Chaque dernier samedi de septembre se joue le temps fort de l’année sportive australienne : la Grande Finale de l’Australian Football League (AFL). La veille du grand jour, des dizaines de milliers de personnes envahissent les rues de Melbourne pour assister à la grande parade des deux équipes en lice, qui défilent sous les cris de la foule en liesse. Cette tradition de 1977 est devenue si populaire qu’en 2015, l’état du Victoria a décidé d’accorder un jour férié à cette occasion.
Le football australien, ou footy, est de loin le sport le plus populaire en Australie, comme en témoigne le nombre record de licenciés (650 000 en 2010). Pourtant, il est méconnu voire ignoré presque partout ailleurs dans le monde. Le Courrier Australien a enfilé un short pour enquêter sur ce sport indissociable de l’identité du pays.
Le Victoria, berceau du football australien

On doit l’invention de ce sport typiquement australien à un certain Tom Wills. Né en Nouvelle-Galles du Sud et élevé dans le Victoria, le jeune homme est envoyé en Angleterre pour étudier alors qu’il est âgé d’une quinzaine d’années. Capitaine de l’équipe de cricket de l’école de Rugby (le nom de cette ville anglaise, berceau du sport éponyme), Tom Wills y découvre un jeu de balle encore appelé football. Lorsque, six ans plus tard, il rentre en Australie, Tom Wills devient capitaine de l’équipe de cricket du Victoria. Plusieurs victoires successives lors de rencontres internationales assurent à Tom Wills une importante notoriété. Lorsqu’il émet l’idée de créer un « foot-ball club » pour un nouveau jeu de balle que les joueurs de cricket pratiqueraient l’hiver, qui leur permettrait de se maintenir en forme entre deux saisons sportives, celle-ci est immédiatement adoptée.

Restait à définir les règles de ce nouveau sport : Tom Wills s’y attèle dès 1858, et arbitre cette même année le premier match du précurseur de l’Australian rules football (d’abord nommé Melbourne rules football). Il oppose deux écoles privées : Melbourne Grammar et Scotch College — qui continuent depuis à s’affronter chaque année en souvenir de cette première rencontre. Le premier club, (le Melbourne Football Club) est créé l’année suivante.
En 1896, les huit meilleurs clubs du Victoria créent la Victorian Football League (VFL), qui autorise la rémunération des joueurs et réduit leur nombre à 18 par équipe. Il faudra attendre les années 80 pour que la VFL accueille des clubs d’autres états. En 1990, elle prend le nom d’Australian Football League.
Des influences multiples
L’influence du rugby sur l’Australian rule football ne fait guère de doute, compte tenu de l’exposition de son inventeur à ce sport en Angleterre. Mais d’autres origines sont également avancées : le football gaélique, que les colons irlandais pratiquaient
notamment pour fêter la St Patrick, pourrait également avoir été une source d’inspiration. Certains affirment même que les Australian rules empruntent à un jeu de balle traditionnel aborigène, le marngrook. De fait, Tom Wills a été élevé dans le bush au contact des populations indigènes. Ce lien avec les premiers Australiens l’a d’ailleurs suivi toute sa vie, pour le meilleur et pour le pire. En 1861, Tom Wills et son père partent avec un groupe de colons établir de nouvelles propriétés dans le Queensland. Sur place, ils sont attaqués par des Aborigènes qui tuent 18 d’entre eux. Tom Wills réchappe de ce massacre, le plus important commis par des indigènes dans toute l’histoire de l’Australie, mais son père fait partie des victimes. Quelques années plus tard, Tom Wills, de retour dans le Victoria, devient coach d’une équipe de cricket 100% aborigène.
Des règles uniques
Le football australien se joue sur un terrain de cricket, de forme ovale. Curieusement, ses dimensions ne sont pas fixées précisément : la longueur peut varier entre 135 et 185m et sa largeur entre 110 et 155m. Les équipes, de 18 joueurs, se disputent un ballon en cuir lacé, de forme ovale mais plus petit qu’un ballon de rugby.
Les buts, constitués de poteaux verticaux comme au rugby, sont au nombre de quatre : deux centraux appelés goals et deux poteaux latéraux, plus courts, appelés behinds. Si le ballon passe entre les deux poteaux centraux, il confère 6 points. S’il passe entre le behind et le goal, 1 seul point est attribué — c’est aussi le cas lorsque le ballon touche un poteau ou un joueur, ou encore si le but est marqué par un joueur contre son camp. Les scores s’écrivent sous la forme de trois nombres séparés par des points, le premier indiquant le nombre de goals, le deuxième le nombre de behinds et le troisième le nombre total de points ; par exemple 20.13.133.

Pour les passes, le ballon doit impérativement être frappé, au pied ou à la main. Au pied, il s’agit d’un « kick » : c’est la frappe la plus précise, exécutée avec la jambe bien droite. Pour une passe à la main, le ballon est tenu dans une paume et frappé avec le poing de l’autre main.

Spécificité du football australien : lorsqu’un joueur parvient à réceptionner un « kick » de plus de 15m (venant d’un de ses coéquipiers ou non), il bénéficie d’un mark. Dans ce cas, le jeu est arrêté et le joueur en question peut disposer du ballon sans être gêné par un adversaire. Les actions les plus impressionnantes en découlent, lorsque plusieurs joueurs se disputent la balle en l’air, prenant parfois appui les uns sur les autres : les Australiens appellent cette phase de jeu les speckies (en référence à leur caractère spectaculaire).
Un joueur a le droit de courir avec le ballon en main mais il doit le faire rebondir sur le sol au minimum tous les 15m. Enfin, contrairement au football ou au rugby, il n’y a pas de position de hors-jeu.
On évoque souvent la violence du football australien. De fait, les joueurs n’ont pas le droit de porter d’autre protection que le protège-dents (sauf raison médicale) et tous les coups sont permis — du moment qu’ils sont exécutés sans intention de blesser l’adversaire, et en gardant les yeux fixés sur le ballon. Cela va même plus loin : au footy, il est autorisé de bousculer, pousser (mais pas dans le dos) ou bloquer un adversaire ne portant pas le ballon, dans un rayon de 5m autour de celui-ci — une tactique qui s’appelle le shepherd.
Les matches de footy durent généralement plus de deux heures : ils se jouent en quatre quart-temps de 20 minutes séparés par 5 minutes de pause (15 minutes pour la mi-temps). Aucun joueur ne peut être exclu du terrain pour ses agissements : en cas de faute il sera suspendu au match suivant. Ce qui ouvre la voie à tous les excès lors du dernier match de la saison…
Une compétition en deux phases
Depuis 2011, l’AFL comprend 18 équipes de cinq états, dont 10 du Victoria.
Les clubs s’affrontent de mars à septembre en se rencontrant chacun deux fois. Un classement est alors établi, le premier recevant une coupe.
Deuxième phase de la compétition : les huit premiers rejoignent les finals series (séries éliminatoires) qui aboutiront à la Grande Finale. Ces séries se jouent selon le calendrier suivant :
Quatre semaines avant la Grande Finale : les qualifying finals
Les quatre premières équipes du classement s’affrontent lors des qualifying finals (finales qualificatives). Les deux équipes victorieuses sont directement qualifiées pour les preliminary finals (demi-finales), avant-dernière étape du tournoi.
Trois semaines avant la Grande Finale : les eliminatory finals
Les quatre équipes suivantes s’opposent lors des eliminatory finals (finales éliminatoires). Les deux équipes perdantes sont définitivement éliminées.
Restent alors 6 équipes en lice, dont deux ont d’ores et déjà leur place en demi-finale.
Deux semaines avant la Grande Finale : les semi-finals
Les perdants des qualifying finals et les gagnants des eliminatory finals se rencontrent alors : ce sont les semi-finals. Les deux vainqueurs se qualifient pour les demi-finales.
Une semaine avant la Grande Finale : les preliminary finals
La compétition arrive presque à son terme et la tension monte : les quatre dernières équipes en lice s’affrontent au cours de deux demi-finales.

La Grande Finale se joue traditionnellement le dernier samedi de septembre, dans le Melbourne Cricket Ground (MCG) qui peut accueillir jusqu’à 100 000 spectateurs.
Une image ternie par plusieurs scandales

Ces dernières années, l’image de l’AFL a été ternie par deux scandales. Le racisme endémique à l’égard des joueurs de couleur, et particulièrement ceux d’origine indigène, a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, notamment à travers l’affaire Adam Goodes. Ce joueur très talentueux des Sydney Swans, dont la mère est aborigène, a joué de nombreux matches sous les huées et les insultes racistes des spectateurs ; le président du club de Collingwood, Edy McGuire, l’a même comparé à un singe avant de s’excuser. En 2015, Adam Goodes a décidé de se retirer de la compétition. Il est désormais très actif dans la lutte contre le racisme.
Autre écueil auquel n’échappe pas l’AFL : la tentation du dopage — d’autant que le football australien est extrêmement physique : un joueur court en moyenne 13km lors d’un match, contre 8 à 10km au rugby et 11 au foot. Le plus grand scandale est celui du club d’Essendon, révélé en 2013. Après une enquête de plusieurs années, 34 joueurs ont été condamnés pour dopage en 2016 et suspendus pour 2 ans.
En 2018, une Grande Finale qui opposera deux équipes « à plumes »
Samedi prochain, la Grande Finale opposera les West Coast Eagles (équipe de Perth) aux Collingwood Magpies (l’une des équipes de Melbourne). Du fait de l’organisation particulière des finals series, les deux équipes se sont déjà rencontrées en qualifying finals il y a trois semaines — et ce sont les West Coast Eagles qui l’avaient emporté. Cela en fait-il les favoris de cette finale ? Jetons un œil au palmarès des deux équipes :
Les West Coast Eagles, qui sont parmi les deux premiers clubs hors Victoria à avoir rejoint la VFL en 1986, ont remporté trois fois le trophée, en 1992, 1994 et 2006.
Les Collingwood Magpies, club créé en 1892, ont fini Premier pas moins de 16 fois dans leur histoire : c’est le troisième club le plus titré. Leur dernière victoire remonte à 2010 mais ils n’ont gagné que trois fois depuis 1958. Cependant, contrairement à leurs adversaires, ils joueront à domicile samedi. De plus, cette équipe est réputée avoir le club de supporteurs le plus actif de toute la ligue.
Si l’on se fie aux bookmakers, les Magpies seraient légèrement favoris, bien qu’ils aient terminé troisième du classement général, derrière les Eagles.
Qui remportera chez lui la coupe d’argent et le drapeau bleu marine de la victoire ? Réponse samedi prochain à partir de 14h30 (AEST) !

Karine Arguillère
Source: britannica.com,wikipedia
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