Tapis rouge pour le « beau gosse »: l’accueil chaleureux réservé par la Chine cette semaine au Premier ministre australien révèle une nouvelle stratégie de Pékin, qui se veut désormais plus aimable à l’international.
Lundi, Anthony Albanese a été reçu par un président Xi Jinping tout sourire, qui lui a assuré que la Chine et l’Australie peuvent « devenir des partenaires de confiance ».
Le Premier ministre Li Qiang a même évoqué face à lui une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux chinois où l’on voit M. Albanese faire un jogging à Shanghai.
« Les gens disaient qu’un beau gosse était en visite d’Australie », l’a-t-il taquiné.
Il y a trois ans, l’heure n’était pas aux plaisanteries.
Un haut fonctionnaire chinois, symbole du courant dur de la diplomatie de Pékin –les « loups combattants »–, avait suscité l’indignation de Canberra en postant un photo-montage d’un homme habillé en soldat australien tenant un couteau plein de sang contre la gorge d’un enfant afghan.
A l’époque, la diplomatie chinoise ne laissait que deux alternatives aux puissances de taille moyenne comme l’Australie: suivre Pékin ou souffrir de représailles économiques.
La Chine avait ainsi imposé des droits de douane élevés sur des exportations australiennes clés comme l’orge, le boeuf et le vin, et cessé de lui acheter d’importantes quantités de matières premières dont le charbon, privant le pays de milliards de dollars de recettes.
C’était sa réponse aux différends avec Canberra sur de supposées opérations d’influence chinoises en Australie.
– Ton adouci –
Aujourd’hui, comme le notent plusieurs analystes, la Chine semble plus manier la carotte que le bâton.
En toile de fond, une économie chinoise encore à la peine après le Covid et une image fortement dégradée à l’international.
« Pékin admet désormais que sa coercition économique et sa diplomatie offensive des loups combattants ont été des échecs », explique à l’AFP Neil Thomas, chercheur en politique chinoise au groupe de réflexion Asia Society.
Et alors que l’objectif était de pousser l’Australie à prendre ses distances vis-à-vis de la politique américaine, l’exact inverse s’est produit: Pékin a « poussé Canberra à se rapprocher davantage de Washington et a nui à sa propre économie », estime-t-il.
La diplomatie chinoise adoucit aussi le ton avec Washington, après des années de tensions sur les questions commerciales, de sécurité nationale et autour de Taïwan, dont Pékin revendique la souveraineté.
Xi Jinping se rendra aux Etats-Unis la semaine prochaine –son premier déplacement dans ce pays en plus de six ans– pour une rencontre très attendue avec son homologue Joe Biden, à l’occasion du sommet de l’Apec (Coopération économique pour l’Asie-Pacifique).
« Nous avons 1.000 raisons d’améliorer les relations entre la Chine et les Etats-Unis, mais pas une seule de les gâcher », a dit, le mois dernier à Pékin, le président chinois au démocrate Chuck Schumer, chef de la majorité au Sénat américain.
Le Premier ministre australien n’est pas le premier dirigeant étranger à recevoir un accueil chaleureux en Chine cette année.
Le président français Emmanuel Macron a ainsi été reçu par une horde de fans enthousiastes quand il est venu en avril.
– Objectif inchangé –
« L’une des raisons possibles de ce changement dans la diplomatie chinoise réside dans (…) une économie domestique de plus en plus compliquée, avec un chômage record des jeunes », estime Tom Harper, spécialiste de la politique chinoise, dans un article publié sur le site The Conversation.
« On peut également y voir un effort pour établir davantage de partenariats internationaux, plutôt que de se mettre à dos l’ensemble du monde occidental ».
Au-delà des sourires de façade, difficile de dire si les interlocuteurs de la Chine sont convaincus par cette nouvelle amabilité et son impact sur leur relation avec le géant asiatique.
Malgré l’ambiance cordiale dans la capitale chinoise cette semaine, « il y a toujours des domaines sur lesquels l’Australie et la Chine ne sont pas d’accord », souligne Bec Strating, professeure de relations internationales à l’université La Trobe à Melbourne.
« On voit que l’Australie, surtout sur les questions de sécurité et de défense, continue de se rapprocher de Washington », note-t-elle.
Quand on lui a demandé, à Pékin, s’il « fait confiance » à Xi Jinping, Anthony Albanese a assuré que le dirigeant chinois avait tenu parole jusque là.
Dans le fond, la stratégie de la Chine n’a sans doute pas changé.
L’objectif de Xi Jinping reste de faire de son pays « la première puissance mondiale », commente Neil Thomas.
« Mais désormais il revient à une stratégie antérieure qui consistait à poursuivre cet objectif par le biais d’échanges diplomatiques et économiques plus profonds ».
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