Manuel Valls continue à défier François Hollande en n’excluant pas de se présenter face à lui à la primaire du PS, pression supplémentaire sur un chef de l’État sur le point de se lancer qui crée une situation institutionnelle inédite.
Le Premier ministre, qui faisait de la loyauté sa marque de fabrique, a franchi un pas de plus dans la guerre psychologique livrée depuis plusieurs semaines au président de la République en assurant dans Le Journal du Dimanche qu’il se « prépare » et est « prêt » au « face-à-face » avec la droite.
Surtout, il n’exclut pas, pour la première fois publiquement, d’affronter le chef de l’État à la primaire du PS les 22 et 29 janvier, un scrutin auquel il a pourtant longtemps été hostile.
Le jour même où les électeurs de la primaire de la droite désignaient leur champion pour la présidentielle de 2017, M. Valls a décoché de multiples flèches contre M. Hollande en louant « l’image de sang-froid et de dignité » du favori François Fillon, qui est « le négatif de Nicolas Sarkozy ».
« Chacun doit mener ses réflexions en responsabilité. Je prendrai ma décision en conscience », élude-t-il quand on lui demande précisément s’il pourrait être candidat face au président.
À ses yeux, « le contexte a changé », sous-entendu en défaveur du chef de l’État, qui doit dire d’ici au 15 décembre -date limite du dépôt des candidatures à la primaire du PS- s’il brigue, comme en sont persuadés ses proches, un second mandat.
M. Valls a ainsi emboîté le pas de son désormais « ami » Claude Bartolone qui, toujours aussi en colère contre M. Hollande après ses confidences peu amènes sur lui, a joué samedi les trouble-fête lors d’un rassemblement « rouge-rose-vert » organisé par Martine Aubry. Il a ainsi plaidé pour un « électrochoc », avec une primaire incluant Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Hollande… et le chef du gouvernement.
Un président de la République et son Premier ministre concourant dans la même compétition? Une hérésie institutionnelle aux yeux de beaucoup. « Irresponsable, pas crédible », a dénoncé le député PS pro-Hollande Kader Arif.
Cette sortie de M. Bartolone a au contraire ravi les vallsistes, le maire d’Évry Francis Chouat y voyant « la preuve que la seule évidence, c’est qu’il n’y a plus d’évidence institutionnelle ».
– ‘Valls pas dans un tout ou rien’ –
Le chef de l’État n’a-t-il pas lui-même bousculé les règles en se disant dès juin prêt à en passer par la case primaire? Une situation là aussi totalement inédite pour un président sortant, soulignent d’autres.
Dans la soirée, les rumeurs sur une très prochaine démission de Valls ont agité la twittosphère. « Valls déjeunera comme prévu lundi avec Hollande avant d’aller en Tunisie », se sont empressés de démentir de concert auprès de l’AFP les entourages des deux hommes.
Un ministre proche de M. Valls semblait d’ailleurs tempérer les ardeurs de certains vallsistes prêts au « putsch »: « Une candidature de Hollande et de Valls, c’est peu probable. Valls est équilibré, il n’est pas dans un tout ou rien », sous-entendu contrairement à Emmanuel Macron, qui a claqué la porte du gouvernement fin août.
« Maintenant », lâche aussitôt ce même ministre, « ce serait mieux pour tout le monde si le président renonçait et laissait Valls y aller ».
Valls « n’a jamais eu un mot » contre Hollande, a assuré dimanche soir le très vallsiste Jean-Marie Le Guen.
« Hollande renoncer? C’est mal connaître l’animal politique qu’il est. Tout le monde a compris que Valls voulait le pousser dehors, mais le président ne se laissera influencer par personne. Et puis, si Valls y va, il n’est plus Premier ministre », rétorque un ministre hollandais.
Emmanuel Macron n’a pas manqué lui d’ironiser sur le fait que Valls était « déjà allé trop loin » et devait « prendre ses responsabilités ». « On ne ne peut pas être à la fois Premier ministre et candidat à la primaire », a renchéri Arnaud Montebourg, qui se verrait bien affronter Hollande à la primaire.
« Valls bluffe et ne passera pas à l’acte », veut croire un autre hollandais, en soulignant que « ce qui a fait la force de Fillon, c’est aussi qu’il n’a jamais trahi Sarkozy à Matignon, même s’il a rongé son frein ».
Le sondage Harris Interactive publié dimanche soir pourrait calmer les ardeurs de Valls, qui ne ferait pas mieux (9%) que Hollande au premier tour de la présidentielle s’il était le candidat PS.
AFP
Discussion à ce sujet post