L’historique partenariat entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni sur un programme de sous-marins illustre l’inquiétude suscitée par l’accroissement de la puissance militaire chinoise, mais il faudra des années avant que cet accord ne puisse aider à contrer l’influence de Pékin.
Connu sous son acronyme anglais AUKUS, ce partenariat doit voir Canberra remplacer sa flotte de submersibles propulsés au diesel par des navires à propulsion nucléaire, à la furtivité et la portée opérationnelle beaucoup plus importantes. Ce remplacement se fera d’abord par l’achat de bâtiments américains, puis par la production sur le territoire australien d’un nouveau type de sous-marin, conçu conjointement par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie.
Mais l’échéance de long terme et le besoin d’accroître les capacités de production sont autant de difficultés, alors que la Chine poursuit l’expansion de son armée et de ses revendications territoriales agressives en Asie-Pacifique, menaçant l’avantage militaire longtemps détenu par les Etats-Unis dans la région.
« Chaque nation a une justification légèrement différente sur le pourquoi de l’accord AUKUS, mais sur le fond, on en revient toujours à la Chine », a expliqué Charles Edel, du cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies, lors d’une récente intervention.
« Bien que la Chine n’ait pas été mentionnée lors de l’annonce d’AUKUS, la croissance exponentielle de sa puissance militaire et l’usage plus agressif qu’elle en a fait lors de la dernière décennie a clairement été la force motrice de l’accord », a-t-il ajouté.
Les Etats-Unis voient la Chine comme leur principal concurrent et cherchent à la dissuader d’entreprendre des actions militaires, surtout à l’égard de l’île de Taïwan — que Pékin revendique comme faisant partie de son territoire.
Selon des responsables américains, la Chine veut que son armée soit prête à prendre Taïwan, si nécessaire par la force, d’ici à 2027.
Mais il faudra attendre les années 2030 avant que l’Australie ne reçoive le premier de ses sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire (des navire américains de classe Virginia), trop tard pour faire dévier l’armée chinoise de ses objectifs.
Besoin d’ « améliorations considérables »
« Il est de notoriété publique que nous avons un problème de dissuasion maintenant, et pas un qui apparaîtrait en 2040 », a estimé Charles Edel. « Le défi désormais consiste à déterminer comment AUKUS peut commencer à fournir des solutions aux problèmes d’aujourd’hui. »
Pour l’Australie, passer de l’actuelle classe Collins de sous-marins à la classe Virginia ne sera pas anodin: certaines versions des nouveaux sous-marins sont presque deux fois plus grosses et requièrent deux fois plus de marins.
La naissance du partenariat AUKUS en 2021 a été suivie de 18 mois de consultations, dont les dirigeants australien, britannique et américain ont annoncé la conclusion lundi sur une base navale californienne.
L’objectif est que l’Australie puisse produire localement un sous-marin à propulsion nucléaire baptisé SSN-AUKUS au début des années 2040, avait indiqué avant l’annonce un haut responsable américain.
Le submersible sera élaboré à partir du design de la prochaine génération de sous-marins d’attaque britanniques, tout en incorporant des technologies de la classe Virginia.
L’accord AUKUS « va nécessiter une amélioration considérable (…) des bases industrielles des trois pays », avait souligné le haut responsable.
L’accord ne doit pas grever la production de sous-marins pour la marine américaine, avertit toutefois l’élu de la Chambre des représentants Rob Wittman, membre de l’influente commission sur les Forces armées.
L’alliance « AUKUS n’atteindra pas son plein potentiel si le nombre total de sous-marins opérés par des membres d’AUKUS dans le Pacifique n’augmente pas au-delà des projets actuels de construction au cours de la prochaine décennie », a-t-il déclaré dans un communiqué après l’annonce.
La question de la capacité de production navale des trois pays « reste ouverte », a jugé de son côté Charles Edel. « L’ambition est de renforcer la construction navale (…) mais à quelle échéance? »
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