Le président indonésien Joko Widodo est intransigeant sur l’exécution de condamnés à mort pour drogue, en particulier pour des raisons de politique intérieure, et l’appel à la clémence de Paris pour sauver un Français a très peu de chances d’aboutir, selon des analystes.
La Cour suprême d’Indonésie a ruiné les espoirs du Français Serge Atlaoui, 51 ans, en rejetant mardi son ultime recours pour un procès en révision afin de tenter d’échapper à la peine capitale, après une condamnation en 2007 pour un trafic de drogue qu’il a toujours nié.
Le même jour, les juges de la Cour suprême ont rejeté le recours d’un Ghanéen, Martin Anderson, lui aussi dans le couloir de la mort pour trafic de drogue.
La France a rapidement réagi par la voix du ministre des Afffaires étrangères Laurent Fabius, qui a réclamé dès mardi « un geste de clémence » de l’Indonésie, l’épouse du condamné appelant la présidence indonésienne à prononcer une « grâce ».
« Défendre Serge Atlaoui, c’est rappeler la ferme opposition de la France à la peine de mort », abolie en 1981, a écrit mercredi le Premier ministre français, Manuel Valls, sur son compte Twitter.
Mais compte tenu de la fermeté affichée par Joko Widodo, surnommé Jokowi, ces appels ont très peu de chance d’être entendus: « Jokowi est profondément convaincu qu’une exécution est un must pour faire face au trafic de drogue » qui fait des centaines de morts chaque année dans l’archipel, a déclaré mercredi à l’AFP l’analyste politique Yohanes Sulaiman.
« Politiquement, il a compris que les Indonésiens voulaient un dirigeant ferme, et il veut montrer qu’il est un président ferme, comparé à son prédécesseur (Susilo Bambang Yudhoyono), réputé pour son indécision », explique M. Sulaiman.
Céder aux appels à la clémence pourrait avoir un « coût politique très important » pour Jokowi, dans la mesure où il serait « critiqué par ses opposants au Parlement et au sein de son parti pour agir de manière trop timorée face à des pays étrangers », ajoute-t-il.
– Défenseurs des droits de l’homme déçus –
Après avoir remporté la présidentielle l’été dernier et pris ses fonctions en octobre, l’une des premières décisions du président Jokowi a été de rejeter toutes les demandes de grâce de condamnés à mort pour drogue.
Il a ainsi déçu tous les défenseurs des droits de l’homme qui avaient placé des espoirs dans cet homme issu d’un milieu modeste, devenu le premier président sans lien avec le régime du dictateur Suharto au pouvoir pendant 32 ans (1967-1998).
Mais la peine de mort n’a pas été un thème débattu pendant la campagne, dans la mesure où elle bénéficie d’un très large soutien aussi bien parmi l’élite qu’au sein de la population indonésienne.
D’après un sondage réalisé par l’agence Indo Barometer auprès de 1.200 personnes, du 15 au 25 mars, 84,1% des personnes interrogées sont se déclarées pour l’application de la peine de mort aux condamnés pour trafic de drogue, 11,8% se prononçant contre.
Ce thème a sans aucun doute contribué à la popularité du président, qui s’est par ailleurs effritée pour d’autres raisons, avait relevé le directeur de l’agence, Muhammad Qodari.
Après la reprise des exécutions en janvier pour la première fois depuis 2013 — six condamnés pour trafic de drogue dont cinq étrangers — les autorités indonésiennes ont montré leur empressement à exécuter une deuxième liste de condamnés à mort, en grande majorité pour trafic de drogue.
Comme la France, l’Australie, dont deux ressortissants doivent être exécutés très prochainement, a mis en garde contre des « conséquences » sur les relations bilatérales en cas d’exécution.
Mais aux de yeux M. Sulaiman, l’impact sera peu significatif, et il est « très peu probable que l’Australie ou l’Union européenne imposent un boycott économique » à l’Indonésie, première économie d’Asie du Sud-Est.
« Ils comprennent parfaitement que l’Indonésie est importante sur le plan géopolitique et pour sa position stratégique dans le commerce mondial », ajoute l’analyste.
AFP
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