19h50 heure française. La flèche de Viollet-le-Duc finit par céder devant le déchainement des éléments. 500 tonnes de bois, 250 tonnes de plomb, quelques kilos d’or portaient fièrement depuis un siècle et demi un coq renfermant les reliques de Saint-Denis. En fin de soirée, l’ensemble de ce formidable paratonnerre céleste disparait dans le vacarme et la fumée.
En bas, l’impuissance des Parisiens est totale. « Elle est là, on passe devant tous les jours, elle fait partie du paysage et parfois j’y faisais même plus attention » témoigne Tom, un étudiant de la Sorbonne avant de poursuivre : « mais la voir comme ça, ça me détruit. C’est un peu comme quand on perd sa mère soudainement : on la croit immortelle, inamovible, parfois on l’ignore ou on lui fait les pires des crasses, mais quand elle disparaît on se rend compte à quel point elle comptait pour nous. »
Pourtant, la relation des Parisiens avec leur cathédrale n’a jamais été un long fleuve tranquille. Associée au pouvoir pluri-séculaire des rois et de l’Église, la Cathédrale est saccagée durant la Révolution Française : 21 têtes sur les 28 composants la Galerie des Rois du fronton tombent sous les coups de burin des sans-culottes parisiens. Dans un contexte de déchristianisation à marche forcée, le député montagnard et déiste Maximilien de Robespierre en fait en 1794 le centre névralgique de sa future religion censée sanctifier la Loi et la Liberté : le culte de l’Être Suprême.
La Cathédrale devient alors « Le Temple de la Raison » avec en son centre l’autel de la Déesse Raison, le reste de l’édifice servant d’entrepôt militaire avant que Napoléon 1er soit sacré Empereur des Français en 1804. L’édifice redevient alors un lieu de pouvoir.
En 1830, la Cathédrale a traversé la Terreur, l’Empire et la Restauration mais elle est délabrée et parfois même dangereuse pour les Parisiens. En témoigne ce cliché effectué au daguerréotype en 1844 :
La Monarchie de Juillet songe alors à la raser complétement pour y faire construire une caserne idéalement placée dans Paris pour mater n’importe quelle insurrection populaire.
Le projet est alors sérieusement à l’étude d’autant plus que les Parisiens ne manifestent aucun attachement pour leur cathédrale. « Inspirons, s’il est possible, à la nation l’amour de l’architecture nationale. C’est là, l’auteur le déclare, un des buts principaux de ce livre ; c’est là un des buts principaux de sa vie » s’emporte alors Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris en 1831
Peu après une restauration complète entre 1845 et 1864, les Communards parisiens, ouvriers et paysans, profitent de la défaite de Napoléon III contre la Prusse en 1870 pour proclamer des idéaux de justice, de liberté et d’égalité. Notre-Dame redevient la cible de l’ire populaire. Les Communards mettent le feu aux bancs et chaises de messe, mais les départs de feu sont rapidement maîtrisés.
Ce lundi 15 avril 2019, la majorité des éditorialistes et commentateurs pleuraient un monument national, indissociable de l’histoire du peuple français. «C’est notre histoire, notre littérature, notre imaginaire, le lieu où nous avons vécu tous nos grands moments » a même souligné le chef de l’État dans une allocation. Un édifice national sûrement, symbole de l’autorité et du pouvoir royal et clérical mais historiquement bien peu populaire.
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