Après les agences de notation Fitch et Moody’s en avril, le gouvernement français doit franchir vendredi une troisième haie en un mois avec l’examen de son économie par S&P Global Ratings, pouvant déboucher sur une rétrogradation de sa note souveraine.
La France est notée « AA » par l’agence américaine, une excellente appréciation équivalente à un 18 sur 20, mais assortie d’une perspective négative. Une révision à la baisse peut donc survenir si l’agence estime que les efforts menés par l’Etat pour assainir ses finances ne sont pas suffisants.
« Il y a des arguments très décents à la fois pour dégrader ou ne pas dégrader la note française », relève auprès de l’AFP Charles-Henri Colombier, directeur du pôle conjoncture et perspectives de l’institut Rexecode.
L’économiste met en avant la « dérive » du déficit public français et des dépenses publiques, selon lui pas assez prises en main de façon « structurelle et frontale » par le gouvernement, comme facteurs de risques d’une rétrogradation. A l’inverse, la politique de désendettement de nombreux voisins au sein de la zone euro et l’épargne élevée des ménages français plaideraient en faveur d’un statu quo.
– Deux rétrogradations de S&P –
S&P note la France depuis 1975 et n’a revu son appréciation à la baisse qu’à deux reprises. C’est la première agence à avoir retiré à l’Hexagone son emblématique « triple A » en 2012, meilleure note possible et symbole d’une excellente gestion, dont un petit cercle bénéficie encore à l’instar de l’Allemagne et de l’Australie.
Lors de sa dernière analyse de l’économie française, en décembre, S&P a dit que la France pourrait risquer la rétrogradation si elle diminuait trop lentement ses déficits pour entraîner une réduction de la dette, ou si les intérêts d’emprunt augmentaient au-delà de 5% des recettes des administrations publiques.
« Sur base des critères que S&P a communiqués elle-même, cette agence aurait (…) quelques raisons de dégrader la France », écrit dans une note Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management, mettant en avant certaines projections pessimistes sur les deux critères.
Egalement en défaveur de la France, le dérapage surprise du déficit public pour 2023 annoncé par le gouvernement depuis le dernier examen de S&P, à 5,5% du PIB, au lieu de 4,9% attendus, menaçant l’objectif d’un retour sous les 3% du PIB en 2027, une limite imposée par Bruxelles.
Le gouvernement a toutefois annoncé depuis une série de mesures qui permettraient selon lui de revenir dans les clous.
« Ce sera difficile et ça va demander beaucoup de détermination » de ramener le déficit sous 3% d’ici 2027, a souligné jeudi le ministre de l’Economie Bruno Le Maire devant des sénateurs, jugeant que la France devait viser « un objectif de long terme, l’excédent budgétaire », jamais atteint depuis 1974.
– Dette supérieure aux voisins –
La France est aujourd’hui notée par S&P comme la Belgique et le Royaume-Uni, mais a affiché l’an dernier une dette et un déficit public supérieurs à ses voisins. Elle est aussi mieux notée que l’Espagne auprès des trois agences alors que Madrid a une dette légèrement inférieure et sur une pente descendante grâce à un fort taux de croissance.
Pour autant, les deux autres principales agences internationales, Moody’s et Fitch, n’ont pas revu à la baisse la note française en avril et ont maintenu leur « Aa2 » pour l’un, équivalent de la note de S&P, et « AA- » pour l’autre, un cran en dessous.
Le risque inhérent à une rétrogradation est un mouvement de défiance des investisseurs et un alourdissement de la charge de la dette de la France (les sommes déboursées pour payer les intérêts de la dette) qui, selon le gouvernement, va déjà s’envoler à 72,3 milliards d’euros en 2027 — plus que le budget de l’éducation nationale — contre 46,3 milliards en 2022, en raison notamment de l’effet des hausses de taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE).
Cette défiance n’est pas encore d’actualité, l’écart de taux d’intérêt d’emprunt entre la France et l’Allemagne, pays considéré comme le plus sûr en Europe, étant inférieur à ce qu’il était en début d’année, avant l’annonce du dérapage budgétaire de 2023.
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