Que ce soit en construisant des sous-marins pour l’Australie ou en affichant sa puissance militaire dans la région, la France déroule activement sa stratégie sur l’axe indo-pacifique, où les ambitions chinoises bouleversent les équilibres.
Le concept d’Indo-Pacifique recouvre les zones maritimes de l’océan Indien, du Pacifique Sud et les eaux baignant l’Océanie et l’Asie du Sud-Est, notamment la mer de Chine méridionale, formant « un continuum sécuritaire s’étendant des côtes est-africaines à la façade occidentale des Amériques », selon le ministère français de la Défense.
Illustration de cette réalité : le Pentagone a rebaptisé en 2018 le commandement américain pour le Pacifique en commandement Indo-Pacifique (Indopacom), « en reconnaissance de la connexion croissante entre les océans Pacifique et Indien ».
« La prospérité future, non seulement des Etats-Unis, mais de tous les pays de la région, réside dans l’Indo-Pacifique », déclarait à cet égard en janvier le patron de l’Indopacom, l’amiral Phil Davidson, à la conférence géopolitique annuelle « Raisina Dialogue » en Inde.
Plus largement, cet ensemble est une région de transit névralgique pour le commerce mondial, riche en ressources naturelles, où plusieurs acteurs ont de nombreux intérêts, comme l’Inde, l’Australie, le Japon, les Etats-Unis et la France, qui y possède près de neuf millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE) du fait de ses territoires d’outre-mer. 14% des exportations françaises transitent par cette zone et 17% de ses importations.
- "Basculement des équilibres" -
Mais surtout, tous les yeux sont rivés sur la Chine, qui y suit une politique que certains pays jugent expansionniste, illustrée par exemple par le cas des îles Spratleys, où, comme le résume une source du renseignement français, « en moins de quatre ans, un simple massif corallien a été transformé en base militaire avancée » chinoise, permettant à Pékin d’étendre « son rayon d’action aérien et maritime ».
« Le basculement des équilibres de puissance et de richesse vers l’Orient, les ambitions géopolitiques de la Chine (…) font que risques et menaces s’accumulent », analyse Jean-Sylvestre Mongrenier, de l’institut franco-belge Thomas More.
Mais, parmi les pays impliqués dans la région, « les Etats-Unis sont les seuls à être à ce point dans la confrontation avec la Chine », relève Maaike Okano-Heijmans, de l’institut d’analyse géopolitique néerlandais Cliengendael.
« Aucun d’entre nous ne souhaite que la confrontation soit l’élément déterminant des relations Etats-Unis-Chine », a quant à elle déclaré la ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne, au Raisina Dialogue, ajoutant que « la paix et la libre-circulation dans l’océan Indien sont d’un intérêt vital pour l’Australie ».
- Stratégie française -
C’est dans ce contexte plus que délicat que la France cherche à ancrer sa présence.
« La France soutient le concept d’Indo-Pacifique depuis le voyage d’Emmanuel Macron en Inde et en Australie dans l’année qui a suivi son élection » en 2017, analyse Valérie Niquet, la responsable du pôle Asie de la Fondation de la recherche stratégique.
Son action passe en particulier par le renforcement de liens industriels militaires avec des acteurs clés de la région, comme le montre le contrat signé lundi entre le français Naval Group et l’Australie pour lui fournir 12 sous-marins.
« Le contrat franco-australien s’inscrit dans cette perspective géopolitique » de l’axe indo-pacifique, explique M. Grenier.
Mais cela vaut aussi pour l’Inde, acheteuse d’avions de combat français Rafale.
Et l’autre volet concerne plus strictement les forces armées, comme le renforcement du partenariat militaire naval avec le Japon et le prochain déploiement du porte-avions français Charles de Gaulle et de son escorte dans l’océan Indien.
Dans ce panorama, les Etats-Unis poussent à une coopération stratégique dans un format réduit, avec le Japon, l’Australie et l’Inde. Il s’agit du projet Quad, évidemment peu apprécié par la Chine qui y voit une attaque frontale contre sa politique, notamment sa grande initiative géostratégique des Nouvelles routes de la soie.
« Si les quatre pays forment une alliance militaire, cela implique notamment l’émergence d’une +Otan asiatique+, mais débouchera aussi sur une nouvelle guerre froide en Asie », mettait en garde fin novembre Long Xingchun, un chercheur à l’université de Singapour, dans le journal chinois de langue anglaise Global Times.
Dans ce panorama complexe, « la France et le Royaume-Uni sont les seuls membres de l’UE qui peuvent agir sur le terrain militaire. La France est partante, mais je pense que certains Européens s’inquiètent de voir les Français y aller trop seuls, trop vite, ou trop durement, au risque de compromettre certaines relations avec la Chine », juge Mme Mokano-Heijmans.
Mais Mme Niquet estime que « Pékin a peur de l’isolement face à Trump et cherche plutôt l’apaisement avec l’Europe ou le Japon ».
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