Des timbres aux médailles en passant par le blason national ou les cérémonies officielles, le mimosa est omniprésent dans la vie des Australiens. Pour les Français, il est surtout synonyme de fin d’hiver sur la Côte d’Azur et de parfums capiteux. En ce début de printemps dans l’hémisphère sud, alors que ses inflorescences jaune vif recouvrent le bush, le Courrier Australien s’est penché sur le mimosa.
Une plante aux racines profondément ancrées dans la culture australienne
Les mimosas font partie de la famille des Fabacées (celle des fèves) et du genre Acacia*. Il existe plus de mille variétés de mimosa dans le monde et la plupart ne poussent qu’en Australie. On estime que les acacias se sont développés sur ce territoire il y a 35 millions d’années.
Les mimosas sont utilisés depuis très longtemps par les Aborigènes. Ils sont d’abord source de nourriture : leurs graines, riches en protéines, peuvent être consommées fraîches ou séchées et réduites en farine pour confectionner le bush bread. La sève est aussi utilisée pour confectionner une friandise, sorte de pâte sucrée et molle. Les mimosas font également partie de la pharmacopée aborigène, notamment pour les propriétés antiseptiques de leurs tannins.
Leur bois sert à la fabrication de divers armes et outils dont le boomerang. Enfin, les Aborigènes utilisent aussi des rameaux fleuris de cet arbuste pour signaler certains événements saisonniers importants tels que l’arrivée des baleines, des anguilles, ou de certains insectes.
Les premiers colons ont eux aussi exploité les propriétés des mimosas : leur tronc pour la tannerie, leur sève pour fabriquer de la colle et leurs fleurs pour le miel. Les mimosas leur servaient également comme matériau de construction pour bâtir des maisons en clayonnage enduits de torchis, consistant en un entrelacs de branchages tressés remplis et recouverts de boue. Importée de Grande Bretagne, cette technique utilisée jusqu’après la seconde guerre mondiale s’appelait wattle & daub, d’où le nom générique (wattle) donné par les colons britanniques aux mimosas.
Un symbole d’unité nationale et de résilience
On trouve des mimosas dans tous les états et territoires d’Australie, des zones montagneuses aux déserts, des forêts tropicales aux dunes de sable. Il n’est donc pas surprenant que les Australiens aient choisi le mimosa pour symboliser l’unité nationale, ce dès la création de la Fédération en 1901. Très résistants, les mimosas sont la première espèce végétale à germer après un incendie. C’est pourquoi on l’associe aussi souvent à l’esprit australien, pionnier et résilient.
De nos jours, les migrants devenant Australiens reçoivent parfois un brin ou un bouquet de mimosa lors de la cérémonie de citoyenneté : parce que les mimosas fleurissent au tout début du printemps, ils saluent alors un nouveau départ.
En 1912, le mimosa fait son apparition sur le blason australien, en complément du kangourou rouge et de l’émeu. C’est finalement en 1988, pour le bicentenaire de la découverte de l’Australie, que le mimosa est officiellement consacré « emblème floral national ». Il figure ainsi sur les plus hautes distinctions décernées par le pays.
La variété choisie pour représenter tous les mimosas est l’Acacia pycnantha, ou mimosa doré (Golden Wattleen anglais). C’est celle que l’on trouve le plus communément dans le sud-est du pays, notamment dans l’ACT et le NSW.
Porte-bonheur des soldats de l’ANZAC
Lorsque les soldats partent au front en 1914, ils emportent avec eux des brins de mimosa, en souvenir de leur pays et en guise de porte-bonheur. Pendant le conflit, il est fréquent que les lettres de leurs mères et fiancées soient agrémentées de quelques inflorescences jaune vif, si évocatrices de leur pays d’origine. Des cartons entiers sont même expédiés dans les hôpitaux d’Egypte pour réconforter les soldats de l’ANZAC blessés — une pratique qui se généralise rapidement en France et en Angleterre. Lorsqu’ils succombent à leurs blessures, on glisse parfois du mimosa dans les tombes des soldats australiens.
Au fil des ans, le mimosa est devenu le symbole du souvenir pour les Australiens décédés à l’étranger. Depuis quelques décennies, la population est invitée à en porter lors des cérémonies de deuil. Ce fut par exemple le cas en 2002 après l’attentat de Bali, ou plus récemment pour les disparus du vol MH370.
Couleurs nationales
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les sportifs australiens portent du vert et du jaune, plutôt que les couleurs de leur drapeau ? Là encore, c’est à cause du mimosa.
Avant 1901, le mimosa était déjà très présent dans la décoration australienne et célébré dans la littérature, la musique : expression d’un nationalisme grandissant pour une population qui souhaitait s’affranchir de l’autorité britannique. C’est ainsi qu’en 1899, l’équipe de cricket en déplacement en Angleterre pour les Ashes series choisit de porter des uniformes dont les couleurs, vert et jaune vif, s’inspirent de cet arbuste en fleurs. Celles-ci sont ensuite adoptées par tous les sports et ornent les maillots des Australiens en compétition pour les JO de 1912.
En 1984, les autorités décrètent ces deux teintes « couleurs nationales ».
Wattle Day, une alternative à l’Australia Day ?
Le premier Wattle Day, fête nationale du mimosa, est célébré à Sydney, Melbourne et Adélaïde en 1910. Une tradition qui perdure : depuis 1992, toute l’Australie célèbre ensemble le mimosa chaque 1erseptembre, qui marque aussi le premier jour du printemps.
L’année dernière, de nombreuses voix se sont élevées contre l’Australia Day, fête controversée pour sa date commémorant l’arrivée des premiers colons et ont proposé de compléter ou remplacer celle-ci par le Wattle Day. Leur argument est simple : le
mimosa est présent sur ce vaste territoire depuis la nuit des temps et a accueilli successivement tous les Australiens, des indigènes aux colons jusqu’aux nouveaux migrants.
Quant à ceux qui aimeraient voir disparaître l’Union Jack du drapeau australien, ils plaident tout simplement pour un Golden Wattle Flag représentant la fleur de mimosa.
Importé en France par une impératrice et des aristocrates anglais
S’il est difficile d’imaginer le littoral de la Côte d’Azur sans ses pompons jaunes en fin d’hiver, il n’en a pas toujours été ainsi. Car le mimosa ne poussait pas sur ces terres il y a encore 150 ans, et pour cause : il fait partie des nombreuses plantes ramenées d’Australie en 1771 par le Capitaine Cook.
C’est à Joséphine de Beauharnais que l’on doit l’introduction du mimosa sur le sol français. Originaire de Martinique, l’impératrice était passionnée de botanique. À Malmaison, elle fait construire la Grande Serre Chaude, dans laquelle elle réunit une collection végétale extraordinaire en provenance des quatre coins du monde. Lors du retour de l’expédition française de l’explorateur Baudin au Havre en 1803, elle dépêche un envoyé spécial chargé de lui ramener des plantes collectées sur ces terres lointaines… parmi lesquelles du mimosa.
L’introduction de ces acacias sur la Côte d’Azur est un peu plus tardive. C’est à la fin du XIXèmesiècle que des aristocrates anglais fortunés investissent la French Riviera et y plantent des mimosas pour orner les somptueux jardins de leurs résidences d’hiver. Le mimosa trouve là un terroir et un climat si favorables qu’il s’y développe de manière sauvage, envahissant les pentes du massif de l’Estérel et du Tanneron.
L’industrie de la parfumerie de Grasse ne tarde pas à s’intéresser à cette plante pour ses effluves puissants, au point de planter des forêts entières de mimosas — celles-là même qui illuminent aujourd’hui le littoral de leurs « soleils d’hiver ». Une commune prend même le nom de la célèbre plante australienne : Bormes devient Bormes-les-Mimosas en 1968.
La variété la plus répandue est l’Acacia dealbata, un cousin de l’Acacia pycnantha qui orne le blason australien.
En Italie et plus récemment en France, le mimosa est associé à la journée de la femme, le 8 mars.
* en France, ce que nous appelons communément acacia est en fait un robinier-faux-acacia, qui n’appartient pas au genre Acaciadont les mimosas sont une sous-famille.
Karine Arguillère
Sources : goldenwattleflag.com, lefigaro.fr, letemps.ch, australian national herbarium, culture trip.com
N’oubliez pas de suivre Le Courrier Australien sur Facebook et Instagram, et de vous abonner gratuitement à notre newsletter
Des idées, des commentaires ? Une coquille ou une inexactitude dans l’article ? Contactez-nous à l’adresse redaction@lecourrieraustralien.com
Discussion à ce sujet post