L’infamante condamnation pour pédophilie du cardinal George Pell repose sur une série d' »invraisemblances », ont plaidé mercredi ses avocats devant la plus haute juridiction australienne, qui examine l’ultime recours d’un prélat naguère parmi les plus puissants du Vatican.
L’ex-secrétaire à l’Economie du Saint-Siège, âgé de 78 ans, avait écopé en mars 2019 de six ans de prison pour des violences sexuelles commis sur deux adolescents en 1996 et 1997 dans la cathédrale de Melbourne (sud-est) dont il était l’archevêque.
Débouté en août par la Cour suprême de l’Etat de Victoria, il a formé un ultime recours devant la Haute Cour d’Australie à Canberra.
En dépit de son absence à l’audience qui s’est ouverte mercredi, un nombre important de ses soutiens était rassemblé près de la Haute Cour, agitant des drapeaux australiens. « Gardez la foi, Cardinal Pell », pouvait-on lire sur une banderole.
C’est par deux voix contre une que la Cour suprême de Victoria avait rejeté l’appel du cardinal, qui a toujours clamé son innocence. Et cette voix discordante d’un des trois magistrats est au coeur de la stratégie de défense de l’ancien archevêque de Melbourne et Sydney.
Son avocat Bret Walker a dénoncé mercredi devant la Haute Cour « l’accumulation d’invraisemblances » qui plombent selon lui un dossier qui oppose un ancien enfant de choeur aujourd’hui trentenaire à M. Pell, un homme qui a participé à l’élection de deux papes, qui a été un des proches conseillers du pape François et qui a même été impliqué dans la réponse de l’Eglise face aux scandales de pédophilie.
Doute raisonnable
La deuxième victime du prélat est décédée en 2014 d’une overdose, sans jamais avoir fait état de l’agression.
M. Walker a notamment cité « les accusations choquantes » selon lesquelles les agressions auraient été commises dans une cathédrale bondée et dans un autre lieu public, ce qui « tranche singulièrement » avec le schéma classique des violences sexuelles commis généralement dans des endroits « cachés ».
L’avocat a dit prendre acte du fait que le jury de première instance et les magistrats en appel aient accepté le témoignage de la victime.
Mais il a avancé que cela ne pouvait « pas éliminer » le doute raisonnable qui doit bénéficier à l’accusé. Il a observé que la victime contredisait par son récit des témoins selon lesquels l’archevêque se trouvait dehors avec des paroissiens au moment où une des agressions aurait été commise.
Sur le terrain du droit, le conseil du cardinal a dénoncé avec force l’exigence des magistrats, en appel, d’établir l’innocence de l’accusé, alors que la loi prévoit que la défense puisse simplement pointer les doutes suscités par l’accusation.
« Cela revient à un renversement de la charge de la preuve et, ce qui est encore plus grave, à une négation de la protection essentielle due au nom du principe de l’établissement de la preuve au-delà de tout doute raisonnable », a-t-il dit.
Défense « problématique »
Dans ses conclusions écrites, l’accusation avait qualifié les arguments de la défense de « problématiques », en l’accusant de « gloser sur des preuves ».
C’est une formation de sept magistrats présidée par la plus haute magistrate d’Australie, Susan Kiefel, qui aura à se prononcer à l’issue de deux journées d’audience.
Plusieurs options sont possibles: un rejet d’emblée du pourvoi, une décision dans plusieurs mois, un renvoi devant la Cour suprême du Victoria…
Plus haut représentant de l’Eglise catholique condamné pour viol sur mineur, le cardinal a été reconnu coupable en première instance en décembre 2018 de cinq chefs d’accusation, notamment d’avoir imposé une fellation en décembre 1996 à un garçon de 13 ans et de s’être masturbé en se frottant contre un autre.
Les faits avaient eu lieu dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne, où les deux victimes s’étaient cachées pour boire du vin de messe.
Deux mois plus tard, M. Pell avait poussé un des adolescents contre un mur et lui avait empoigné les parties génitales.
M. Pell avait connu une ascension fulgurante avant d’entrer en 2013 dans le conseil de neuf cardinaux (C9) chargé d’aider le pape à réformer la Curie, le gouvernement du Vatican. En 2014, il était devenu secrétaire à l’Economie.
Depuis sa condamnation, le cardinal a été relevé de sa fonction de responsable financier du Vatican et a perdu sa place dans le C9.
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