Du 8 au 11 mars prochain, le collectif néerlandais Hotel Modern revient en force à Adélaïde avec « La Grande Guerre », un objet théâtral non identifié. Depuis Rotterdam où il vit, l’auteur et metteur en scène Herman Helle revient pour nous sur cette création résolument originale, violente et intimiste qui pénètre le quotidien des poilus grâce notamment à d’authentiques lettres de soldats lues sur scène par les artistes.
Sur le plateau, une table supporte un immense décor miniature mais extrêmement détaillé d’un champ de bataille de la première guerre mondiale où des branches de persil figurent les arbres. De petites pièces sont habilement manipulées pendant qu’une caméra projette l’action sur grand écran… On dirait du théâtre ? Un spectacle de marionnettes ? « Je dirais plutôt une performance » tente Herman Helle. Quelque chose qui serait au croisement du concert, de la lecture et du cinéma. Une création absolument unique et singulière, très différente de Kamp (présentée en 2013 à Adélaïde) ou Rococo, deux autres de ses spectacles.
Un cadre champêtre qui s’est vite transformé en enfer
« Au départ, j’avais envie de faire quelque chose avec un grand paysage », explique Herman. Le thème est venu ensuite naturellement. « En tant qu’artiste, j’ai été impliqué dans des travaux commémoratifs et je suis personnellement intéressé par ce sujet, car mon père vivait en Indonésie lorsque la seconde guerre mondiale a éclaté. Il a donc combattu les Japonais dans cette partie-là du monde. » La grande guerre, celle de 14-18, a eu un décor particulier. « Les hommes étaient dans les champs, dans des tranchées, les combats avaient encore lieu au fusil. On y a aussi testé l’utilisation du gaz ou l’envoi de tanks. On a même fait venir des éléphants des colonies. » Un immense cadre champêtre… qui s’est vite transformé en enfer avec des fusils, des hommes et des animaux encore enterrés là-dessous. « J’ai eu l’occasion de faire du tir et j’ai été choqué de trouver ça fun. » La guerre, vue de l’intérieur, ne ressemble en rien à une partie de plaisir. « Avec ce spectacle, j’ai eu envie de me rapprocher de ce vécu. »
Lettres et journaux intimes
Comme fil narratif, le spectacle a fait le choix de reprendre des textes de soldats allemands, français ou britanniques. « Par exemple, nous avons utilisé des journaux intimes et aussi des lettres d’un certain Prosper qui ont été achetées chez un antiquaire. Au départ, l’écriture est celle d’un tout jeune homme. Puis on voit l’évolution, la maturité, y compris dans la graphie. » Ces jeunes gens partaient vainqueurs. Ils ne s’attendaient pas une telle horreur, un tel carnage. « C’est étonnant, car le contenu de ses lettres traite surtout du quotidien et pas tellement des batailles. Sans doute était-ce une façon de préserver ses proches. Prosper évoque cependant un ami mort dont il essaie d’aller récupérer le corps sous une pluie de balles… une anecdote très émouvante. »
Il a fallu six mois à Herman et au collectif Hotel Modern auquel il est associé pour mettre le spectacle sur pied. « Nous avons fait beaucoup de recherches historiques, mais nous avons aussi tenté de nombreuses expérimentations techniques car c’est la première fois que nous filmions en direct, sur scène. » Côté musique, Herman avait envie d’un grand orchestre. Finalement, Arthur Sauer, son compositeur phare, a proposé qu’il y ait du « sound-making en même temps que du film-making ». La bande-son est donc produite live, ce qui ajoute à l’ambiance générale plus que jamais « spectacle vivant ».
La guerre est un sujet universel
Depuis sa création, la pièce a été jouée presque partout dans le monde. Elle est proposée dans 6 langues différentes, mais « en Russie ou en Chine, nous avons quand même mis des sous-titres, nous aurions eu trop de mal avec la prononciation. » En France, en Espagne, en Allemagne ou aux Etats-Unis, l’accueil a été enthousiaste, « sans doute parce que la guerre est un sujet universel. » En plus, Hotel Modern propose presque toujours aux spectateurs de venir voir la maquette après le spectacle. S’y ajoutent des séances de questions-réponses. On y parle Irak, Yougoslavie… Syrie qui sait ? Les conflits n’ont pas d’âge. « On verra ce que nous réservent les spectateurs d’Adélaïde » déclare Herman qui ne connaissait pas l’importance d’Anzac Day en Australie, mais qui sait le pays engagé sur d’autres fronts.
Le metteur en scène se dit ravi de ces nouvelles rencontres. Malgré des projets plus récents, « nous sommes heureux de continuer à jouer La Grande Guerre, explique Herman, ainsi, le spectacle reste vivant ; il ne disparaît pas dans une mort silencieuse ».
Et en effet, sans compter le bruit des tirs ou des explosions, les voix des poilus continuent à résonner longtemps grâce à lui.
Valentine Sabouraud
Photo en haut : décor par (C) H. Heller.
La Grande Guerre (The Great War) dans le cadre de l’Adelaide Festival (2 au 18 mars)
Du jeudi 8 au dimanche 11 mars 2018 de 30 à 79 $. Réservations ici.
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