Des manifestations de personnes habillées dans des vestes éclatantes ont eu un impact dramatique sur la circulation en France et occasionné de violents heurts à Paris ces derniers jours. Mais qui sont ces « gilets jaunes » et qu’adviendra-t-il d’eux ?
Quel est l’objet de ces manifestations ?
Le mouvement s’est développé spontanément le mois dernier contre la hausse des taxes sur le carburant, ses partisans distribuant les gilets de sécurité transportés dans tous les véhicules français. Soutenu par les habitants des petites villes et campagnes où beaucoup circulent en voiture, le mouvement a fait boule de neige se transformant en vaste fronde contre le président Emmanuel Macron perçu comme favorisant les riches et les grandes villes.
Après des blocages routiers nationaux, qui ont provoqué la mort de deux personnes dans des accidents, la violente démonstration de force à Paris le week-end dernier est évocatrice du gouffre qui sépare l’élite citadine et les laissés-pour-compte de la France rurale.
Les objectifs des manifestants sont amorphes. Beaucoup se plaignent d’avoir à peine de quoi joindre les deux bouts, avec des services publics limités en échange d’un taux d’imposition parmi le plus haut d’Europe. Certains veulent que Macron reviennent sur les baisses d’impôts pour les plus riches ; d’autres qu’il engage davantage de mesures en faveur des plus démunis. Un grand nombre de personnes demandent au président, ami de la finance et ancien banquier, de démissionner.
En quoi ces manifestations sont-elles différentes ?
La France a une longue histoire de mouvements protestataires qui ont éclaté puis décru, s’opposant à tout, depuis les taxes sur les carburants jusqu’au mariage homosexuel.
Les experts disent que ce qui rend les « gilets jaunes » inhabituels est la façon dont le mouvement s’est formé, sans chefs et via les réseaux sociaux. Ils viennent aussi de divers milieux sociaux et politiques, bien que le gouvernement a condamné les partisans de l’extrême-droite pour les violences du week-end dernier sur les Champs-Elysées.
Cette alliance, assez large, tranche avec un autre mouvement spontané qui s’est développé en France en 2016, « Nuit Debout » qui était de gauche.
« Il y a des gens qui ont voté pour le Rassemblement national (extrême-droite), mais il y a aussi beaucoup de personnes qui ne votent pas ou qui ont voté pour Macron », déclare Danielle Tartakowsky, professeure d’histoire contemporaine à l’université Paris 8.
Est-ce qu’elles peuvent durer ?
Jusqu’à présent, les gilets jaunes ont profité d’un soutien assez large de la population : un sondage en date de la semaine dernière montrait qu’environ 70% des personnes interrogées trouvaient les manifestations justifiées.
Une première journée d’action le 17 novembre dernier a vu 300 000 personnes se succéder sur les barrages routiers à travers tout le pays, avec des manifestations sporadiques qui ont continué toute la semaine.
Mais samedi, seules 100 00 personnes ont participé, suggérant que les manifestations étaient sur le déclin. « Le mouvement pourrait bien disparaître par attrition » a affirmé Jérôme Sainte-Marie, à la tête de l’agence Pollingvox. « S’il n’y a que 50 000 personnes samedi prochain, ce sera fini », a-t-il prédit.
Mais ce qui a commencé comme un mouvement « spontané et horizontal » selon Sainte-Marie, montre qu’il cherche désormais à s’organiser. Les gilets jaunes ont annoncé lundi qu’ils étaient en train de nommer une délégation de huit personnes pour négocier avec le gouvernement. Le ministre de l’Environnement, François de Rugy, devait les rencontrer pour la première fois aussi vite que mardi dernier*.
Comment Macron a-t-il réagi ?
Macron est arrivé au pouvoir en promettant de restaurer la confiance envers les politiques, mais les manifestations ont répandu dans les rues une colère diffuse contre sa politique favorable aux entreprises et perçue comme élitiste.
Difficilement crédité d’un pourcentage d’opinions favorables aux alentours de 30%, beaucoup de manifestants le voient comme arrogant et éloigné de ceux qui vivent modestement dans les zones rurales française.
Il a utilisé son allocution à la nation de mardi dernier pour dire qu’il avait entendu la colère des gens, mais insisté sur le fait qu’il poursuivrait ses mesures anti-pollution. Affirmant qu’il comprenait les besoins des ceux qui s’inquiètent de boucler « la fin du mois » tandis que son gouvernent désire éviter la « fin du monde » avec une politique plus verte, il a promis : « Nous allons concilier les deux. »
Après des propositions faites au préalable pour aider les familles en difficulté et prévenir les manifestations, il a accepté des concessions minimes comme de revoir les taxes sur le carburant en cas d’augmentation du cours mondial du pétrole.
Des experts disent que les manifestions pourraient avoir un impact sévère sur l’économie si elles durent jusqu’à Noël. Le ministre de l’Economie et des finances, Bruno Lemaire, affirme que de grands distributeurs ont souffert de pertes de 35% de leur chiffre d’affaires le premier jour des barrages routiers et 18% samedi dernier.
Quelle que soit la durée des manifestions, Sainte-Marie avance que : « Ce que le mouvement a fait naître – ces insatisfactions et colère contre la politique du gouvernement et à l’égard d’Emmanuel Macron – ne partira pas facilement. »
* La rencontre a en effet eu lieu, mais avec deux gilets jaunes seulement.
Glossaire
allocution (n.f.) : (to give) an address
arrogant (ajd.) : arrogant
boucler la fin du mois (exp.) : to make ends meet
décroître (v.) : to decrease
délégation (n. f.) : delegation
démonstration de force (exp.) : display of power
faire boule neige (exp.) : to snowball
gouffre (n.m.) : gulf
fronde (n.f.) : revolt
heurt (n.m.) : clash
laissé-pour-compte (exp.) : social outcast
partisan (n. m.) : supporter
restaurer (v.) : to restore
sévère (adj.) : serious
sondage (n. m.) : a poll
sur le déclin (exp.) : déclining – on the wane
trancher (v.) : to contrast strongly
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IN ENGLISH PLEASE
What next for France’s ‘yellow vest’ protests?
Protests by people clad in luminous vests have played havoc with traffic across France and prompted violent clashes in Paris in recent days. But who are the « yellow vest » protesters, and what will become of them?
What are these protests about?
The movement sprang up spontaneously last month against hikes in car fuel taxes, with supporters donning the safety vests carried in all French vehicles. Backed by people in small towns and the countryside where most get around by car, it has snowballed into a wider movement against President Emmanuel Macron’s perceived bias in favour of the rich and big cities.
After nationwide road blockades that have left two people dead in accidents, last weekend’s violent demo in Paris symbolised a perceived gulf between urban elites and « left-behind » provincial France. Supporters’ goals are amorphous. Many complain they barely scrape by and get scant public services in exchange for some of the highest tax bills in Europe.
Some want to reverse Macron’s tax cuts for the rich while others want more measures to help the poorest. Many have called on the business-friendly president, a former investment banker, to resign.
What makes these protests different?
France has a long history of protest movements which have flared and waned, opposing everything from fuel taxes to gay marriage.
Analysts say what makes the « yellow vests » unusual is the way their movement has coalesced without leaders, organised via social media. They also hail from a range of social and political backgrounds, though the government has blamed far-right supporters for the violence on the Champs-Elysees last weekend.
As a relatively broad alliance, it stands in contrast to another spontaneous movement that spread across France in 2016, « Nuit Debout » or « Up All Night », which was leftist.
« There are people who voted for the (far-right) National Rally, but also lots of people who don’t vote and people who voted for Macron, » said Danielle Tartakowsky, a professor of contemporary history at Paris 8 university.
Can they last?
Until now, the yellow vests have enjoyed fairly wide public support: a poll last week showed around 70 percent found the protests justified.
A first day of action on November 17 saw some 300,000 people turn out nationwide to man roadblocks, with sporadic protests continuing through the week. But last Saturday only about 100,000 took part, prompting suggestions that the protests are on the wane.
« The movement could well disappear by attrition, » said Jerome Saint-Marie, head of research agency Pollingvox. « If next Saturday there are only 50,000 people, it’s over, » he predicted.
But what began as what Saint-Marie called a « spontaneous and horizontal » movement has now indicated it is seeking to become more organised. The yellow vests announced Monday that they are nominating an eight-person delegation to negotiate with the government. Environment Minister Francois de Rugy is due to meet with members of the movement for the first time as early as Tuesday.
How has Macron reacted?
Macron came to power vowing to restore trust in politics, but the protests have brought widespread anger over his pro-business policies and perceived elitism to the streets.
With approval ratings languishing at around 30 percent, many protesters regard him as arrogant and out of touch with people living modest lives in provincial France.
He used a speech to the nation Tuesday to stress that he heard people’s anger, but insisted he would push on with anti-pollution measures. Acknowledging that protesters worry about surviving « the end of the month » in contrast to his government’s desire to stave off « the end of the world » with greener policies, he promised: « We are going to deal with both. »
After earlier proposals helping poor families failed to stave off the protests, he offered more minor concessions such as a review of fuel taxes in cases of a surge in world oil prices.
Analysts say the protests could deal significant damage to the economy if they continue in the run-up to Christmas. Finance Minister Bruno Le Maire said large retailers had suffered a 35 percent drop in revenues on the first day of the roadblocks, and an 18 percent drop on Saturday.
However long the protests last, Sainte-Marie said: « What this movement has given birth to — this dissatisfaction and anger with government policies and with Emmanuel Macron — will not go away quickly. »
AFP
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