Détenue en Chine depuis plus de trois ans, la journaliste australienne Cheng Lei a été libérée et a pu regagner Melbourne mercredi pour retrouver sa famille, épilogue d’une affaire qui empoisonnait les relations entre les deux pays.
« Le peuple australien souhaitait vivement que Cheng Lei soit réunie avec ses jeunes enfants », a annoncé le Premier ministre australien Anthony Albanese ajoutant que la journaliste était « ravie » d’être rentrée chez elle.
Mme Cheng, 48 ans, ancienne présentatrice de la chaîne publique chinoise CGTN, était détenue depuis août 2020.
« Le 11 octobre 2023, Cheng Lei, une citoyenne australienne, a été expulsée par le bureau municipal de Pékin de la sécurité d’Etat après avoir purgé sa peine », a précisé le ministère chinois de la sécurité d’Etat dans un communiqué publié après l’annonce de M. Albanese.
Officiellement accusée d’avoir « fourni des secrets d’État à l’étranger », Mme Cheng a été jugée à huis clos en 2022 et même l’ambassadeur d’Australie en Chine s’était vu interdire l’accès au tribunal pour assister à son procès.
M. Albanese a déclaré qu’elle avait été libérée par Pékin après « la fin des procédures judiciaires en Chine ». Il a ajouté que cette libération faciliterait sa visite officielle en Chine à une « date mutuellement convenue » cette année.
Cheng Lei, née en Chine, avait émigré en Australie dans son enfance avant de retourner plus tard dans son pays de naissance pour y travailler. La Chine n’autorise pas les citoyens à posséder une double nationalité.
Visage connu de l’antenne de CGTN, Mme Cheng y réalisait notamment des interviews de chefs d’entreprises du monde entier. En Chine, Cheng Lei avait auparavant travaillé neuf ans pour la chaîne américaine CNBC.
– Diplomatie de l’otage –
Avant son arrestation, la journaliste avait publié sur Facebook un certain nombre de messages critiques envers le président chinois Xi Jinping et la gestion de la crise du coronavirus par les autorités chinoises.
« La grande histoire aujourd’hui, la visite de notre Cher Leader a déclenché des ricanements à la rédaction – saluer un grand écran montrant un hôpital de Wuhan équivaut apparemment à une visite », écrivait en mars 2020 Mme Cheng lors du premier déplacement du président chinois dans la ville-épicentre de la pandémie de Covid.
Depuis sa prison, elle avait évoqué ses sombres conditions de détention dans un message aux autorités australiennes rendu public en août. « Le soleil me manque, y écrivait-elle. Dans ma cellule, le soleil brille à travers la fenêtre, mais je ne peux rester que dix heures par an » sous ses rayons.
La détention de la journaliste avait marqué une nouvelle étape de la détérioration des relations entre la Chine et l’Australie, vue par Pékin comme un pion des Etats-Unis dans la région Asie-Pacifique.
Les relations des deux pays se sont particulièrement tendues lorsque Canberra a réclamé une enquête internationale sur l’origine du coronavirus, détecté pour la première fois en Chine fin 2019.
En représailles, la Chine a introduit une série de sanctions de facto à l’encontre des produits australiens, mesures qui ont été levées au fur et à mesure que les relations s’apaisaient.
La Chine a détenu à plusieurs reprises des ressortissants étrangers à des moments de forte tension politique avec leur pays d’origine, ce qui a donné lieu à des accusations de « diplomatie de l’otage ».
Le cas de Mme Cheng a été comparé à celui de l’universitaire et écrivain australien d’origine chinoise Yang Jun, qui est détenu en Chine depuis 2019 sur la base d’accusations d’espionnage vagues. Jugé mi-2021 à huis clos car, selon Pékin, la procédure porte sur des « secrets d’Etat », il attend toujours son verdict.
L’arrestation de Cheng Lei avait provoqué le départ précipité et rocambolesque de Chine de deux journalistes australiens craignant à leur tour d’être arrêtés.
Bill Birtles, alors correspondant à Pékin de la chaîne de télévision australienne ABC, et Michael Smith, ex-correspondant à Shanghai de l’Australian Financial Review (AFR), s’étaient réfugiés plusieurs jours dans des locaux diplomatiques, avant de quitter la Chine accompagnés de diplomates de leur pays.
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