Nous avons appris avec une immense tristesse, par sa petite-fille Megan, le décès de Jacqueline Dwyer, que nous n’avions pas revue depuis notre départ de Sydney en juillet 2015, mais avec laquelle nous étions restés en contact par Internet. Jacqueline a déployé ces dernières années une telle activité, notamment à travers ses recherches historiques et la réédition, en 2017, à l’âge de 92 an ! de son livre « Flanders in Australia », qu’elle nous semblait avoir fait pour longtemps encore un pied-de-nez à la mort.
J’ai rencontré pour la première fois Jacqueline le 11 novembre 2012. J’étais arrivé à Sydney en septembre, avec ma famille, et peu après, j’avais fait connaissance de Ivan Barko, grand spécialiste de l’histoire de la présence française en Australie et co-fondateur de l’ISFAR (Institute for the Studies of French-Australian relations). Ivan m’avait chaleureusement recommandé de rencontrer Jacqueline, l’un des derniers grands témoins de l’époque héroïque des lainiers venus de France pour approvisionner directement les filatures de Tourcoing et sa région. Jacqueline nous reliait en droite ligne aux pionniers que furent ses grands-parents Georges et Marie-Thérèse Playoust, les fondateurs de la chambre de commerce franco-australienne et de la Ligue d’assistance franco-australienne, et avec son père Jacques Playoust, lainier et héros de la Première guerre mondiale.
Le consulat de France à Sydney héberge en son sein un trésor : une plaque commémorative qui compte 42 noms de Français morts pour la France durant la Première guerre mondiale, dont quatre oncles de Jacqueline (Stéphane, Jean et Marcel Playoust, Alfred Decouvelaer, époux de Marguerite Playoust). Il est vite devenu évident qu’un hommage devant cette plaque s’imposait à l’occasion des commémorations du 11 novembre et Jacqueline en serait l’âme. Je me rappelle son émotion lors de cette cérémonie dont elle fut l’invitée d’honneur, aux côtés des anciens combattants français de Sydney. Elle l’est restée d’ailleurs les années suivantes, notamment durant les cérémonies du centenaire de la Première guerre mondiale.
Après cette première rencontre, nous nous sommes revus régulièrement, souvent avec Ivan Barko, Margaret Sankey et Edward Duyker, amis historiens de la présence française en Australie, avec lesquels Jacqueline partageait une grande complicité. C’est au cœur de ce petit groupe qu’est né en novembre 2014 l’idée du livre « French lives in Australia », une anthologie de Français ayant marqué l’Australie, dont Jacqueline sera l’une des contributrices essentielles, dès lors que l’histoire de sa famille irrigue plusieurs des chapitres. Ce travail mené avec l’ISFAR allait redonner une nouvelle énergie à Jacqueline qui approfondit ses études sur l’histoire de sa famille, des lainiers du Nord et leur contribution à la Première guerre mondiale. Jacqueline reprit ses travaux universitaires et prépara une nouvelle édition du grand œuvre de sa vie, l’histoire de sa famille, Flanders in Australia, sous les auspices d’Australian Scolarly publishing, qui avait publié French Lives in Australia deux ans plus tôt. Le 13 novembre 2014, peu après les cérémonies commémoratives du 11 novembre, Jacqueline se vit décerner le grade de chevalier de l’Ordre du Mérite, dont les insignes lui seront remises au milieu de sa famille et de ses amis, la veille de Noël 2014. Quelques mois plus tard, Jacqueline participait au lancement de l’anthologie et sa présentation à la National Library de New South Wales, le 16 juillet 2015, fut l’occasion de l’une de nos dernières rencontres.
Je suis heureux et honoré d’avoir connu Jacqueline et d’avoir partagé son amitié et celle de sa famille, si chaleureuse et sympathique. Je suis fier qu’à travers elle, nous ayons pu rendre hommage à tous les Français d’Australie qui ont servi la France et leur pays durant les deux grandes guerres. En ce triste moment, je pense également à notre petit groupe d’amis historiens de Sydney, si proches au cœur de Jacqueline et à tous les membres de l’ISFAR, qui perpétuent la mémoire et l’héritage des Français d’Australie. je partage leur peine et celle de la famille de notre amie, à laquelle je présente mes sincères condoléances et mon affectueux souvenir.
Eric Berti
Ancien consul général à Sydney (2012-2015)
Discussion à ce sujet post