L’élection comme pape de Robert Francis Prevost marque « un succès posthume de François » et « une opposition au gouvernement américain », estime auprès de l’AFP François Mabille, directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux et auteur du livre « Le Vatican: La papauté face à un monde en crise ».
Comment analyser l’élection de Léon XIV?
« Il est difficile de ne pas penser à l’opposition frontale qu’il y a eue entre Trump et le pape François. Ce choix marque à la fois une opposition au gouvernement américain et la prise en considération de critères géopolitiques.
Il ne faut pas minorer son origine nord-américaine. Il y a là un indice que l’opposition à Trump, ce qui s’est joué pendant le pontificat de François et ce qui se joue de nouveau avec le retour de Trump, a été très bien perçu par les cardinaux.
D’une certaine manière, c’est une opposition aux nationalistes chrétiens à la JD Vance qui constituent l’un des courants forts soutenant Trump.
On a là un pape d’apaisement, un pape qui va continuer à travailler sur les dérives de la mondialisation, et un pape qui, je pense, aura comme Américain une approche spécifique par rapport au mandat de Trump ».
Que signifie le choix de Léon XIV?
« Par le choix de son nom, Léon XIV, et par son origine missionnaire, un lien est fait avec l’Amérique latine où Robert Francis Prevost vivait.
Son prédécesseur était Léon XIII, le pape de l’enseignement social, avec son encyclique de 1891 +Rerum novarum+ qu’on peut traduire par +Les grandes innovations+. Il y a là une marque sociale évidente.
A l’époque, en 1891, la question était celle de la justice sociale, de la question ouvrière. Là, la thématique va être reprise, à la fois par rapport aux dérives de la mondialisation, mais également par rapport à des enjeux sociétaux plus larges comme par exemple l’intelligence artificielle.
Est-on dans la lignée de François?
« C’est un succès posthume du pape François. Avec sans doute des accents et une incarnation de la fonction pontificale différente: je ne pense pas qu’on retrouvera chez lui les formules parfois clivantes que François a eues, ou des oppositions, des critiques aussi virulentes sur le libéralisme.
C’est un candidat de consensus modéré qui s’inscrit dans une continuité soft, une continuité douce avec le pape François, qui ne va pas braquer les conservateurs. En tout cas, qui ne les a pas braqués ».
Comment le décrire?
« Leon XIV un pape pastoral par son approche, attentif aux périphéries. C’est un candidat naturel du bloc réformateur pragmatique.
Il connaît la Curie (l’administration vaticane, NDLR), mais il ne la regarde pas de manière rigide. Il a une expérience pastorale dans ce qu’on peut appeler le sud global. On ne peut pas dire qu’il ait un profil idéologique tranché.
Il parle espagnol: c’est un pape compatible avec ce continent latino-américain, et les enjeux d’une Église qui continue vers les périphéries ».
L’élection s’est jouée rapidement…
« Il a fallu deux jours de conclave, comme pour son prédécesseur, mais les contextes sont différents. Cela signifie qu’il y a une majorité pour se situer dans le sillage d’un pontificat ouvert au Sud, à la pauvreté, à la question de la justice sociale, mais avec une inflexion.
Cela veut dire que les conservateurs, en tout cas que les opposants au pape François, sont minoritaires, et même largement minoritaires »
Quels seront ses premiers chantiers?
« Je pense que ça sera un chantier de continuité, avec une réflexion de nouveau sur l’organisation de l’Eglise, continuer sur la thématique des périphéries et donc de la justice, approfondir sans doute la réflexion de l’Eglise catholique sur les grandes questions sociales…. »
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