Canada, où les élections ont a été dominées par les menaces d’annexion du président américain, Donald Trump n’était pas la principale préoccupation des électeurs d’Anthony Albanese, selon ces observateurs.
Néanmoins, certains estiment que la politique du président américain a pu jouer un rôle significatif dans la tendance favorable au Parti travailliste observée ces derniers mois dans les sondages et dans la victoire incontestable de samedi.
Les propositions de Peter Dutton, chef de l’opposition conservatrice, ont pu être perçues comme une version « allégée » du programme de Donald Trump – notamment avec la suppression de postes de fonctionnaires par souci d’efficacité gouvernementale -, estime Henry Maher, professeur de sciences politiques à l’université de Sydney.
« Bien sûr, il y a d’autres préoccupations – le coût de la vie, la défense, la santé et tout le reste », explique-t-il à l’AFP.
« Mais si on veut comprendre pourquoi une bonne partie de l’électorat a changé (d’avis) durant la campagne électorale ces derniers mois, je pense que c’est la principale raison ».
Les droits de douane additionnels américains, à hauteur de 10% pour l’Australie, un allié de longue date, et les perturbations causées par la politique commerciale de Donald Trump sur les marchés financiers ont pu troubler les Australiens, ajoute M. Maher.
« En des temps d’instabilité, on s’attend à ce que les gens se tournent vers les candidats sortants » qui leur procurent de la « stabilité », analyse-t-il aussi.
– « Instable » –
La confiance de la population australienne envers son principal allié, les Etats-Unis, semble s’être volatilisée depuis la prise de fonction de Donald Trump.
Seuls 36% des Australiens font confiance aux Etats-Unis, soit 20 points de moins qu’en 2024, selon un sondage de Lowy Institute.
Début 2025, Peter Dutton, qui a perdu son siège de parlementaire samedi soir, avait salué en Donald Trump un « grand penseur » et quelqu’un de « malin ».
Lui et son adversaire travailliste ont toutefois durci le ton et souligné qu’ils agiraient pour défendre les intérêts du pays océanien sans courber le dos.
Kate Harrison Brennan, qui a été conseillère de l’ancienne Première ministre travailliste Julia Gillard, juge que la coalition de M. Dutton avait des projets de mesures « assez similaires à celles (observées) aux Etats-Unis »: Donald Trump a « assurément » eu un impact sur l’élection, dit-elle à l’AFP.
Les Australiens ont constaté les perturbations suscitées au niveau mondial par Donald Trump, décrit Kate Harrison Brennan, de l’université de Sydney, ce qui a bénéficié à M. Albanese.
« Il a bien fait valoir que, dans un monde en mutation et instable, il ramènerait le calme mais (aussi) une manière efficace de gouverner l’Australie », affirme-t-elle.
Les analystes ne considèrent toutefois pas tous que le président des Etats-Unis a constitué un facteur décisif dans le choix des électeurs.
Paul Williams, expert en sciences politiques à l’université Griffith (est), juge que le Premier ministre sortant aurait également gagné si Joe Biden était resté à la Maison Blanche.
– « Tournant » –
La décision de la banque centrale australienne d’abaisser son taux directeur en février, pour la première fois en plus de quatre ans, a représenté un « tournant » pour le Parti travailliste, affirme-t-il.
« Evidemment, cette élection s’est focalisée sur le coût de la vie », juge M. Williams, mais la situation en la matière s’améliore « parce que les salaires rattrapent l’inflation ».
Selon lui, le chef de l’opposition n’a en outre proposé que quelques mesures, comme l’introduction du nucléaire civil en Australie, et a manqué de les expliquer clairement aux électeurs.
Il a aussi été contraint de renoncer au projet, mal accueilli, de mettre fin au télétravail pour les fonctionnaires, décrit-il.
Ce revirement, comme d’autres, a d’ailleurs conduit ses détracteurs à considérer qu’il n’était pas apte à diriger le pays. « Ils n’ont pas passé une seule semaine de cette campagne sans faire volte-face », a ainsi critiqué M. Albanese.
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