L’Australie a donné son feu vert mardi au projet controversé d’agrandissement d’un port essentiel à de vastes projets charbonniers, au grand dam des écologistes qui dénoncent une décision irresponsable et dangereuse pour la Grande barrière de corail.
Le gouvernement fédéral a approuvé ce projet qui ferait d’Abbot Point l’un des plus grands ports charbonniers du monde, capable d’exporter jusqu’à 120 millions de tonnes chaque année, deux mois après avoir approuvé un projet de mine géante présenté par le groupe indien Adani.
Ce projet Carmichel, également décrié par les écologistes, pèse 16,5 milliards de dollars australiens (10,8 milliards d’euros). Il vise à produire chaque année 60 millions de tonnes de charbon thermique.
Le port en eau profonde d’Abbot Point est arrivé à capacité. Un agrandissement du site, situé tout près de la Grande barrière inscrite au patrimoine de l’humanité, est nécessaire pour exporter la matière première produite par Adani et d’autres groupes miniers.
Pour les défenseurs de l’environnement, cette proximité représente une menace. L’expansion du port, qui va produire 1,1 million de mètres cubes de déchets de dragage, va dégrader l’environnement sans compter que le charbon produit contribuera au réchauffement climatique global, disent-ils.
L’expansion du terminal « a été approuvée conformément aux dispositions de la loi fédérale sur l’environnement et est soumis à 30 strictes conditions », a déclaré une porte-parole du ministre de l’Environnement, Greg Hunt.
Pour aller de l’avant, ce programme –qui doit être mené à bien conjointement par Adani et l’australien GVK Hancock– doit encore recevoir les agréments du gouvernement de l’Etat du Queensland, dans lequel il est situé.
Initialement, ses promoteurs prévoyaient le dragage de trois millions de m3 de déchets qui auraient été déversés dans les eaux proches du parc marin de la Grande barrière de corail.
Les écologistes étaient vent debout, expliquant que les coraux et les algues seraient asphyxiés. Face au tollé, et aux craintes de voir la Grande barrière inscrite par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial en péril, le projet avait été retoqué.
Le nombre de mètres cubes a été revu à la baisse et les déchets iront à terre.
– Des emplois et des dauphins –
« Tous les déchets seront déversés à terre sur des terrains industriels déjà existants. Aucun matériel ne sera déposé dans la zone du patrimoine mondial ou les marais de Caley Valley », site voisin qui abrite en saison jusqu’à 40.000 oiseaux, a ajouté la porte-parole.
« La zone portuaire est située à au moins 20 kilomètres de tout récif corallien et aucun récif corallien ne sera affecté ».
Les défenseurs de ces projets font valoir qu’ils vont créer des milliers d’emplois et injecter des millions de dollars dans l’économie.
Adani, dont le projet Carmichael est contesté en justice par les écologistes, a salué la décision de Canberra. « L’agrandissement d’Abbot Point, vital pour (la ville proche de) Bowen, est essentiel pour (nos) projets de création de 10.000 emplois directs et indirects et de 22 milliards de dollars en taxes et en royalties », a dit le groupe dans un communiqué, soulignant qu’il respectait strictement les critères environnementaux.
Les opposants à tous ces projets arguent que l’effondrement des cours du charbon pèse sur leur viabilité. Ils soulignent aussi que de nombreuses banques se sont ces derniers mois retirées du projet Carmichael –dont les françaises Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole– en raison de son empreinte écologique.
Ce nouveau feu vert est « irresponsable pour le récif, illogique et non nécessaire », dit Greenpeace.
« C’est illogique d’agrandir le port pour répondre aux besoins du projet de mine géante, car celui-ci revient à une impasse », a déclaré Shani Tager, qui s’occupe de la Grande barrière pour l’ONG.
« Adani n’a pas les 16 milliards de dollars australiens, personne ne va les lui prêter, et les cours du charbon dégringolent. L’Agence internationale de l’énergie elle-même s’interroge sur le projet ».
WWF-Australia explique elle que les eaux d’Abbot Point abritent entre autres des dugongs, des tortues de mer ou des dauphins à ailerons retroussés tandis que les marais avoisinants sont utilisés par les oiseaux migrateurs.
Le feu vert accordé au projet « malgré les dégâts qu’il va occasionner » est « décevant », a déclaré une porte-parole, Louise Matthiesson.
« Pour agrandir le port, 61 hectares de lit marin vont être creusés, créant 1,1 million de m3 de déchets. Des panaches dangereux pour les algues vont être créés, qui pourraient potentiellement atteindre les récifs coralliens voisins ».
par Martin PARRY/AFP
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