Naguère riche à milliards grâce à l’exploitation des phosphates, le micro-Etat de Nauru, qui a annoncé lundi rompre ses liens diplomatiques avec Taïwan au profit de la Chine, recherche désespérément de nouvelles ressources depuis l’épuisement de cette manne.
– Plus riche au monde –
Pendant quelques décennies après son indépendance en 1968, Nauru, plus petit Etat insulaire au monde avec ses 21 kilomètres carrés, vit un âge d’or inattendu grâce à l’exploitation de ses mines de phosphate, vendues pour la fabrication d’engrais.
Subitement doté du plus haut PIB par tête au monde, ce confetti perdu dans l’océan Pacifique, qui ne compte qu’une dizaine de milliers d’habitants, vit sur un grand pied et va jusqu’à se doter d’une compagnie aérienne nationale.
Mais dans les années 1990, quand ce qui est devenu l’unique ressource de l’île se tarit, il ne reste à Nauru que des paysages pelés et inexploitables. Et des finances publiques à sec, en raison d’investissements désastreux et de détournements de fonds.
– Réfugiés contre dollars –
Déjà largement dépendante de l’aide australienne, Nauru conclut en 2001 un accord avec Canberra consistant à accueillir des centaines de migrants rejetés par l’Australie, moyennant finances.
Une grande partie de l’île se transforme alors en camp, décrit par certaines ONG comme un « Guantanamo australien ».
A des milliers de kilomètres de la terre la plus proche, sans aucun espoir de pouvoir être accueillis ailleurs, beaucoup de ces réfugiés sombrent dans le désespoir. Certains se suicident.
Dans un rapport de 2016, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU dénonce des « traitements inhumains et dégradants » subis par les mineurs à Nauru, « y compris des violences physiques, psychologiques et sexuelles ».
En 2021-2022, les fonds versés par l’Australie pour l’hébergement des migrants représente environ les deux tiers du PIB de l’île, selon une analyse du Migration Policy Institute, basé à Washington.
Face au critiques, l’Australie s’est finalement résolue à rapatrier la majorité des migrants, tout en continuant à financer les camps. Une douzaine de personnes s’y trouvent encore.
– Extraction sous-marine –
Nauru a annoncé en 2023 vouloir présenter à l’Autorité internationale des Fonds marins (AIFM) une demande de contrat d’exploitation de « nodules polymétalliques » dans la zone de fracture de Clarion-Clipperton.
Une initiative controversée, certains Etats, des ONG et des scientifiques pointant du doigt les risques de destruction directe d’habitats et d’espèces, mais aussi de perturbation de la capacité de l’océan à absorber le carbone émis par les activités humaines.
– Diplomatie fluctuante –
Après 22 ans de relations avec Taïwan, Nauru a une première fois basculé du côté de la Chine en 2002, avant de se rallier à nouveau à Taipei en 2005, puis d’annoncer lundi ne plus reconnaître que Pékin.
A la suite de ce nouveau revirement, le ministère taïwanais des Affaires étrangères a accusé mardi le micro-Etat d’avoir cédé aux sirènes d' »une importante aide financière chinoise ».
Pour Anna Powles, analyste à la Massey University en Nouvelle-Zélande, « les motivations économiques ont certainement joué un rôle prépondérant dans le revirement de Nauru ».
S’il n’est pas exclu que Pékin ait des vues sur les fonds marins de Nauru, son intérêt principal est de réduire un peu plus « l’espace diplomatique » de Taïwan, estime Tess Newton Cain, analyste au Griffith Asia Institute en Australie. Nauru faisait en effet partie des 13 derniers Etats qui reconnaissaient officiellement Taïwan.
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