Le Courrier Australien encourage ses lecteurs à se faire vacciner afin que le plus rapidement possible, la population puisse être protégée et enfin profiter des plaisirs d’une liberté retrouvée. La rédaction vous proposera donc chaque semaine des entretiens/portraits de personnes vaccinées issues de la francophonie et vivant en Australie.
Nous avons rencontré (virtuellement) Nadine Shema, Co-fondatrice d’une organisation (GLAPD) qui vient en aide aux personnes issues des Grands Lacs vivant en Australie.
Pouvez-vous vous présenter brièvement et nous expliquer votre connexion avec la Francophonie ?
Je suis née en République Démocratique du Congo et cela fait maintenant 10 ans que je vis en Australie. Je suis diplômée en médecine générale et j’ai travaillé pendant quelques années dans de nombreux hôpitaux au Rwanda avant de changer un peu d’orientation et de travailler dans une institution du Ministère de la santé (aujourd’hui le Rwanda Biomedical Centre (RBC)). J’étais en charge d’un projet VIH/SIDA concernant la « prévention de la transmission du sida de la mère à l’enfant ». C’est ensuite que j’ai décidé de rejoindre l’Australie en 2011 pour suivre un Master en Santé Publique & Gestion de la Santé à l’Université du New South Wales.
Après mon Master, nous avons décidé avec ma famille de nous établir définitivement ici. J’ai donc travaillé durant quelques années dans le secteur de santé publique et dans la recherche. J’étais une Research Assistant à l’Université du New South Wales et ensuite j’ai travaillé au Children Hospital de Westmead au sein du Refugee Health Program dont la mission était de prendre en charge les familles de réfugiés qui avaient des enfants.
Vous avez ensuite décidé de fonder une Organisation GLAPD – Great Lakes Agency for Peace and Development dont vous êtes actuellement Settlement Operations Manager.
En 2012, avec quelques amis, nous avons décidé de fonder cette organisation, une agence de paix et de développement pour les personnes issues de la région des Grands Lacs en Afrique. Quand je suis arrivé ici, j’ai rapidement constaté qu’il y avait beaucoup de réfugiés du Rwanda, Congo, Burundi. La grande majorité de cette communauté (environ 12.000 en Australie) est venue ici en tant que réfugiés et ne profitait pas des opportunités que l’Australie leur offrait.
Ils n’étaient pas organisés en tant que communauté, il n’y avait pas une harmonie, il y avait toujours ce sentiment de haine et de méfiance. Je pensais naïvement qu’il y aurait au contraire beaucoup de solidarité mais par après j’ai compris pourquoi. Ils n’ont en effet connu que la guerre, les conflits et les difficultés d’une vie dans des camps de réfugiés. Ces tristes épisodes ont beaucoup affecté leur psychique, leur mental, leur sensibilité et leurs comportements.
J’ai eu la chance d’avoir de nombreux privilèges et je n’imaginais pas comment des gens peuvent souffrir autant et vivre comme cela. J’étais choquée. Il fallait que je crée une organisation pour les aider.
L’organisation a commencé modestement avec des bénévoles et ne pouvait se concentrer que sur quelques missions spécifiques…
En effet, quand nous avons commencé, notre mission était de les conscientiser, leur faire comprendre que quelque chose ne va pas. D’où la présence du mot Peace dans le nom de l’association, « Comment peut-on vivre en paix ? » !
Une fois arrivé ici, il y a encore un stress d’adaptation, de « settlement » qui s’ajoute au stress précédent. Il y a un choc linguistique, culturel. C’est très difficile à vivre.
On a donc organisé des workshops avec des bénévoles sur la résolution des conflits, sur la manière de vivre avec quelqu’un qu’on n’apprécie pas forcément. Certains ont grandi dans la haine, la violence, … et n’ont rien connu d’autre.
Nous avons donc fait appel à de nombreux experts en santé mentale, en résolution de conflits. En Afrique, la santé mentale n’a jamais été une priorité et donc ils n’ont jamais été pris en charge pour se confier. Ils ont toujours vécu en mode survie.
Vous avez aussi noué de nombreux partenariats qui ont en quelque sorte tout changé … C’est ce qui a permis à l’Organisation de gagner en efficacité et de répondre aux différents besoins de la communauté ?
En effet, avec l’aide des volontaires, nous avions consulté les communautés (community consultations) pour savoir ce qui était important pour les réfugiés. On a compris que quand ils arrivaient ici, ils ne recevaient pas un service adapté à leur besoin. Ils rencontraient beaucoup de problèmes qui ne leur donnaient pas le goût de vivre ici. En fait, ils étaient découragés d’essayer de s’intégrer.
Plutôt que d’expliquer ce constat aux autorités du New South Wales basé sur de simples témoignages, nous avons décidé de collaborer avec des universités réputées pour faire des recherches et appuyer ce feedback auprès du gouvernement avec des rapports d’experts dans le domaine. C’est ainsi que nous avons acquis la confiance du gouvernement et reçu des Grants qui nous ont permis de développer nos activités. Nous avons grandi doucement.
A présent, nous pouvons nous entourer de personnes très qualifiées, créer des collaborations avec d’autres organisations, universités ou personnes influentes, …
Nous sommes aujourd’hui une organisation structurée avec un siège social à Merryland et six employés (Vidéo Meet the team). Nous essayons d’innover et d’améliorer nos activités au service de la communauté (des cours d’informatique, d’auto-école,…). Nous avons d’ailleurs récemment créé un service spécifique pour les violences domestiques avec un volet éducationnel et un volet d’aide aux victimes.
Le Covid-19 a beaucoup affecté votre organisation mais aussi et surtout cette communauté…
En effet, nous organisions chaque année avec les communautés deux événements (un à l’occasion de l’Harmony Day et un autre événement sportif) qui étaient très populaires avec environ 500-600 personnes présentes mais malheureusement cette année, à cause de la pandémie nous n’avons pas pu les organiser. C’est dommage car ce sont des journées chaleureuses où les membres de la communauté participent aux différentes épreuves sportives ou de danses.
La Communauté souffre beaucoup durant cette période de pandémie. La culture africaine, c’est se voir souvent, faire la fête, danser, s’embrasser, … tout ce que la Covid-19 nous interdit de faire ! C’est très difficile de s’adapter aux contraintes.
Est-ce qu’en général la Communauté africaine est réceptive aux contraintes du confinement et à la vaccination ?
Au début, je ne pense pas qu’elle ait adhéré aux différentes règles imposées. Non parce qu’elle ne voulait pas, mais surtout par manque de compréhension ou d’accès aux directives. En fait, elle ne savait pas ce qu’il fallait faire ou non.
La plupart des messages étaient communiqués en anglais ou traduits dans d’autres langues que celles de notre communauté. Certaines personnes n’ont pas accès à internet ou d’autres ne se retrouvaient pas dans le vrai du faux des informations qui circulent sur les réseaux sociaux.
Nous avons donc organisé une session par zoom à l’intention des leaders de nos communautés avec un coordinateur du Multicultural NSW pour répondre à leurs questions. Par après 2 sessions d’information ont été organisées pour les communautés – les thèmes abordés étaient variés : la vaccination, les règles à adopter, les souffrances associées à la santé mentale et les effets socio-économiques du COVID-19. Beaucoup ne savaient par exemple pas comment recevoir les aides financières Covid-19 Disaster Payment,… Nous sommes occupés de traduire ces présentations dans les différentes langues de la communauté et nous demanderons aux leaders de les relayer et les partager quand elles seront traduites. C’était important que chaque leader applique les règles et montre l’exemple.
Aujourd’hui, la majorité est vaccinée.
Vous êtes médecin de formation, quel était votre message pour les convaincre ?
Entre les croyances religieuses, les rumeurs de conspiration ou les fausses informations qui circulent,… le doute s’est installé sur ce vaccin.
Mon message est assez simple et sans rentrer dans les détails, il est celui-ci : « Le virus est un virus global et mortel. Le vaccin a été créé rapidement grâce à la collaboration des scientifiques des plus grandes sociétés pharmaceutiques. De nombreux tests ont été effectués pour valider celui-ci. Donc il ne faut pas craindre ce vaccin. »
Aujourd’hui la communauté est très favorable à la vaccination car d’une part les leaders sont vaccinés et d’autre part, il faut avouer qu’aujourd’hui il est presque obligatoire de se faire vacciner si on veut profiter un peu des plaisirs simples comme travailler, sortir, faire du shopping, voir ses proches,…. On ne va pas rester éternellement dans la maison.
Qu’allez-vous faire une fois certaines restrictions levées ?
A cette époque de l’année, on devrait organiser notre événement sportif mais ce n’est pas encore possible avec les contraintes liées à la pandémie. Nous allons suggérer aux communautés de préparer des événements à l’occasion des fêtes de Noël. On devrait, je l’espère, avoir encore plus de liberté en fin d’année.
Une de nos missions est aussi de les encourager à devenir indépendants, de prendre des initiatives et devenir autonomes. C’est aussi pour cela que nous leur offrons de l’aide via notre « Community Development & Social Integration Program » pour recevoir, entre autres, des Grants. Nous leur expliquons comment appliquer, comment gérer le budget et faire un reporting des résultats. De cette manière, ils deviennent autonomes et gagnent la confiance du gouvernement.
Toutes les informations sur l’Organisation GLAPD – Great Lakes Agency for Peace and Development et ses activités : www.glapd.org.au et sa chaîne Youtube.
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Si vous souhaitez témoigner et partager votre expérience face à la crise Covid-19, n’hésitez pas à contacter la rédaction du Courrier Australien: redaction@lecourrieraustralien.com
Plus d’information sur le Covid-19 et comment réserver un rendez-vous pour se faire vacciner dans le NSW sur le site officiel Health NSW
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