La compagnie aérienne irlandaise Ryanair est de nouveau dans le collimateur de la justice française qui lui reproche de ne pas respecter le droit social français et l’a mise en examen pour travail dissimulé à l’aéroport de Marseille.
Devenue début janvier la première compagnie européenne en nombre de passagers transportés, devant l’allemande Lufthansa, la compagnie de droit irlandais a été placée sous contrôle judiciaire, a-t-on appris auprès du parquet d’Aix-en-Provence.
L’entreprise est suspectée d’avoir continué pendant trois ans, de 2011 à 2014, d’employer des salariés sous statut irlandais, sans respecter le droit social français, alors qu’elle faisait déjà l’objet d’une première enquête, puis d’une condamnation, confirmée en appel en 2014, pour la période de 2007 à 2010.
Le spécialiste du low cost avait été condamné à payer 200.000 euros d’amende et 8,1 millions d’euros de dommages-intérêts. Elle doit cette fois-ci payer un cautionnement de 5 millions d’euros, qui pourra servir à s’assurer du paiement d’éventuels dommages et intérêts si l’affaire aboutit à un nouveau procès, puis à une condamnation. Ryanair a contesté la mise sous contrôle judiciaire et la consignation exigée par le juge d’instruction », selon le Syndicat national des pilotes de ligne France Alpa.
Ryanair est soupçonnée par un juge d’instruction d’avoir mis en place « un mécanisme visant à affilier artificiellement auprès des organismes sociaux irlandais » des salariés qui auraient dû être déclarés en France, y payer leurs cotisations et bénéficier du droit social hexagonal.
En cause, quatre avions que la compagnie stationnait chaque nuit de la période estivale, entre avril 2011 et mai 2014, sur les pistes de l’aéroport de Marseille-Marignane.
Avec ces appareils, 48 salariés passaient la nuit dans des hébergements sur le territoire français, quittant leur poste à l’aéroport le soir et reprenant le travail le lendemain, ce qui aurait dû conduire à payer des cotisations en France et appliquer le droit français, selon les enquêteurs.
Interrogée par l’AFP, la compagnie a annoncé avoir arrêté ses « opérations temporaires d’été à Marseille » et conteste « énergiquement toute tentative des autorités françaises d’exiger le double paiement des cotisations sociales ».
– ‘Pratique récidiviste’ –
Celles-ci « ont été intégralement payées en Irlande pour des travaux effectués entièrement sur des appareils immatriculés en Irlande, et donc sur le territoire irlandais », selon l’analyse de la compagnie.
Lors de ses procès précédents, Ryanair avait fait valoir que sa base de Marseille n’était pas un établissement pérenne mais seulement un lieu d’embarquement et de débarquement de passagers.
Le Syndicat national des pilotes de lignes (SNPL), qui s’était porté partie civile, s’est réjoui de cette nouvelle étape judiciaire qui met en lumière « une pratique récidiviste » de la part de Ryanair et de son directeur général, Michel O’Leary.
Alors que les compagnies européennes font face à la « menace extérieure » que représentent les compagnies du Golfe, « il y a toujours une menace intérieure à l’Europe, et Ryanair en fait bigrement partie », a souligné Eric Derivry, président du SNPL.
« Ryanair avait annoncé en 2011 la fermeture de sa base à Marseille, mais ils ont continué à rouvrir tous les étés », a complété Me Claire Hocquet, l’avocate du SNPL.
Alors que l’enquête va poursuivre son cours au tribunal aixois, pilotes français et compagnie irlandaise se tournent désormais vers Bruxelles, espérant une clarification par la Commission européenne du statut des travailleurs détachés dans l’Union, un sujet brûlant en pleine année électorale en France.
La mise en examen de Ryanair est « un levier politique important » pour obtenir une adaptation de la législation européenne, a estimé M. Derivry.
Ryanair attend de son côté « avec impatience » la position de la Commission européenne sur la « double imposition illégale des cotisations sociales » que lui ferait subir la France.
Contactée par l’AFP, la Commission a confirmé avoir reçu deux plaintes de Ryanair, en décembre 2014 et en janvier 2017, visant Paris et « concernant ses travailleurs détachés » en France.
« La Commission examine ces plaintes et est en contact avec les autorités françaises à ce sujet », a ajouté le porte-parole de Bruxelles, Christian Wigand.
AFP
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