Au cœur de l’économie néo-calédonienne, l’exploitation du nickel connaît une grave crise malgré un boom de la demande mondiale, lié à la fabrication de batteries pour les voitures électriques. Une crise qui exacerbe les tensions locales.
Le secteur du nickel, dont l’archipel français du Pacifique du sud détient 20 à 30% des ressources mondiales, est le premier employeur du territoire de 270.000 habitants et emploie directement ou indirectement 20 à 25% des salariés calédoniens.
Depuis des décennies, les néo-calédoniens entretiennent une relation ambivalente à l’industrie minière. Si elle représente la quasi-totalité des exportations de l’archipel, l’exploitation de ce minerai, qui rentre dans la composition de batteries mais surtout d’aciers inoxydables, est extrêmement polluante et se retrouve au centre de plusieurs crises sociales dans les dernières décennies.
Le secteur traverse surtout une crise économique sans précédent, affecté par la baisse du prix du minerai, qui a dévissé de plus de 45% en 2023, causant des pertes record pour les groupes exploitant les trois usines de l’archipel.
La production de nickel a ainsi chuté de 32% au premier trimestre. Le groupe français Eramet et sa filiale Société Le Nickel (SNL), premier employeur de l’archipel, a enregistré une chute de ses ventes de 50%.
Dans le nord, l’usine KNS a été mise en sommeil suite à l’annonce du départ de l’entreprise Glencore. Faute de trouver un repreneur d’ici au mois d’août, les 1.750 salariés seront licenciés.
Enfin, l’usine du Sud Prony Resources est à la recherche d’un nouveau partenaire après le départ du négociant suisse Trafigura.
– Un « pacte nickel » contesté –
Principale causes de ces difficultés, des cours historiquement bas, les conséquences de la flambée du prix de l’énergie et la concurrence de l’Indonésie, qui a fortement augmenté ses capacités de production ces dernières années et pèse sur le marché des exportations.
Le « pacte nickel » voulu par le gouvernement français pour redresser la filière doit permettre de réorienter la production vers le marché européen des batteries, mais le projet concentre les tensions entre indépendantistes et non-indépendantistes.
Point d’affrontement majeur, la contribution attendue de la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 66,7 millions d’euros. Un coût trop important pour les indépendantistes, alors que le territoire était endetté à 153% de son budget, fin 2023 selon le gouvernement de Nouvelle-Calédonie.
L’archipel s’est en outre engagé à créer 250 millions d’euros d’impôts nouveaux en échange des prêts d’urgence contractés pendant la crise liée au Covid-19, qui ont plombé les comptes publics du territoire. Le pacte porté par le ministère français de l’Economie prévoit en retour plusieurs centaines de millions d’euros de subventions mais les opposants reprochent également au texte de ne pas inclure un engagement assez fort des industriels.
En réaction, les élus locaux ont refusé d’habiliter le président de l’Assemblée de la province Nord Louis Mapou à signer le texte et demandé la création d’une commission ad hoc pour travailler sur les difficultés de la filière.
Le désaveu des indépendantistes et d’une partie de la population s’était également traduit par des blocages de mines ces derniers mois, dans un contexte de tensions sociales exacerbées.
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