« Agressions sexuelles », « viols », « racisme »: le géant minier australien Rio Tinto a publié mardi un rapport interne accablant, révélant une culture du harcèlement « systémique », devenue monnaie courante « dans toute l’entreprise ».
Ce rapport de 85 pages, basé sur des informations recueillies auprès de 10.000 employés pendant huit mois, dépeint un harcèlement « systémique » au sein de l’entreprise, un racisme « courant » et affirme que le harcèlement sexuel s’y produit « à des taux inacceptables ».
Dans le document est décrite une culture d’entreprise toxique, dominée par des hommes blancs, où les employées subissent de manière systématique un harcèlement, souvent à caractère sexuel: demandes de fellation, sifflements, ce qui les conduit à tenir une liste de collègues masculins à éviter en soirée.
La direction a ouvert cette enquête après une série de plaintes et de scandales – parmi lesquels le dynamitage d’un ancien site aborigène en Australie occidentale pour agrandir une mine de fer.
Les mines, fonderies et raffineries appartenant à Rio Tinto sont souvent situées dans des régions isolées et un nombre important de ses quelque 45.000 employés vivent sur place.
– Aucune suite –
Près d’un tiers des femmes ont déclaré avoir été harcelées et vingt-et-une d’entre elles ont signalé avoir subi un viol ou une agression sexuelle ou avoir fait l’objet d’une tentative de viol ou d’agression sexuelle au cours des cinq dernières années, selon la rapporteuse, Elizabeth Broderick, ancienne commissaire à la discrimination sexuelle en Australie.
« Le harcèlement est systémique », vécu « par près de la moitié des répondants à l’enquête », conclut-elle dans le rapport.
Selon des femmes interrogées, aucune suite n’était donnée quand elles signalaient avoir été victimes de harcèlement sexuel. Elles devaient « supporter la situation seules, sans aucun soutien de leurs supérieurs ou des ressources humaines ».
Une employée raconte dans le rapport que quand elle s’est plainte qu’un homme lui avait demandé une fellation auprès d’un membre de la direction, ce dernier a répondu: « je suis sûr que c’était une blague, nous veillerons à ce que vous ne vous retrouviez pas seule avec lui ».
Une deuxième décrit des « crises d’angoisse, des pensées suicidaires » à l’idée de se retrouver en présence d’un manager qui la harcelait. Situation qu’elle a rapportée aux ressources humaines mais sans déposer formellement plainte.
D’autres employés de Rio Tinto ont fait état d’un racisme généralisé dans ce qu’ils décrivent comme une entreprise « à orientation caucasienne ».
« J’ai été victime de racisme dans tous les recoins de cette entreprise », a déclaré un répondant.
– Excuses –
Le PDG Jakob Stausholm a déclaré que les conclusions du rapport étaient « profondément troublantes ».
« Je présente mes excuses les plus sincères à chaque membre de l’équipe, ancien ou présent, qui a souffert à cause de ces comportements. Ce n’est pas le genre d’entreprise que nous voulons être », a-t-il assuré.
Parmi les 26 recommandations du rapport, figurent le changement de la supervision managériale et la formation de l’encadrement, de même que l’assurance que « les femmes et groupes minoritaires seront déployés en nombre conséquent sur les sites de production ».
Rio a tenté d’améliorer son image publique ces dernières années, en annonçant des plans visant à réduire de 50% les émissions directes de carbone d’ici à 2030 et en promettant de remédier à une culture d’entreprise toxique.
En mai 2020, Rio Tinto avait, pour agrandir une mine de minerai de fer, détruit à l’explosif le site de Juukan Gorge, situé en Australie occidentale, et qui fut habité par des Aborigènes il y a plus de 46.000 ans. Face au tollé suscité par ce dynamitage, le groupe avait présenté ses excuses et son directeur général, le Français Jean-Sébastien Jacques, avait fini par démissionner.
Discussion à ce sujet post