Cet article est publié en exclusivité par Le Courrier Australien et l’Alliance française de Melbourne.
Depuis 2015, la France offre à ses talents la possibilité de vivre une expérience hors-normes au sein d’une résidence d’artistes perdue au cœur du bush australien. Cette année, c’est le plasticien François Réau qui a eu la chance d’être accueilli à Bundanon Trust. Le fruit de ses six semaines d’immersion sera présenté à l’Alliance française de Melbourne à partir du 18 avril prochain, dans le cadre d’une exposition sobrement intitulée Draw.
« Ma pratique interroge ma façon d’être au monde » déclare derechef François Réau. Une posture qui l’oblige à questionner la notion d’espace, mais aussi de temps, cette « quatrième » dimension si délicate à matérialiser dans une œuvre et sur laquelle Malevitch, à travers le suprématisme, a tant travaillé. Formé à la double école des Beaux-arts et des Arts appliqués, il a déjà de nombreuses années d’expérience derrière lui : expositions solo ou collectives, résidences, bourses, prix… Mais qu’est-ce donc qui l’a attiré jusqu’en Australie ? « L’éloignement certainement, le fait de changer d’hémisphère et aussi les paysages dont j’avais entendu dire qu’ils sont spectaculaires. » François Réau fantasme aussi sur « la dérive et les possibilités de se perdre » dans un monde où la géolocalisation est omniprésente. Est-ce encore possible ?
François Réau pose sa candidature il y a un an environ. L’aventure a commencé en novembre 2017. Le lieu de résidence est l’ancienne demeure et atelier de l’artiste australien Arthur Boyd en Nouvelles-Galles du Sud ; elle a cela de particulier qu’elle est située à trois heures de Sydney dans une région naturelle encore très sauvage. « J’étais installé dans un petit cottage avec accès à de grands espaces. » Là, François Réau peut échanger avec les six artistes (poétesse, écrivaine, musicienne….) présentes à la même période : « Au sein de Bundanon Trust, il s’agit aussi pour moi de se confronter à des expériences différentes – toutes techniques confondues. » Trois cents personnes y sont accueillies chaque année environ. « La solitude est essentielle à mon travail, mais il est toujours intéressant de pouvoir parler avec d’autres. C’est ainsi que j’ai eu envie de tester la vidéo, un média que je n’avais pas encore utilisé auparavant », précise le plasticien.
L’exposition présentera donc un film, mais aussi un dispositif plastique : la machine à dessiner l’espace et le temps. Concrètement, il s’agit d’un cube sensible (quoique dépourvu d’électronique) qui enregistre les vibrations extérieures et les restitue à l’échelle d’un tracé. Une carte est collée sur les six faces intérieures de la boite, une boule piquée de crayons se meut dans ce volume, au rythme des promenades de l’artiste. Le voyage prend ainsi une forme graphique. « J’ai voulu donner une consistance, une matérialité au temps » explique François Réau. Le titre de chaque œuvre est d’ailleurs une combinaison du nombre de kilomètres parcourus et du temps nécessaire à chaque marche. « En regard, j’ai aussi réalisé un grand dessin immersif à la mine de plomb et à la graphite. »
De retour à Paris pour son travail, il prendra de nouveau l’avion pour venir installer son exposition à Melbourne. On pourra acheter des photos et quelques œuvres, mais pas sa « machine » qui intéresse aussi la France. Ensuite, il repartira pour une exposition collective à Pörnbach en Allemagne, puis à Issoudun en résidence au musée Saint-Roch en France. « Mon année 2018 est bien remplie » reconnaît François Réau. Reviendra-t-il en Australie ? L’artiste, qui s’est dit fasciné ici par « le décalage des saisons, le ciel étoilé et le rapport à la nature » le souhaiterait, qui sait, un jour… Reste à trouver le temps.
Valentine Sabouraud
DRAW – exposition personnelle de François Réau, curator Philippe Platel – du 18 avril au 16 mai 2018 à l’Alliance française – Eildon Gallery, 51 Grey St, St Kilda, 3182. Infos ici.
> Article à retrouver an anglais là.
Photos – Légende 1 : FRANCOIS RÉAU machine to draw space and time 6. Drawing machine. 2017. Carte géographique, bois, vis, miroirs, sangles, balle et 18 crayons. 31 x 31 x 31 cm. Bamarang Nature Reserve, Nouvelle-Galles du Sud, Australie. Photographie Mayu Kanamori. Légende 2 FRANCOIS RÉAU_machine to draw space and time. Drawing machine 2017. Carte géographique, bois, vis, miroirs, sangles, balle et 18 crayons. 31 x 31 x 31 cm. Bamarang Nature Reserve, Nouvelle-Galles du Sud, Australie. Légende 3 FRANCOIS RÉAU – machine to draw space and time detail. Dessin de 8,40 km et 3 heures 28 minutes. 2017. Carte géographique, bois, vis, miroirs, sangles et crayons. 31 x 31 x 31 cm. Bamarang Nature Reserve, Nouvelle-Galles du Sud, Australie. Légende 4 – FRANCOIS RÉAU machine square. L’abîme libre blanc, l’infini sont devant nous. 2017. Mine de plomb et graphite sur papier. 257 x 228 cm – Vue d’atelier 2017, Bundanon Trust, Australie.
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