Les Maldives votent samedi au second tour de l’élection présidentielle dont l’issue pourrait rééquilibrer radicalement les relations de Malé avec l’Inde et la Chine, qui rivalisent d’influence dans cette région stratégique.
L’archipel des Maldives, qui se compose de 1.192 îlots coralliens disséminés sur quelque 800 kilomètres dans l’océan Indien, est un haut lieu du tourisme de luxe et une destination de choix pour les célébrités et riches personnalités du monde entier.
L’archipel occupe également une place stratégique : il se situe sur l’une des routes maritimes les plus fréquentées du monde, dans une zone géographique très convoitée.
Le parti du favori de cette présidentielle, Mohamed Muizzu, est entré dans l’orbite de Pékin lors du mandat d’Abdulla Yameen (2013-2018), et a défendu sans réserves les largesses financières accordées par Pékin dans le cadre des « nouvelles routes de la soie », gigantesque projet chinois d’investissements dans les infrastructures de pays en développement.
Quand il était au gouvernement de M. Yameen, M. Muizzu, 45 ans, actuellement maire de Malé, a été le fer de lance d’un projet de pont financé par la Chine, pour un coût de 200 millions de dollars, reliant la capitale au principal aéroport du pays.
Au premier tour de la présidentielle, il a recueilli 46,1% des voix contre 39,1% en faveur du président sortant Ibrahim Mohamed Solih, âgé de 61 ans, qui a oeuvré au rétablissement des relations avec l’Inde.
– Election « très serrée » –
Les deux hommes s’affronteront samedi lors d’un deuxième tour décisif.
Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmed Shaheed, l’élection « va être très, très serrée ». « L’ambiance aux Maldives suggère que l’écart entre les deux candidats est en train de se réduire », a-t-il ajouté.
M. Solih n’avait jamais occupé de haute fonction avant sa victoire surprise à la présidence en 2018, succédant à M. Yameen qui purge une peine de 11 ans de prison pour corruption et blanchiment.
Il a reproché à son prédécesseur d’avoir poussé le pays dans le piège de la dette chinoise en empruntant massivement pour les infrastructures.
Le virage du gouvernement de M. Yameen au profit de Pékin avait alarmé New Delhi, qui partage les inquiétudes occidentales face à l’affirmation croissante de la Chine dans l’océan Indien.
L’Inde est membre de l’alliance stratégique Quad aux côtés des Etats-Unis, de l’Australie et du Japon, destinée à contrer Pékin en Asie-Pacifique.
A son arrivée au pouvoir, M. Solih a rapidement agi pour rétablir les relations de l’archipel avec New Delhi, en invitant le Premier ministre indien Narendra Modi à assister à son investiture et en permettant de renforcer sa petite présence militaire.
A la suite du premier tour, le président sortant a cherché à rallier des soutiens en faisant campagne sur des questions locales telles que le logement.
Le parti de M. Muizzu a, lui, centré le débat sur la diplomatie en critiquant le rapprochement de M. Solih avec l’Inde, un pays au poids politique et économique démesuré aux Maldives et objet d’une ancienne désaffection.
Sa formation du PPM et des groupes militants ont régulièrement organisé des manifestations exigeant une réduction de l’influence indienne dans la nation musulmane.
– Indépendance et souveraineté –
La colère contre l’Inde reflète en partie la frustration de la population face à la corruption perçue ou réelle de l’administration du président sortant, estime M. Shaheed, ajoutant que la stabilité du prochain gouvernement dépendra de sa capacité à éviter de contrarier l’un ou l’autre des deux géants asiatiques.
« Le prochain président devra trouver un équilibre les intérêts de l’Inde et de la Chine », a-t-il dit à l’AFP. « Vous ne pouvez pas rejeter l’Inde et survivre. »
Les alliés de M. Muizzu affirment que son élection contribuerait à débarrasser le pays de toute ingérence étrangère.
L’ancienne ministre Dunya Maumoon, qui était membre du gouvernement de Abdulla Yameen aux côtés de M. Muizzu, a déclaré cette semaine à l’AFP qu’elle soutenait ses efforts pour aider à « sauver l’indépendance et la souveraineté du pays ».
M. Muizzu a pourtant ouvertement fait part de ses projets de suivre la ligne pro-Pékin de son mentor Yameen.
« Nous sommes impatients de revenir au gouvernement en 2023 (…) pour écrire un nouveau chapitre de liens forts entre nos deux pays », avait-il déclaré lors d’une réunion avec des membres du Parti communiste chinois l’an dernier.
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