Place à la finance: après un accord sur la sortie progressive des énergies fossiles, les négociations climatiques de l’ONU se focalisent en 2024 sur le déblocage des milliers de milliards de dollars nécessaires aux pays en développement pour affronter la crise climatique.
Le but principal de la COP29 en novembre à Bakou, sous présidence de l’Azerbaïdjan, est ardu: combien d’argent les pays développés s’engageront-ils à leur fournir pour la transition énergétique et pour résister aux catastrophes climatiques ?
– Qu’est-ce que la « finance pour le climat » ?
Aucune définition consensuelle n’existe. Au sens large, la « finance pour le climat » désigne tout argent dépensé, public ou privé, pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris de « rendre les flux financiers compatibles avec (…) un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques » (article 2.1C).
Concrètement, cela inclut tous les financements pour le développement économique bas-carbone et l’adaptation: énergies éolienne, solaire, nucléaire,…; voitures électriques; agroécologie; reforestation; isolation des logements; sécurisation de l’accès à l’eau; assainissement; systèmes de santé capables de gérer canicules et inondations; digues face à la montée des eaux, etc.
Cependant, aucune norme stricte n’existe et la frontière est parfois floue avec l’aide au développement. Une subvention à un nouvel hôtel économe en eau peut-elle entrer dans la finance climatique? Les COP ne l’ont jamais défini.
En pratique, l’emploi du terme « finance climatique » dans les forums onusiens désigne avant tout la mobilisation de l’aide des pays riches vers le monde en développement.
– Qui paie?
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée à Rio en 1992, a énuméré les pays tenus de fournir une aide au reste du monde, en vertu de leur « responsabilité historique » dans le réchauffement.
Ces pays – Etats-Unis, Union européenne, Japon, Grande-Bretagne, Canada, Suisse, Norvège, Islande, Nouvelle-Zélande et Australie – s’étaient engagés à atteindre 100 milliards de dollars d’aides par an d’ici 2020 et jusqu’en 2025.
Mais ils n’ont atteint l’objectif qu’en 2022 et ce retard a creusé le fossé diplomatique Nord-Sud.
– Combien faut-il?
A la COP29, les pays sont censés s’accorder sur l’objectif après 2025.
Quel que soit le montant approuvé, il sera loin de couvrir les besoins des pays en développement pour tenir leurs objectifs climatiques, évalués (hors Chine) à 2.400 milliards de dollars annuels d’ici 2030, selon des experts mandatés par l’ONU.
L’Inde, la première, a proposé un objectif d’aide de 1.000 milliards de dollars annuels et de nombreux blocs lui ont emboîté le pas, le groupe arabe réclamant 1.300 milliards.
Ces montants sont jugés irréalistes par les pays riches. Faisant valoir qu’ils ne représentent plus la majorité des émissions historiques de gaz à effet de serre, ils réclament d’élargir la base des contributeurs à la Chine et aux pays du Golfe notamment.
Aujourd’hui, leur aide passe d’abord par les banques de développement et, dans une moindre mesure, par des fonds internationaux cogérés, comme le Fonds vert pour le climat (12,8 milliards de dollars reçus des pays donateurs pour 2024-2027) ou le Fonds pour l’environnement mondial (5 milliards pour 2022-2026).
Les « 100 milliards » sont aussi critiqués car il s’agit pour deux tiers de prêts, souvent à taux préférentiels mais accusés d’alimenter le surendettement.
– Où trouver l’argent?
Les pays riches font aussi pression pour que les pays en développement mobilisent mieux leur finance nationale par des feuilles de route climatiques plus contraignantes et pour que le monde s’accorde sur des normes susceptibles de lever plus d’argent du privé.
Ce discours crispe au plus haut point les pays en développement, viscéralement attachés aux obligations historiques des pays riches.
Dans un courrier, le Climate Action Network (CAN), principale coalition d’ONG environnementales, a appelé ces pays à fournir 1.000 milliards de dollars, essentiellement sous forme de dons. Sur ce montant, 300 milliards iraient à la réduction des rejets de carbone et 300 à l’adaptation aux changements climatiques.
Les 400 milliards restants devraient abonder le fonds « pertes et dommages », créé à la COP28 pour soutenir les pays pauvres victimes de désastres climatiques, mais encore loin d’être opérationnel (661 millions de dollars de promesses de dons).
La diplomatie financière se joue aussi à la Banque mondiale, au FMI et au G20, dont la présidence brésilienne veut créer un impôt mondial sur les plus riches.
Promues par le chef de l’ONU, Antonio Guterres, des idées de taxes innovantes, sur l’aviation ou le transport maritime, sont à l’étude, notamment dans un groupe de travail lancé par la France, le Kenya et la Barbade.
Autre proposition: l’Azerbaïdjan a appelé les producteurs d’énergies fossiles à abonder un nouveau fonds pour les pays en développement.
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