Un trou béant dans le sol et des tiges de maïs enchevêtrées : on dirait que le champ d’Yves Rolland a été dévasté par une tornade. Son propriétaire connaît les coupables. « Chaque année c’est pire. Ils détruisent tout » enrage l’agriculteur français en enjambant ce qu’il reste de ses cultures. « Des hordes de sangliers viennent toutes les nuits. Ils grignotent ici et là, en piétinant tout. »
Comme d’autres agriculteurs en Europe, Yves Rolland souffre des conséquences d’une explosion de la population de sangliers depuis trente ans, ceux-ci s’aventurant hors des forêts à la recherche de nourriture. Ils ont déjà ravagé 8 hectares de ses terres cette année — soit 10% de la surface totale de sa propriété en bordure de la forêt de Paimpont, dans le nord de la Bretagne. « Mon père n’a jamais vu de sangliers lorsqu’il était agriculteur. A présent nous en sommes envahis » souligne-t-il.
Le nombre de sangliers abattus par les chasseurs français donne une idée de la rapide augmentation de leur population. 150 000 ont été tués en 1990-91 d’après l’ONCFS*, la police de l’environnement et de la chasse ; en 2016-2017 ce nombre a atteint 700 000 animaux abattus. « Les sangliers sont très fertiles, se reproduisent rapidement et s’adaptent à la pression de la chasse », explique Christine Saint-Andrieux, chercheuse à l’ONCFS. Différents facteurs ont favorisé la multiplication des sangliers et leur sortie des forêts, affirme-t-elle, notamment l’urbanisation et le changement climatique, qui modifient leur habitat traditionnel.
Dans le département d’Ille-et-Villaine, en Bretagne, là où vit Yves Rolland, 3000 sangliers ont été abattus cette année, mais les agriculteurs affirment que la chasse récréative ne parvient pas à contrôler leur nombre.
Sous une pluie battante, dans un champ près de la ville bretonne de Saint-Malo, une dizaine d’agriculteurs se rencontrent pour essayer de trouver des solutions. « Certains chasseurs font leur part de travail mais d’autres préfèrent n’aller chasser que le week-end pendant la saison de chasse » grogne un agriculteur. Un autre avance que les sociétés privées qui louent leurs terres pour la chasse « nourrissent les sangliers pour générer du business et n’entretiennent pas leurs clôtures. »
Un dédommagement insuffisant
La Fédération régionale des chasseurs propose un dédommagement à ceux dont les terres ont été dévastées par les sangliers, mais d’après Jean-Baptiste Mainsard, qui est membre de la Chambre d’agriculture, ce n’est pas suffisant. « Lorsqu’ils envoient un expert et que celui-ci décide que les dégâts s’élèvent à moins de 200€ ou qu’ils représentent moins de 3% de la surface de la propriété, l’agriculteur n’obtient aucun dédommagement et doit payer l’expertise. »
« Parmi les autres solutions, ajoute-t-il, on devrait rendre la chasse plus accessible. » Des mesures régionales, telles que les 50€ à payer pour tout sanglier qu’on abat, découragent la chasse, se plaint-il.
Le groupement d’agriculteurs près de Saint-Malo a lancé une pétition pressant l’état d‘agir, y compris en mettant en place un groupe de chasseurs volontaires qui pourrait passer à l’action quand c’est nécessaire.
Le directeur régional de la Fédération des chasseurs, André Douard, affirme qu’il fait déjà « tout son possible pour encourager » les gens à s’en prendre aux sangliers. « La chasse est un loisir. Nous ne pouvons forcer personne » rappelle-t-il. La contribution de 50€ par sanglier alimente le fond de dédommagement des agriculteurs dont la terre a été endommagée, ajoute-t-il, la supprimer ne servirait à rien.
Des chasseurs vieillissants
Une grande partie du problème, d’après M.Douard, est que les chasseurs « vieillissent et se font de plus en plus rares », la France rurale se vidant au profit des villes. Un agriculteur a peur que les sangliers soient peut-être la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour l’agriculture française — le secteur est déjà en crise du fait de l’augmentation des dépenses et de la chute des prix. M.Douard affirme que le président centriste Emmanuel Macron est au courant du problème.
Pourtant, les sangliers s’ajoutent à la liste des problèmes qui provoquent la colère dans les campagnes, où les détracteurs d’Emmanuel Macron affirment que leurs difficultés sont bien bas dans l’ordre des priorités de l’ex-banquier d’investissement.
Cependant, chaque tentative du gouvernement d’encourager la chasse rencontre une opposition catégorique des groupes de protection des droits des animaux. L’actrice et défenseuse des animaux Brigitte Bardot avait déjà demandé la démission du ministre de l’écologie Nicolas Hulot, déclarant qu’il n’allait pas assez loin dans la répression de la chasse.
* Office national de la chasse et de la faune sauvage
Glossaire :
abattu (adj.) : shot
agriculteur (n.m.) : farmer
béant (adj.) : gaping
chasseur (n.m.) : hunter
clôture (n.f.) : fence
dédommagement (n.m.) : compensation
dégât (n.m.) : damage
démission (n.f.) : resignation
enchevêtré (adj.) : tangled
enjamber (v.) : to stride
entretenir (v.) : to maintain
c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase (exp.) : it is the straw that breaks the camel’s back
grignoter (v.) : nibble
grogner (v.) : to grumble
loisir (n.m.) : hobby
piétiner (v.) : to trample
pluie battante (exp.n.f.) : driving rain
sanglier (n.m.) : wild boar
IN ENGLISH PLEASE
French farmers furious as wild boars trample their crops
With a gaping hole in the ground and tangled corn stalks strewn across Yves Rolland’s field, it looks as if it has been hit by a tornado. He already knows who the culprits are. « Every year it gets worse. They destroy everything, » the French farmer fumes, striding through what’s left of the crop. « The boars come every night, in a pack. They nibble a little bit over here, a little bit over there, trampling on everything. »
Like farmers across Europe, Rolland is suffering the consequences of an explosion in the wild boar population over the past three decades, venturing off woodland in search of food.
They have already ravaged eight hectares (20 acres) of his land this year — 10 percent of his farm on the edge of the Paimpont forest in the northern French region of Brittany.
My father never saw boars when he was a farmer. Now we’ve been invaded, » he says.
The number of boars shot by French hunters gives an idea of how their numbers have soared. Some 150,000 were killed in 1990-91, according to hunting authority ONCFS, but by 2016-17, the figure had swelled to 700,000. « The animals are very fertile, reproducing quickly and adapting to pressure from hunting, » says ONCFS researcher Christine Saint-Andrieux.
Various factors have encouraged the pigs to multiply and to leave the woods, she says, notably urbanisation and climate change which is altering their traditional habitats.
In the Ille-et-Vilaine area of Brittany where Rolland lives, 3,000 boars have been killed this year, but farmers say recreational hunting is failing to keep their numbers in check.
Under the driving rain in a field near the Breton port city of Saint-Malo, a dozen farmers meet to brainstorm solutions. « Some hunters are doing their bit but others prefer to hunt just on the weekends during the hunting season, » one farmer grumbles. Another charges that private companies that rent hunting land « feed the boars to create business and don’t maintain their fences. »
Insufficient compensation
The Regional Hunters’ Federation offers compensation to farmers whose land is wrecked by boars, but Jean-Baptiste Mainsard, a member of France’s Chamber of Agriculture, says it is not enough. « When they send an expert who decides that the damage comes to less than 200 euros or three percent of the land, the farmer gets nothing and has to pay for sending them out, » Mainsard says.
Among possible solutions, he adds, « We have to make hunting easier. » Regional measures such as a 50 euro ($57) fee for each boar shot discourage hunting, he complains.
The farmers meeting near Saint-Malo have created a petition urging the state to act, including by setting up a volunteer hunting force that could spring into action when needed.
Regional hunting chief Andre Douard says he is already doing « everything possible to encourage » people to take aim at the pigs. « Hunting is a hobby. We don’t have the power to force anyone, » he says. The 50 euro fee per boar goes to the compensation fund for farmers whose land gets trampled, he adds, so scrapping it would not help.
Ageing hunters
A large part of the problem, according to Douard, is that hunters are « getting older and rarer » as rural France empties out towards the cities.
One farmer warned that the boars could be « the straw that breaks the camel’s back » for French farming, an industry already in crisis because of rising costs and falling prices.
Douard says that centrist President Emmanuel Macron is already aware of the problem.
Yet the boars add to a litany of issues causing anger in the countryside, where critics say their struggles are low down the list of priorities for the former investment banker.
Any government moves to encourage hunting will meet with stiff opposition from the animal rights lobby, however.
Actress and vocal animal rights activist Brigitte Bardot had already called on environment minister Nicolas Hulot to resign, saying he is not cracking down on hunting enough.
Source: AFP
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