C’est l’histoire d’une chaussure unisexe en peau de mouton retournée et laine qui est devenue l’objet d’une bataille culturelle intense entre l’Australie et le monde.
En 1971, le surfeur Shane Stedman (en photo ci-contre) a l’idée de créer un style de botte fourrée qui lui tiendra chaud aux pieds entre deux vagues, considération pratique s’il en est. La création, qu’il appelle UGH, n’aurait pas tant fait parler d’elle si elle n’avait, ultérieurement, tapé dans l’oeil de quelques mannequins, actrices et surtout… de la présentatrice vedette Oprah Winfrey qui l’inclut dans sa liste « d’objets préférés ». L’accessoire devient culte de l’autre côté de l’Atlantique et c’est là que les choses se compliquent.
Brian Smith, un autre australien malin installé, lui, aux USA, décide de déposer la marque UGG en 1978 pour exactement le même genre de botte fourrée. En 1995, il revend sa petite entreprise au groupe américain Deckers qui rachète dans la foulée la société de Stedman pour une bouchée de pain. Le géant californien positionne alors la fameuse botte en produit de luxe et protège son nom dans 130 pays, dont la Chine et même les membres de l’Union européenne. Plus question pour les fabricants australiens d’exporter leurs propres créations en dehors de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande sous peine de poursuites.
Rébellion immédiate Down Under. Les professionnels, avec à leur tête Eddie Oygur patron d’Australian Leather, font valoir que UGG est un terme générique – comme camembert en France ou feta en Grèce. Loin d’être l’idée de génie d’un surfeur isolé, les UGG – ou uggs – , disent-ils, ont été créées dans les années 1930 dans les Blue Mountains pour se réchauffer en hiver. En conséquence, elles appartiennent au patrimoine australien et elles peuvent être fabriquées et vendues librement partout dans le monde. Turnbull lui-même se positionne en ce sens.
Aujourd’hui, rien n’est tranché et tout se joue devant les tribunaux où l’on assiste à Deckers contre Australian Leather, un procès qui évoque la lutte entre David et Goliath.
En attendant, que disent les consommateurs ?
Down Under, c’est un peu la consternation car l’image des UGG y est mitigée. Les bottes y sont considérées comme plutôt moches* et elles se portent comme des chaussons pour trainer à la maison. La fascination qu’elles provoquent ailleurs est un mystère pour bien des Australiens. Dans le reste du monde, les UGG restent indémodables et Rihanna, Sienna Miller ou Gigi Hadid ont encore été photographiées récemment avec ces bottes aux pieds. La collection de Deckers s’enrichit régulièrement de nouveaux modèles et on peut s’étonner devant le résultat de certaines collaborations. Avec Y/project par exemple, les UGG montent jusqu’à l’entrejambe : une version chat botté pas facile à porter tous les jours.
Néanmoins, dans l’imaginaire des consommateurs, les UGG sont indubitablement associées à l’Australie. On les achète encore en pensant aux grands espaces du pays aux millions de moutons, sans se douter qu’elles sont généralement made in China et vendues par un puissant américain, y compris à Sydney ou Melbourne. Un comble !
Valentine Sabouraud
* UGG viendrait d’ugly qui signifie moche en anglais. Le nom est aussi associé à hug : câlin.
Deuxième photo dans le corps de l’article : Sienna Miller en UGG.
Sources : daily mail, cpc strategy, le monde, the guardian.
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