Depuis 2015, c’est la Madame climat et environnement de l’Union Européenne en Australie. Nommée à l’occasion de la COP21, Caroline Lambert est un personnage clé de la diplomatie climatique européenne en Australie, portant la voix de l’UE dans un pays où les avancées en matière de protection de l’environnement restent encore modestes. Le Courrier Australien l’a rencontrée.
Après une carrière à la Commission Européenne de Bruxelles, vous êtes nommée il y a trois ans diplomate climat et environnement à la délégation de l’Union Européenne basée à Canberra. Comment expliqueriez-vous votre rôle en quelques mots ?
Pour faire simple, les missions d’un diplomate climat peuvent se résumer en trois mots : coordonner, communiquer, transmettre. Coordonner, d’abord, c’est-à-dire assurer la cohérence de l’action climatique des pays membres de l’UE en Australie. Il faut bien se rappeler que l’UE n’est pas un Etat, mais une association d’Etats : la délégation européenne à Canberra n’est donc pas seulement une sorte d’ambassade de l’UE, c’est aussi un organe assurant la bonne coordination des représentations diplomatiques des Etats membres. Concrètement, dans le domaine climatique, cela passe par l’organisation chaque mois de réunions avec les ambassades des pays de l’Union, pour préparer ensemble les actions à mener auprès du gouvernement australien et de la société civile.
Communiquer, ensuite, pour alerter sur l’importance d’un engagement plus fort de l’Australie en matière climatique. En ce moment, je prépare notamment la prochaine Semaine européenne de la Diplomatie Climatique, qui a lieu chaque année depuis quatre ans en juin, dans le monde entier. L’objectif est de faire le plus de bruit possible pendant une semaine sur la préservation de l’environnement, avec des tables rondes, des débats, des panels réunissant acteurs publics, privés, ONG et scientifiques, ou encore des projections de films.
Enfin, ma dernière grande mission consiste à assurer un rôle de courroie de transmission entre l’UE et l’Australie en matière de climat. Je relaie d’une part les demandes ou propositions émanant de Bruxelles, et j’assure d’autre part le lien entre l’Australie et les pays membres de l’UE en amont de rencontres portant sur le climat, par exemple.
L’Australie était-elle dans vos projets depuis longtemps ?
Oui ! Il y a 18 ans, j’avais déjà passé plusieurs mois en backpacking en Australie, et je me serais sans doute installée dans le pays si je n’avais pas réussi le concours de la Commission Européenne. Devenue fonctionnaire européenne, je n’ai ensuite jamais eu l’occasion de revenir, même si ce n’était pas l’envie qui me manquait. C’est pour cela qu’en 2014, quand l’UE a annoncé la création de ces postes de diplomates climat pour réveiller les forces vives autour du globe avant la tenue de la COP21, j’ai sauté sur l’occasion – et trois ans après, je suis loin de regretter ce choix. L’Australie est un pays magnifique : la faune et la flore sont remarquables, les Australiens sont chaleureux et accueillants.
Mon mari et mes enfants m’ayant suivi dans ce voyage, Canberra s’est révélée être une capitale parfaite pour vivre en famille : en plein centre-ville d’une capitale, vivre au milieu des parcs, des fleurs du paradis et des kangourous est quelque chose d’assez formidable ! Et puis au-delà de ça, je crois que ce qui me plaît et me remplit d’énergie ici, c’est cet espèce de souffle du pionner, avec le sentiment qu’il reste encore de vastes espaces à découvrir et de nombreuses opportunités à saisir. C’est quelque chose que je n’ai jamais ressenti en Europe et qui est au contraire très palpable en Australie, en dépit de tous les défis auxquels le pays fait face aujourd’hui.
L’Australie est-elle aujourd’hui en retard par rapport à l’UE quant à la protection de l’environnement ?
Il serait plus juste de dire que l’Europe se situe globalement en avance – et pas seulement par rapport à l’Australie. En matière de réglementation environnementale, l’UE a dix ou vingt ans d’avance sur le reste du monde, tout simplement parce que le fort développement industriel et économique y a rendu très tôt manifeste des problèmes comme la pollution de l’air. Cela fait ainsi plusieurs décennies qu’on a commencé à prendre conscience en Europe de l’urgence de la situation, avec l’émergence un peu partout dans l’UE de partis écologiques dont les thèmes et revendications sont aujourd’hui repris par les autres partis politiques.
Dans un sens, cette avance de l’UE est une chance pour des pays comme l’Australie où la conscience de l’urgence climatique est moins prégnante. En se servant des leçons apprises en Europe, on peut en effet éviter à l’Australie de reproduire les mêmes erreurs dans l’élaboration de ses politiques environnementales. Par exemple, il y a un important débat en ce moment en Australie sur le financement du projet de mine de charbon du géant indien Adani près de la Grande barrière de corail ; vu qu’en Europe, cela fait déjà plusieurs années qu’on s’intéresse au verdissement des investissements publics et privés, il pourrait être intéressant d’apporter cette expérience dans le débat.
Ces apports de connaissances et d’expérience ne vont par ailleurs pas que dans un sens : dans certains domaines, les pays de l’UE ont beaucoup à apprendre. Typiquement, l’Australie fait figure aujourd’hui de laboratoire mondial du développement accéléré des énergies renouvelables. Le pays a par exemple l’un des équipements en panneaux solaires les plus importants du monde, et développe dès maintenant des solutions aux problèmes de gestion des pics de consommations ou de bonne fourniture d’électricité, problèmes auxquels l’Europe sera à son tour confrontée dans les années à venir.
Propos recueillis par Tom Val et Tara Britton
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