Mardi matin, Melbourne, 5 degrés. C’est avec les mains gelées que nous poussons les portes d’un café du CBD pour rencontrer Natacha Muller, comédienne chaleureuse qui a lancé « The French Loop », la première troupe d’improvisation théâtrale en Français à Melbourne. Tandis qu’elle nous explique son travail, notre conversation divague rapidement sur les liens intrinsèques entre improvisation et existence, sur l’importance du lâcher-prise pour guider ses projets, sur la façon dont, finalement, l’improvisation nous révèle à nous-même, aux autres, et à la société. Rencontre avec une passionnée passionnante.
La première chose qui saute aux yeux lorsqu’on l’on rencontre Natacha, c’est une énergie et une bienveillance naturelle. Jeune trentenaire franco-australienne – elle est née à Melbourne mais a passé la majorité de sa vie en France -, elle a décidé il y a deux ans de revenir aux origines avec son mari afin d’ouvrir un tout nouveau chapitre à l’autre bout du monde. Nouvelle vie, nouveau pays, premier enfant…beaucoup de changements mais toujours la même passion : l’improvisation. A 13 ans, elle prend son premier cours d’impro. C’est une révélation. Elle continue sur cette voie, obtient son master de théâtre, puis donne des cours d’improvisation en école primaire, en école de commerce – où elle organise un concours d’éloquence – et au sein d’associations en France. Natacha ouvre ensuite sa propre compagnie créée avec deux amis, « Les Anondins ». Arrivée à Melbourne, elle rejoint la troupe australienne « Impro Melbourne » et se rend vite compte de la difficulté que représente la barrière de la langue. C’est là que lui vient l’idée de « The French Loop » : donner la possibilité aux Français de tout âge de pratiquer l’improvisation dans leur langue et à un prix abordable, « je voulais démocratiser l’improvisation« .
« Faire de l’improvisation, c’est découvrir à quel point tu es libre »
Improviser, c’est accepter de perdre le contrôle. C’est être dans le moment présent, à l’écoute de soi et des autres – une sorte de méditation en mouvement. C’est donc un véritable outil dans la vie de tous les jours, comme le souligne Natacha : « Le théâtre, et encore plus l’improvisation, se dépeint partout au quotidien. L’improvisation te permet de découvrir ou redécouvrir que tu es libre de tout; libre des rencontres, du contenu de ta journée, de l’échec… Même si tu n’es pas en contrôle, c’est toi qui as ça sur les épaules« .
Une liberté qui serait plus prégnante en Australie : « Le jeu est très différent en France et en Australie. En France, on a le goût de l’exigence; l’échec est connoté négativement. Au sein d' »Impro Melbourne », j’ai appris à quel point il était constructif. Dès que tu échoues, tu recommences, et ce jusqu’à temps de réussir. Plus on accepte de se tromper, mieux on parvient à ses fins« . Autre différence : la façon de jouer. Selon Natacha, le jeu serait plus individualiste en France; on chercherait avant tout à se mettre en avant pour plaire au public. En Australie, c’est le groupe qui prend le pas sur l’individualité : on joue pour son partenaire de jeu, pour le faire briller; on joue avec lui et pour lui. Bienveillance, écoute, concentration et cohésion du groupe sont ainsi les maîtres mots d’une improvisation réussie.
L’école de la vie
Des notions que Natacha tente de développer toujours plus chez ses élèves, pour les aider à se révéler et à ne plus avoir peur. Ses ateliers s’adaptent à différentes tranches d’âges : les enfants de 2 à 5 ans, ceux de 5 à 10 ans et enfin ceux dédiés aux adultes. Le premier se concentre sur l’affirmation de soi et la pratique de la langue française à travers des jeux, des créations de masques… Dans le second, les enfants sont poussés à développer leur personnalité et à réfléchir au monde qui les entoure en imitant des animaux, en analysant la façon dont se déplace une tortue par exemple pour pouvoir mieux la mimer. Elle nous cite le cas d’un de ses élèves, qui avait tendance à trop parler, avait du mal à synthétiser : « pour l’aider, j’ai mis en place un jeu dans lequel chaque enfant devait dire un mot. Alors qu’il en disait toujours trois, il s’est finalement adapté et a suivi la « règle » du jeu. Ce travail sur la structure, la concentration, l’écoute et la diction sera un véritable atout pour le reste de sa vie« . Les cours pour adultes se concentrent quant à eux sur le lâcher prise – ils débutent par un échauffement, des jeux, puis des exercices de fédération du groupe, auxquels Natacha participe à la fin de la séance. Quoi qu’il en soit, la comédienne s’attache à toujours adapter son cours à ses élèves pour que tous puissent en tirer un maximum de bénéfices.
Et après ?
Dynamique, Natacha a la tête qui fourmille d’idées. Actuellement, elle ne se contente pas de donner et de prendre des cours : elle est aussi membre de « Marcel et Compagnie », une association de comédiens français qui jouera dans les salons des particuliers en novembre. Elle intervient également dans les écoles françaises pour permettre aux élèves de développer leur maîtrise du Français à travers l’improvisation, tout en préparant des sketchs dans la langue de Molière pour la radio, et sera présente au « Bastille Day French Festival » les 13 et 14 juillet… entre autres. « Les opportunités viennent très vite en Australie. Je suis très heureuse de l’intérêt que l’on porte à « The French Loop » et des gestes de solidarité dont on a fait preuve à mon égard pour m’aider à partager ma passion« .
Une passion qu’elle aimerait développer encore davantage dans le domaine éducatif pour aider toujours plus de Francophones à faire un pas – ou plutôt un saut – vers la connaissance de soi et des autres.
Elise Mesnard
Légende photos :
1) Atelier d’improvisation pour adultes au Hub, à Docklands
2) Atelier d’improvisation pour les enfants de 5 à 10 ans à Albert Park
3) Classe French Mornings à Fitzroy North
The French Loop propose des ateliers aux enfants de 2 à 5 ans le vendredi à Fitzroy North, à ceux de 5 à 10 ans le mardi après-midi à Albert Park, et des ateliers pour adultes le mardi soir à Docklands. Pour plus d’informations, cliquez ICI ou contactez Natacha sur [email protected]
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