Après deux ans à Melbourne, Dominique Davillé, marionnettiste et comédienne exubérante lance son premier spectacle de théâtre d’objets en Anglais, « Dil & Do », en partenariat avec une jeune comédienne australienne, Nicola De Rosbo-Davies. Le titre « Dil & Do » (Dildo signifiant sextoy) annonce la couleur : on y parle de l’évolution des relations hommes-femmes de 1910 à 2020, avec pour personnages principaux des…sex toys ! Un moment burlesque et décalé à savourer jusqu’au 18 janvier au Butterfly Club.
Un théâtre géant posé dans le salon en guise d’introduction
« Ce spectacle est né d’un coup de gueule : j’avais le sentiment que les gens ne parlaient que de sexe et d’argent, alors j’ai décidé de créer quelque chose qui tourne le sexe en dérision, qui parle de sexe sans être sexuel » nous explique Dominique, quelques jours avant de fouler les planches pour la première fois au Butterfly Club. Le spectacle dont elle parle, ce n’est pas « Dil & Do », mais « Gaude et Michelle », qu’elle a créé avec sa fille à Toulouse quelques années plus tôt; « Dil & Do » en est l’adaptation.
A l’époque, celle qui, enfant, rêvait d’être journaliste pour le National Geographic, était devenue depuis bien longtemps une comédienne confirmée. Alsacienne de naissance, elle est entrée à l’école de théâtre de Toulouse à 20 ans puis a travaillé dans l’animation socio-culturelle. C’est à 30 ans que débute son histoire d’amour avec les marionnettes, et ce, pas tout à fait par hasard… « Un jour, mon premier mari a installé un théâtre géant dans le salon, me poussant à l’utiliser pour y jouer avec des marionnettes. J’en ai créé une trentaine. » Une première initiation qui la pousse à monter sa propre compagnie de marionnettes en 1998 à Toulouse, Les Mariolles, dans laquelle elle interprète les aventures de Petit-Bleu à destination des enfants. Il y a cinq ans, elle joue « Gaude et Michelle » pour les adultes. Elle arrive à Melbourne trois ans plus tard pour suivre son mari Alain Croset dans l’aventure australienne et s’implique au Melbourne French Theatre, toujours en Français.
Premier défi : vaincre la barrière de la langue
Cette fois, pour 2020, Dominique se lance dans son premier spectacle en Anglais. Un véritable défi pour cette intrépide, qui se qualifie de débutante dans la langue : « C’était un peu effrayant au départ, car je voulais improviser une phrase mais je ne trouvais pas les mots adéquats comme en Français. Heureusement, mon personnage est une Française qui déclare dès le départ ne pas parler beaucoup Anglais. Cette affirmation me permet de jouer mon texte dans la langue de Shakespeare, tout en m’exclamant en Français de temps en temps, ce qui en plus ajoute au comique. »
Dominique confie volontiers avoir été coachée par la maman de Nicola, ancienne professeure de Français à l’université à Melbourne, par Natacha Muller, fondatrice de The French Loop mais aussi par son compagnon qui s’est assuré de toute la partie communication. « Pour le spectacle, il a notamment démarché plusieurs sex shops. L’un d’eux nous a prêté l’équivalent de 400 dollars de matériel ! Nous avons aussi utilisé des objets créés par une de mes amies costumières lors du spectacle original, pour adoucir un peu le côté sexuel brut« . Le couple s’est ensuite chargé de trouver une jeune comédienne australienne, et le choix de Nicola s’est imposé comme une évidence.
Grécot + Courbet + Bigus Dikus = Dil & Do
Lundi soir, nous nous rendons à la première de l’adaptation. Nous traversons une longue allée du CBD pour finalement entrouvrir les portes du Butterfly Club, endroit tout aussi décalé que le spectacle qu’il accueille. On nous indique que le spectacle est à l’étage, et on gravit les marches au milieu de murs encombrés de centaines de tableaux, traverse une pièce avec de vieux fauteuils qui nous invitent un peu trop, le tout arrosé d’une lumière tamisée. Ça commence bien. Un dernier escalier nous mène à la salle. Nicola, la vingtaine, vêtue d’une robe rouge en velours et répondant désormais au nom de « Dil », nous fait une présentation avec le sourire de sa collection de sex toys. On rit de certains de ses objets pour le moins atypiques, quand tout à coup une grande Française vêtue d’un tailleur, la cinquantaine, déboule à l’arrière du public : Dominique. Une bombe d’énergie s’abat sur la pièce et s’arrête en s’extasiant devant un objet relativement impressionnant posé par Dil deux minutes plus tôt.
La discussion débute, les deux femmes décident rapidement de comparer les relations hommes-femmes depuis 1910, chacune en s’emparant d’un objet customisé, qu’elles manient comme une marionnette. On a l’impression de regarder deux enfants jouer, l’humour en plus. Tour à tour, au fil des quatre sketchs qui rythment ce spectacle d’une heure, Dil et Do changent de costumes, d’objets et de rôles. En 1910, l’homme joué par Dil impose le devoir conjugal à sa femme pourtant bien occupée à nettoyer la maison de fond en comble; en 2020, les rôles s’inversent : c’est l’homme au foyer apeuré qui doit céder aux désirs tyranniques de sa compagne, une pêche à talons, sous la musique insistante de Juliette Greco, « Déshabillez-moi ». Vient ensuite l’épisode de « Bigus Dikus », colonel dominateur régnant sur une armée de pénis qui se déplacent tous seuls et auront bien plus à craindre que leur simple supérieur…
L’inspiration franco-australienne est bien là : Do lance des phrases en Français de temps en temps, Dil parle dans un Anglais parfait. Des musiques françaises ou australiennes ajoutent au comique, tandis qu’un bataillon de soldats se concentre sur un plan de bataille qui n’est autre que le tableau de « L’Origine du Monde » de Gustave Courbet. Vous l’aurez compris, c’est un spectacle burlesque, Dominique dément toute dimension féministe : « Le but ultime c’est de rire, et de jouer sur les contrastes : une jeune femme, sortie depuis peu de l’enfance qui vend des sex toys et une cinquantenaire qui lui montre un peu naïvement ses vieilles culottes de grand-mère en pensant qu’elles appartiennent à la dernière tendance« .
Verdict ? Les applaudissements fusent déjà alors qu’on a l’impression qu’on vient tout juste d’arriver. On s’amuse de ces objets farfelus, de cet humour absurde, de ces références détournées à la culture française, de ces mimes à n’en plus finir. Et pour ne rien gâcher au plaisir, la fine équipe envisage une saison 2, toujours adaptée du spectacle original, dont on se gardera de vous dévoiler les surprises…
« Dil & Do » se produit au Butterfly Club (5 Carson Pl, Melbourne VIC 3000) tous les soirs à 19h, juqu’au 18 janvier. Prix du ticket : entre 28 et 35 dollars. Pour plus d’informations, cliquez ICI
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