Peintre d’exception marqué par la guerre au Vietnam, personnage fantasque sous la triple influence de l’alcool, du cannabis et de l’héroïne, amoureux transi marié 23 ans à sa muse Wendy… Brett Whiteley est une icône australienne mouvante et émouvante. Le réalisateur James Bogle lui rend aujourd’hui hommage dans un film riche en documents privés et inédits. Un long-métrage arty et passionnant qui vous engloutit dans une histoire « bigger than life ». Entretien.
Comment ce projet est-il né ?
Je connais la productrice Sue Clothier depuis plus de 20 ans et nous avons souvent failli travailler ensemble. Et puis un jour, elle a évoqué Brett Whiteley. Il s’agit d’un immense peintre australien, mais demandez à un enfant de 10 ans s’il le connaît : dans la majorité des cas, ce nom ne lui dira rien. C’est incroyable ! Le dernier documentaire consacré à Whiteley « Difficult Pleasure » date de 1988. Du coup, nous nous sommes dit qu’il fallait combler ce vide. Nous avons commencé à faire des recherches et leur résultat a dépassé nos espérances. Sa vie a réellement été exceptionnelle et lui-même avait un caractère unique. Quant à ses tableaux, ils ont pris une valeur affolante (NDLR : son Opera House a été vendue 2,8 millions de dollars par Christie’s en 2007).
Pourquoi avoir choisi le format du documentaire plutôt que celui du biopic ?
Par honnêteté vis-à-vis de notre sujet. En outre, nous avons pensé qu’il serait encore plus fort que ce soit la voix de Brett Whiteley lui-même qui raconte son histoire. Cela permettait d’aborder le sujet de façon intime et personnelle tout en lui donnant une dimension très actuelle. Enfin, j’avoue avoir été bluffé par « Bill Hicks Story« , un documentaire formidable. Il m’a donné envie de creuser cette forme.
Vos recherches ont duré 4 ans, où avez-vous trouvé tous vos documents ?
Ils étaient dispersés partout dans le monde, mais beaucoup étaient accessibles par internet. J’ai aussi eu accès à un matériel personnel très dense, car Brett Whiteley tenait de nombreux carnets de notes. Enfin, j’ai eu la chance d’accéder à des lettres personnelles envoyées à sa mère. Des documents touchants car ils donnent de l’artiste une vision différente de son personnage public.
Quelle est la contribution de Whiteley à l’Australie ?
Il a ramené ici toute l’expérience qu’il a acquise à l’étranger, en Italie, à Londres et à New-York ! Il a vu et fait des choses qui ont nourri son caractère et inspiré son art. Toute l’Australie y a gagné. Je le considère comme l’un de nos meilleurs représentants sur la scène mondiale. Il possédait aussi une sorte de sens politique associé à un simple bon sens, tout en étant capable de non-sens total. Bref, Brett Whiteley avait une personnalité paradoxale qui a énervé pas mal de gens en son temps mais qui, somme toute, est assez fascinante.
Votre film est-il expérimental ?
La forme de mon film est à l’image de son sujet : extrême et conservateur. On a découpé des photos que l’on a intégrées dans des décors complètement différents. On a réalisé des collages. On a mêlé des images d’archives avec des éléments de fiction (moments de la vie de Whiteley reconstitués et filmés sans focus pour un effet « magique »). Il y a du noir, du blanc, de la couleur, du flou, du net… etc. Bref, j’ai essayé de réaliser un film qui soit lui-même une petite œuvre d’art, colorée et insaisissable. J’espère avoir réussi. Surtout, je souhaite avoir servi au mieux l’artiste et son œuvre.
Qui peut aller voir votre film ?
Tous ceux qui ont une sensibilité artistique et qui sont intéressés par une vie folle, originale, incroyable mais vraie. Je dirais aussi que sa vision de la guerre, avec ce risque d’implosion de la société qu’il pressentait, fait particulièrement écho aujourd’hui. Qu’apprend-t-on de nos erreurs ? Rien finalement.
Quel est votre tableau préféré ?
J’adore « Big Orange » car on a l’impression de se fondre dans le tableau. On se noie dans la couleur. Toute la « Lavender Bay series » est magnifique. J’aime aussi ses dessins, ils sont phénoménaux.
Whiteley de James Bogle avec Brett Whiteley, Wendy Whiteley et Frannie Hopkirk
Sortie officielle en Australie le 11 mai 2017.
Discussion à ce sujet post