Pour la plupart des Australiens, les Jeux du Commonwealth sont un simple événement sportif. Mais pour certains Aborigènes, ils symbolisent l’invasion, la dépossession et une culture baillonnée.
Des centaines de personnes en colère ont déjà fait entendre leur voix à Gold Coast, la ville qui accueille les Jeux ; trois personnes ont d’ailleurs été arrêtées mercredi, en marge de la cérémonie d’ouverture. Les manifestants ont également interrompu la course de relais et prévoient de perturber d’autres épreuves.
« Nous appelons cela les Jeux du Stolenwealth (fortune volée) parce que nous méritons mieux » a déclaré l’activiste Wayne Warton aux manifestants mardi. « Nous méritons mieux et nos enfants méritent mieux que ce que nous avons. »
En 1982 déjà, lorsque les Jeux avaient été accueillis à Brisbane, environ 2000 personnes avaient défilé dans Brisbane en réclamant la reconnaissance des droits fonciers des Aborigènes et la fin de la politique discriminatoire du gouvernement. Trente ans plus tard, les activistes considèrent que peu de choses ont changé.
« Le message que nous voulons faire passer aux états du Commonwealth, c’est que c’est une honte de se rassembler sur cette scène de crime qu’est l’Australie » a expliqué Wharton à l’AFP. « L’objectif de tout ça(de l’installation des colons britanniques en Australie), c’était que le pouvoir colonial puisse pomper toute la fortune de notre pays. Maintenant nos peuples sont les plus pauvres de toute l’Australie. »
De fait, la culture aborigène remonte à des dizaines de milliers d’années, bien avant l’arrivée des colons. Mais aujourd’hui, les Aborigènes représentent la fraction la plus défavorisée de la population australienne : un taux de pauvreté et un taux d’emprisonnement plus élevés que la moyenne, et des problèmes de santé plus fréquents.
« Le jour de l’invasion »
On pense que les Aborigènes étaient environ un million lorsque les colons britanniques se sont installés. A présent ils représentent seulement 3% de la population australienne, qui se chiffre à 24 millions ; leur nombre a donc significativement diminué.
Des milliers d’enfants aborigènes ont été retirés de leur foyer et placés en famille d’accueil dans des familles blanches, ou dans des institutions : une politique d’assimilation forcée qui n’a pris fin qu’à la fin des années 70. Beaucoup de ces victimes, que l’on appelle la « Stolen Generation » (génération volée), n’ont jamais retrouvé leur famille.
Les souffrances qu’ont endurées les Aborigènes sont de plus en plus connues du grand public. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté pour l’Australia Day le 26 janvier dernier pour enjoindre le gouvernement à repenser cette commémoration nationale. En effet, cette date marque l’arrivée des premiers colons anglais en 1788 ; pour les Aborigènes elle correspond au début de l’oppression coloniale.
Le débat autour d’une réforme constitutionnelle qui reconnaîtrait les Aborigènes comme premiers habitants de la nation est très vif au Parlement fédéral, alors même que le gouvernement n’est jamais parvenu à réduire les inégalités entre les Aborigènes et la population blanche en termes de santé, éducation ou emploi.
Lutte ou réconciliation ?
Ted Williams, un ancien de la tribu Yagambeh dont la terre ancestrale se situe dans la région de Gold Coast, a choisi de faire la promotion de la culture aborigène plutôt que de manifester pendant les Jeux. « On peut parler des décès en détention, de la génération volée — ce sont des choses qui doivent être discutées, qui doivent être connues du grand public. Mais le mouvement de réconciliation est très positif et notre engagement dans ces Jeux l’illustre de bien des manières. »
Une opinion que ne partagent pas les activistes « Stolenwealth ». « Les actions parlent mieux que les mots, » affirme Ruby Wharton, qui ajoute : « Nous voulons du progrès et nous voulons du changement ».
Source : AFP
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