Ankara a mené mercredi des « frappes aériennes » dans la région de Ras al-Aïn, située dans le nord syrien à la frontière avec la Turquie, a rapporté une ONG, peu après l’annonce d’une offensive contre une milice kurde. Dans cette région, un correspondant de l’AFP avait entendu une forte explosion et vu s’élever de la fumée juste à la frontière, ajoutant que des avions survolaient le secteur.
Il a également fait état de tirs d’artillerie en continu sur la ville de Ras al-Aïn, qui ont provoqué la fuite de dizaines de civils, emportant leurs affaires à bord de motos et de voitures, parfois même à pied.
Des « raids aériens » mais aussi des tirs d’artillerie ont visé Ras al-Aïn et ses environs, a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Des tirs d’artillerie turcs ont également visé plusieurs villages de la région de Tal Abyad, située également sur la frontière avec la Turquie.
D’après le quotidien turc Hürriyet, la Turquie envisage dans un premier temps de prendre le contrôle d’une bande de territoire à la frontière longue de 120 km et profonde d’une trentaine de kilomètres, allant des villes de Tal Abyad à Ras al-Aïn.
« Les avions de guerre turcs ont commencé à mener des frappes aériennes sur des zones civiles, il y a une forte panique parmi les gens », a indiqué de son côté Mustafa Bali, un porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par Washington.
Un geste militaire fortement condamné par l’ONU, l’UE ou encore l’OTAN et qui a entraîné une vague d’indignation à l’échelle internationale, plusieurs pays soulevant le risque d’entraver les progrès déjà réalisés dans la lutte contre l’État islamique.
ONU
Le Conseil de sécurité doit se réunir d’urgence et à huis clos jeudi à la demande de ses membres européens (Belgique, France, Allemagne, Pologne et Royaume-Uni).
Son président en exercice, l’ambassadeur sud-africain Jerry Matthews Matjila, a appelé la Turquie à « épargner les civils » et à « exercer un maximum de retenue. »
Union Européenne
« La Turquie doit cesser l’opération militaire en cours. Elle ne donnera pas de résultats. Et si le plan de la Turquie est la création d’une zone de sécurité, n’attendez pas de financement de l’Union européenne », a déclaré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, qui a exhorté à la « retenue ».
OTAN
« Je compte sur la Turquie pour agir avec retenue et veiller à ce que les progrès que nous avons réalisés dans la lutte contre l’État islamique (ISIS) ne soient pas compromis », a commenté le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg.
Il a dit avoir demandé à la Turquie de « veiller à ce que toute action qu’elle pourrait entreprendre dans le nord de la Syrie soit proportionnée et mesurée ».
États-Unis
« Ce matin, la Turquie, membre de l’Otan, a envahi la Syrie. Les Etats-Unis ne soutiennent pas cette attaque et ont clairement indiqué à la Turquie que cette opération était une mauvaise idée », a réagi Donald Trump.
Le Congrès américain va faire payer « très cher » cette offensive au président turc Recep Tayyip Erdogan, a prévenu l’influent sénateur républicain Lindsey Graham, d’ordinaire un proche soutien du président.
Russie
Le président russe Vladimir Poutine a appelé ses partenaires turcs à « bien réfléchir à la situation afin d’éviter de porter atteinte aux efforts communs visant à résoudre la crise syrienne. »
Arabie Saoudite
L’Arabie saoudite condamne « l’agression de l’armée turque lancée dans le nord-est de la Syrie », a indiqué le ministère des Affaires étrangères saoudien, estimant que l’offensive turque risque de « saper les efforts internationaux de lutte contre le groupe terroriste État islamique. »
Pays Européens
Le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab a exprimé sa « sérieuse préoccupation ». L’opération turque « risque de déstabiliser la région, exacerber la crise humanitaire et saper les progrès accomplis dans la lutte contre Daech », a-t-il déclaré, avertissant que le Royaume-Uni ne « soutiendra pas de projets de rapatriement (de réfugiés syriens) tant que les conditions ne sont pas en place pour un retour volontaire et sûr. »
Du côté de la France, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Driana déclaré : « Je condamne l’opération unilatérale lancée par la Turquie en Syrie », ajoutant : « Elle doit cesser. […] Elle remet en cause les efforts sécuritaires et humanitaires de la coalition contre Daech et risque de porter atteinte à la sécurité des Européens. » De plus, « la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont en train de finaliser une déclaration commune qui sera extrêmement claire sur le fait que nous condamnons très fortement et très fermement ce qui est rapporté », a annoncé la secrétaire d’État française aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin.
« Nous exhortons la Turquie à mettre fin à son offensive et à défendre ses intérêts sécuritaires de manière pacifique » car cela « risque de déstabiliser davantage la région et de provoquer une résurgence » de l’EI, a dit le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas.
Les Pays-Bas ont convoqué l’ambassadeur turc, a fait savoir le ministre néerlandais des Affaires étrangères Stef Blok qui a averti que cette opération militaire risquait d’« entraver le combat contre l’Etat islamique ».
« Les actions de la Turquie sont irresponsables et une violation du droit international », a estimé la ministre suédoise des Affaires étrangères Ann Linde.
« A mon avis, cette décision très regrettable et erronée peut avoir de graves conséquences pour les civils et la lutte contre l’EI », a commenté le ministre danois des Affaires étrangères, Jeppe Kofod.
La Finlande « appelle fermement à une cessation des hostilités » et demande à la Turquie de « mettre fin à son action militaire ».
« Nous exhortons la Turquie à renoncer immédiatement à l’initiative militaire unilatérale qui peut nuire à la stabilité régionale et compromettre la lutte contre Daesh (Isis). Il faut éviter le risque d’autres souffrances pour la population », a déclaré le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte.
AFP
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