L’écrivain et réalisateur Claude Lanzmann, décédé jeudi à l’âge de 92 ans, était connu mondialement pour son film sans précédent sur l’Holocauste « Shoah » (1985). Une œuvre qui a fait date dans l’histoire du cinéma.
Le film, qui dure neuf heures et demie sans images d’archives ni voix-off, est un enregistrement austère de témoignages parmi les plus tourmentés sur l’Holocauste ; ils ont été réunis à l’écran, la caméra de Lanzmann imperturbablement braquée sur les interviewés.
Voici quelques éléments de contexte de « Shoah », qui a eu un énorme impact à sa sortie et qui est devenu un incontournable dans la liste des film étudiés dans les cours de cinéma à travers le monde.
La fin du silence
Le titre sobre, en un mot, du film signifie « calamité » en hébreu ; il est communément utilisé en France et dans d’autres pays européens en référence à l’extermination de masse des Juifs par les Nazis durant la seconde guerre mondiale.
« J’ai pensé qu’il aiderait les Allemands à faire face à leur terrible passé » a dit Lanzmann à propos de son film en 2013 en recevant l’Ours d’Or d’honneur pour l’œuvre de toute une vie au Festival du film de Berlin.
« N’oubliez pas qu’ils sont restés silencieux pendant de nombreuses, nombreuses années. L’immensité du crime les a réduits au silence ; ils ne pouvaient même pas parler de leurs propres souffrances. »
Le thème de l’Holocauste est l’un de ceux auxquels le réalisateur est souvent revenu dans son travail.
Un tournage épique
La production du film s’est avérée aussi épique que son résultat : 300 heures de rushes et 12 ans de montage pour une sortie en 1985 finalement. Lanzmann a alors 60 ans, c’est un écrivain établi qui ne compte qu’un unique documentaire à son actif.
« Shoah » s’intéresse spécifiquement aux camps nazis de Auschwitz-Birkenau, Chelmno et Treblinka, ainsi qu’au processus d’extermination mis en place dans le ghetto de Varsovie.
A travers dix tournages distincts, Lanzmann a méthodiquement suivi les traces de l’Holocauste, identifiant les lieux de génocide et recueillant les témoignages des survivants.
La vérité du barbier
Peu de séquences ont été reconstituées ou préparées. L’une des plus célèbres implique un homme qui avait travaillé comme coiffeur dans le camp de Treblinka et que Lanzmann a traqué jusqu’en Israël pour le filmer en train de couper des cheveux dans un salon près de Tel-Aviv.
Pendant 15 minutes environ, le visage de l’homme emplit souvent l’écran au fur et à mesure qu’il parle avec une difficulté croissante, et finit par éclater en sanglots, pour raconter comment il coupait les cheveux des Juifs juste avant qu’ils n’aillent dans les chambres à gaz — incapable de leur dire pourquoi il le faisait, de peur d’être forcé de subir le même sort.
« Certaines personnes ont sous-entendu qu’il y avait une sorte de sadisme de ma part dans cette scène périlleuse », a écrit Lanzmann, dans son autobiographie en 2011 Le lièvre de Patagonie. Au contraire « Je considère que c’est un exemple de respect et de solidarité que de ne pas fuir sur la pointe des pieds devant la souffrance et d’obéir à un impératif radical de recherche et de transmission de la vérité. »
« Shoah » a été récompensé partout dans le monde, avec un César en France, deux BAFTA britanniques et des reconnaissances à Berlin et Rotterdam.
Glossaire
Austère (adj.) : stark
Braqué(e) (adj.) : turned towards
Etabli (adj.) : established
Faire date (exp.) : to be a historical milestone
Faire face (exp.) : face up to
Impératif (n.m.) : a necessity
Imperturbablement (adv.) : imperturbably
Recueillir (v.t.) : to collect
Réduire au silence (exp.) : to silence
Rush(es) (n.m. – cinéma) : takes
Sanglot (n.m.) : sob
In english please
Claude Lanzmann’s epic Holocaust film ‘Shoah’
French writer and filmmaker Claude Lanzmann, who died Thursday aged 92, was known worldwide for his ground-breaking epic on the Holocaust, « Shoah » (1985), a landmark in cinema history.
The film, which runs nine and a half hours without any archival footage or voice-over, is a stark recording of some of the most harrowing testimonies about the Holocaust gathered on screen, Lanzmann’s camera unwaveringly fixed on his interviewees.
Here is some background about « Shoah », which had an enormous impact on its release and has become a fixture on film studies lists in universities across the globe.
– Silence no more –
The sober, one-word title means « calamity » in Hebrew and is the commonly used term in France and some other European countries for the mass extermination of the Jews by the Nazis in World War II.
« I thought it would help Germans to confront their horrible past, » Lanzmann said of his film in 2013 when receiving an honorary Golden Bear at the Berlin film festival for lifetime achievement.
« Do not forget that they remained silent for many, many years. The immensity of the crime silenced them, they couldn’t even talk about their own suffering. »
The theme of the Holocaust is one that Lanzmann returned to often in his work.
– Epic shoot –
The making of the film was as epic as its result: 350 hours of footage collected and edited over 12 years, finally coming out in cinemas in 1985 when Lanzmann was 60 and an established writer but with just a single other documentary to his name.
« Shoah » looked specifically at the Nazi death camps of Auschwitz-Birkenau, Chelmno and Treblinka, as well as the extermination process that took place in the Warsaw ghetto.
In 10 separate shooting trips, Lanzmann methodically followed the traces of the Holocaust, identifying the locations of genocide and listening to the testimonies of survivors.
– The barber’s truth –
Few of the sequences in « Shoah » were re-enacted or prepared. One of the most famous involved a man who had worked as a barber in Treblinka whom Lanzmann tracked down to Israel and filmed as he cut hair in a salon near Tel Aviv.
For nearly 15 minutes the man’s face often fills the screen as he speaks with increasing difficulty and eventually breaks down in tears, recounting how he cut the hair of Jews before they went into the gas chambers, unable to tell them why he was doing out of fear he would be forced into the same fate.
« Some people have suggested some sort of sadism on my part in this perilous scene, » Lanzmann said in his autobiography from 2011, « The Patagonian Hare ».
On the contrary « I consider it to be the epitome of reverence and supportiveness, which is not to tiptoe away in the face of suffering but to obey the categorical imperative of the search for and the transmission of truth. »
« Shoah » won prizes around the world, including a French Cesar, two British BAFTAs and awards from festivals in Berlin and Rotterdam.
AFP
>> Shoah est en replay sur arte jusqu’au 4 septembre 2018 <<
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