Pour les trois principaux théâtres de Sydney – la Sydney Theatre Company (The Rocks), le Belvoir Theatre (Surry Hills) et le Griffin Theatre (Kings Cross), la saison 2020 a débuté mi-Janvier. Une occasion de proposerune sélection de spectacles qui célèbre la diversité des programmes, tout en faisant découvrir au spectateur francophone ce qui fait la spécificité du paysage théâtral Australien.
Saison 2020
Entre ces trois théâtres du centre ville de Sydney – “STC”, “Belvoir” et Griffin”, ce sont 14 oeuvres australiennes – dont 2 classiques et 12 créations contemporaines, et 14 adaptations d’oeuvres étrangères dont la plupart Américaines et Britanniques, qui seront représentées de Janvier à Décembre 2020 sur les scènes de Sydney.
Classiques australiens du XXème siècle
En Août 2019, la STC avait étonné avec son excellente mise en scène de la pièce d’Oriel Gray The Torrents (1955), qui n’avait alors été jouée en Australie qu’une seule fois, en 1996. En novembre 2019 on y a également redécouvert le fameux Così (1992) de Louis Nowra, une des pièces les plus étudiées du curriculum secondaire en Australie. En 2020, les pièces du répertoire Australien seront d’autant plus attendues qu’elle seront encore minoritaires.
The Seven Stages of Grieving (30 Mai – 13 Juin 2020), la pièce de Wesley Enoch et Deborah Mailman datant de 1995 – un des classiques-modernes du théâtre indigène australien, sera présentée par la STC. Elle explore et célèbre l’identité aborigène dans le contexte des années 90. Enoch et Mailman l’avait écrit trois ans après le Mabo Case, victoire judiciaire sans précédant d’un peuple aborigène s’étant vu reconnaître le droit de propriété de ses terres ancestrales. Ce seul-en-scène revisite les sept grandes périodes qui ont, selon les auteurs, marqué l’histoire des indigènes d’Australie: le Rêve, l’Invasion, le Génocide, la Protection, l’Assimilation, l’Auto-détermination et la Réconciliation.
My Brilliant Career (12 Sept – 18 Oct 2020) de Miles Franklin est un des spectacles à ne pas manquer en 2020. Mise en scène par Kate Champion à Belvoir, ce roman initiatique, social et féministe est un des piliers de la littérature Australienne. Fille d’agriculteurs, auteure contemporaine des années de la Fédération, Miles Franklin écrit son premier roman à l’âge de 22 ans en 1901, l’année précédant le droit de vote des femmes en Australie. L’adaptation cinématographique de My Brillant Career rencontra un succès critique en 1976; sa reprise au théâtre en 2020 fera donc l’objet d’un intérêt particulier.
Auteurs australiens contemporains
Les oeuvres contemporaines australiennes seront d’avantage mise en valeur en 2020 avec le très attendu Wonnangatta (7 Sept – 17 Oct), que Hugo Weaving et Wayne Blair porteront en duo dans une mise-en-scène de Jessica Arthur. Étoile montante du théâtre australien indigène, le dramaturge Angus Cerini présente un thriller inspiré de fait réels sur fond d’une amitié entre deux hommes que tout oppose. Si le genre de l’Outback Noir est connu des amateurs de cinéma australien, de Mystery Road à Goldstone en passant par The Tracker et Sweet Country, le public sera curieux d’en découvrir une adaptation théâtrale, à l’Opéra de Sydney.
Eamon Flack, le directeur artistique de Belvoir, mettra en scène The Jungle and the Sea (4-26 Juillet), une épopée familiale et politique traitant des conséquences de la guerre civile au Sri Lanka, dont une fut les migrations vers Australie de milliers de Sri-Lankais dans les années 2010. Cette pièce s’annonce également comme une suite de la pièce de Janvier 2019 Counting and Cracking qui rencontra un grand succès critique aux Festivals de Sydney et d’Adelaide. The Jungle and The Sea aura pour double inspiration Antigone et le Mahābhārata; Eamon Flack collaborera avec le dramaturge Sri-Lankais S.Shakthidharan.
Belvoir présentera le drame familial Jesus Wants Me For A Sunbeam (6 Février – 8 Mars) du nouvelliste Australien Peter Goldsworthy, et la comédie familiale Cursed! (24 Oct – 15 Nov) de l’excellente dramaturge aborigène Kodie Bedford (plus connue comme scénariste de la série Mystery Road).
En décembre, on retrouvera le quatuor déjanté de la Wharf Revue (21 Oct – 21 Nov) à la STC, pour leur vingtième et dernière édition. Depuis 2003, ce spectacle est le rendez-vous cabaret-satire politique de l’été. La troupe s’inspire des évènements politiques qui ont défrayé la chronique durant l’année dans des imitations cultes de personnalités publiques locales et internationales de premier plan, de Donald Trump à Scott Morrison.
A Griffin, le théâtre qui présente le plus de créations contemporaines (‘Australia’s first new writing theatre’), la reprise de Prima Fascie s’ajoutera à cinq nouvelles créations pour l’année 2020.
Dramaturges britanniques contemporains
Escaped Alone (23 mai – 21 Juin) de Caryl Churchill, autre dramaturge britannique prolifique, rassemblera un quatuor de comédiennes australiennes de premier plan: Kris McQuade, Heather Mitchell, Helen Morse et Judi Farr.
À STC on verra Home, I’m Darling de Laura Wade (lauréate de 5 Olivier Awards en 2019) et The Writer de Ella Hickson, encensé par la critique à Londres en 2018.
Classiques étrangers revisités
Comme chaque année sur les scènes de Sydney, les auteurs classiques britanniques, américains, plus récemment russes et italiens ont la part du lion dans les programmations.
STC ouvrira sa saison avec The Deep Blue Sea (4 Fév – 7 Mars) de l’anglais Terrence Rattigan, suivi de la farce No Pay, No Way! de l’italien Dario Fo (10 Fév – 4 Avril). La saison se terminera avec le classique américain A View From the Bridge d’Arthur Miller (8 Déc – 16 Janvier 2021).
The Picture of Dorian Grey (21 Juillet – 15 Août) sera l’évènement de l’hiver 2020 avec l’actrice Eryn Von Norvill interprétant tous les rôles, dont celui du jeune dandy. Adaptée du roman d’Oscar Wilde par le directeur artistique de STC Kip Williams, la pièce se voudra jeu de miroirs, doubles, travestissements et mises-en-abyme, aidé par l’usage de la vidéo.
Dans un autre seul-en-scène et une adaptation signée Carissa Licciardello et Tom Wright, la comédienne Anita Hegh sera la voix de Virginia Wolf dans A Room of One’s Own présenté à Belvoir (17 Avril – 17 mai).
Enfin, Summerfolk de Maxime Gorky (21 Nov – 20 Déc) clôturera l’année à Belvoir dans une pièce chorale très attendue. En 2018, Eamon Flack avait adapté la comédie noire Le Suicide (1928) du dramaturge russe en Nikolai Erdman. La pièce avait marqué par son parti-pris grotesque, représentant des prisonniers d’un camp de migrants dans un contexte que les critiques soupçonnaient transposé à l’Australie contemporaine. Connu pour son engagement politique, Eamon Flack renouera avec la comédie noire russe en 2020, avec un sujet moins délicat bien qu’encore politique. C’est tout le sens du sous-titre, How Good Is Australia, une référence directe a la phrase prononcée ad nauseam par le premier ministre (ainsi que ses déclinaisons ‘How Good Are Jobs’ ‘How Good is this country’).
On a parlé des trois principales scènes du centre-ville; c’est sans compter sur les compagnies de danse nationales, régulièrement en tournée dans le pays mais basées à Sydney et dont on peut attendre plusieurs créations à l’Opéra de Sydney. C’est le cas du Bangarra Dance Theatre (danse contemporaine aborigène à voir absolument) et de la Sydney Dance Company.
Méritent aussi d’être mentionnés l’excellent théâtre Seymour Centre (à Chippendale près de Usyd), le centre culturel Carriageworks à Eveleigh et son programme de performances contemporaines, ainsi que les institutions plus excentrées dont l’Ensemble Theatre (Kiribili, North Shore), le Riverside Theatre (Parramatta, Western Suburbs).
Léa Giacomelli
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