Delphine Genin, ce n’est pas seulement le seul label à se spécialiser en broderie Haute couture en Australie. Ce n’est pas non plus uniquement de sublimes créations, composées de précieux matériaux et assemblés par certains des meilleurs artisans dans le domaine. C’est surtout l’alliance audacieuse de secteurs complètement différents, apparemment dissociés, qui réunis forment une entreprise d’une richesse atypique. D’abord directrice financière pendant 8 ans, Delphine a toujours su qu’elle voulait monter sa structure. Le tout était de savoir exactement laquelle. En attendant de définir clairement son projet, la jeune femme a diversifié ses domaines d’études et d’expériences – psychologie, sociologie, finance, gestion d’entreprise – qui, alliés à sa détermination, ont permis la naissance des créations uniques qu’elle propose aujourd’hui.
Diversifier ses connaissances pour mieux définir son projet
«Adolescente, j’ai d’abord hésité entre une école de design et un BEP. Mais mes parents ne pouvaient pas me financer la première et pensaient que le second allait me fermer des portes» nous explique Delphine. Après un bac ES, la jeune femme entame finalement des études de psychologie et de sociologie avant de valider un diplôme de gestion d’entreprise. Elle sait qu’elle veut créer une entreprise mais ignore encore dans quel domaine. S’ensuivent donc 4 ans de travail en tant que directrice financière en France pour comprendre les qualités d’une bonne cheffe d’entreprise.
Une expérience lors de laquelle elle apprend à s’imposer dans un monde essentiellement masculin. « Je me souviens avoir demandé une augmentation à mon patron au début de ma carrière, qu’il m’avait refusée après que j’ai apporté d’énormes résultats à l’entreprise. J’ai répondu que j’irais donc offrir mes compétences ailleurs et j’ai démissionné ; le lendemain, j’avais obtenu mon augmentation, il avait compris à qui il avait à faire ! », raconte-t-elle en riant. Expatriée en Australie, elle poursuit sa carrière dans la finance. Forte d’une formation à la prestigieuse école de broderie d’art Lesage et de rencontres avec des mentors travaillant dans la Haute couture, elle commence à créer ses propres robes pendant son temps libre, qu’elle porte pour les grands événements. C’est une révélation, le point de départ de la grande aventure Delphine Genin.
Une cheffe d’orchestre perfectionniste
Il y a deux ans, Delphine quitte donc son emploi de directrice financière pour se consacrer entièrement à la création de son entreprise de broderie d’art. « Les gens me disent souvent que ce que je fais aujourd’hui est très différent que ce que je faisais il y a deux ans ; ça ne l’est pas. Je dois toujours coordonner une équipe, mais à une échelle différente ». Une équipe certes, mais pas tout à fait comme les autres. Perfectionniste, la Française veut s’entourer des meilleurs dans leur domaine, qu’ils soient plumassiers comme Dominique Pillard – qui a travaillé pour Jean-Paul Gauthier -, peintres, spécialisés dans la broderie d’art, dans la perle, ou dans la création de contenu…tous doivent maîtriser leur sujet pour fournir un service d’exception aux clientes.
Avec eux, Delphine crée des robes uniques composées de matériaux nobles provenant d’Europe, tels que la soie, les cristaux de Swarovski, les sequins, les perles…toujours dans le respect des traditions de la broderie d’art. Chaque robe réalisée sur mesure pour la cliente est le résultat de 4 à 6 mois de travail. Après s’être entretenue avec elle, Delphine fait des recherches, dessine la robe, la présente à sa cliente, réalise des tests et mobilise les meilleurs artisans d’Europe et d’Australie pour la finaliser. Les broderies sont faites à la main, au crochet de Luneville ou à l’aiguille.
Mais l’atelier ne se contente pas de créer des robes à la demande de particuliers. Delphine a récemment présenté sa nouvelle collection, « A Night at the Opera », et vient de développer des cours physiques et en ligne pour apprendre la technique de la broderie Haute couture. « Tous les cours incluent le matériel et un suivi personnalisé. C’est un excellent exercice car on leur apprend la difficulté, la précision. » Elle propose aussi de réaliser des cadeaux personnalisés à destination des employés des entreprises ou encore de rencontrer les curieux pour partager sa passion de la création de couture de broderie d’art. Bientôt, elle espère sortir sa collection de prêt-à-porter responsable, en édition limitée. « Les vêtements sont la deuxième source de déchets sur la planète. Pour ne plus jeter, il faut créer un attachement à celui-ci. On est attaché à une pièce parce qu’elle nous rappelle un moment particulier de notre vie, elle représente une partie de nous».
Apprendre à se connaître et dépasser ensemble les rôles pré-définis par la société
La créatrice sait de quoi elle parle. C’est par le questionnement de soi et d’autrui qu’elle parvient à créer des robes si uniques et précieuses aux yeux de ses clientes. Lorsqu’elle créait ses premières robes pendant son temps libre, elle entendait souvent ses proches s’exclamer « ces robes, c’est tellement toi ! ». Si différentes puissent-t-elles être, toutes représentaient différentes facettes de sa personnalité. C’est en partant de ce postulat que Delphine a réussi à trouver ce qui faisait toute l’originalité de sa démarche. « A chaque fois que je crée une robe pour une cliente, nous ne parlons pas du design de la robe ou de sa carrière. Notre premier rendez-vous consiste à échanger sur ce qui lui fait du bien, ce qui la fait sourire, avec quelle personne elle préfère parler et pourquoi. On se concentre sur ce qu’elle est et ce qu’elle veut représenter. C’est ce qui m’inspire ensuite la pièce qu’elle portera ».
Delphine sait que le vêtement possède un pouvoir particulier, celui de refléter la personnalité de la personne qui le porte. Une fois que l’individu en a pris conscience, il peut modifier sa façon de se représenter, de se faire percevoir par la société. En créant des robes qui véhiculent une idée de pouvoir, d’intelligence et d’élégance, la jeune femme souhaite aider à créer une cohésion au sein de la société, à associer des qualificatifs habituellement masculins aux hommes comme aux femmes. Avec le recul, son expérience dans la finance lui a permis de réaliser à quel point les femmes devaient se battre davantage, prendre plus de risques que les hommes pour réaliser leurs ambitions professionnelles. « Je ne me considère pas comme engagée. Ce que je veux, c’est plutôt exprimer par mon travail ce que je ne peux pas exprimer par les mots. Tenter de comprendre comment on en est arrivés là, en remontant aux origines, et comment on peut faire avancer les choses ensemble ».
Pour elle, le changement trouve sa source dans l’éducation. Chaque pièce de sa nouvelle collection « A Night at the Opera » représente une thématique bien précise, questionnant des concepts tels que la normalité, les masques que l’on porte dans un contexte social, l’importance de la cohésion entre les genres, le tout revisité sous le prisme de l’histoire, de l’art, de la science. L’une d’elle, « Le Sphinx », reflète la façon dont les mythes culturels – plutôt que la biologie – auraient défini les rôles des hommes et des femmes. Les deux sphinx brodés sur le dos de la robe font en effet référence au sphinx égyptien représenté comme masculin, là où le sphinx de l’Antiquité était connoté comme féminin.
Réflexion, recherches, création. Telle une chimiste de la couture, Delphine a su allier toutes ses expériences passées pour faire de son label un lieu d’expérimentation, de questionnement et de prestige.
Elise Mesnard
Crédit photos : fournies par Delphine Genin
Pour en savoir plus sur le label, rendez-vous ICI.
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