Archipels dispersés au beau milieu de l’Océan Pacifique, les pays d’Océanie sont peu connus des Européens. Afin de vous aider à les comprendre, le Courrier Australien vous présentera chaque semaine une destination spécifique. Ce vendredi, nous mettons le cap sur Nauru, un microscopique État insulaire.
Superficie : 21km2. Population : 13 000 habitants. Capitale : Yaren
C’est un caillou perdu au milieu de l’Océan Pacifique. Avec une superficie de vingt kilomètres carrés, soit l’équivalent de la City de Sydney, l’île de Nauru est l’un des plus petits pays indépendants présents à la surface du globe. À Nauru, il n’y a qu’une seule route, une seule banque, deux hôtels et une poignée de restaurants. C’est tout. Ou presque.
L’État de Nauru est peuplé par 13 000 âmes environ. Deux questions se posent : comment vit-on à Nauru ? D’où proviennent les ressources économiques de l’État ? La réponse tient en un mot : Australie. Le plus petit territoire insulaire au monde compte beaucoup sur la plus grande île du monde. Nauru vit sous perfusion de l’Australie, pour le meilleur et pour le pire.
Un pays devenu riche grâce au phosphate
En 2015, la Banque Mondiale classait l’État comme étant l’une des trois nations les plus pauvres. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, Nauru s’était considérablement enrichi grâce à l’exploitation des gisements de phosphate contenus dans le sol de l’île. Dans les années 1970, la population était, dans son ensemble, riche. Mais l’épuisement progressif des réserves de minerai a précipité l’économie nauruane dans le gouffre, donnant lieu à une augmentation continue du niveau de chômage. En 2011, près d’un quart de la population active était sans emploi.
Le gouvernement de Nauru tente de donner un second souffle à l’économie nationale en capitalisant sur ses liens unissant le petit État à la grande Australie. À Nauru, par exemple, la monnaie utilisée est le… dollar australien. De la même façon, la République de Nauru a réalisé de nombreux investissements immobiliers sur le territoire australien. En témoignage de cette époque faste, la Nauru House, un gratte-ciel qui abritait initialement les bureaux du principal exploitant de phosphate nauruan, est toujours visible dans le CBD de Melbourne.
La « Pacific Solution », point de bascule pour l’État de Nauru
Mais ce n’est pas tout. Au tournant du XXIème siècle, le microscopique État se retrouva au centre d’une polémique d’envergure : celle des centres de rétention pour demandeurs d’asile en Australie. L’affaire débute en 2001. Cette année-là, l’Australie décide de durcir sa politique migratoire. Sous l’impulsion du Premier Ministre libéral John Howard, le gouvernement met en œuvre la « Pacific Solution » ( « Solution du Pacifique » ). Le but de cette opération est d’empêcher, de façon systématique, l’arrivée de bateaux de réfugiés sur le territoire australien. Bientôt, les embarcations s’approchant des côtes de l’île-continent sont sommées de faire demi-tour, et leurs occupants, des demandeurs d’asile pour la majorité d’entre eux, sont relocalisés.
La destination ? Nauru. Le gouvernement nauruan accepte d’accueillir un camp de rétention pour demandeurs d’asile sur son territoire, moyennant une prise en charge de la construction dudit camp par l’Australie. Entre 2001 et 2007, une partie significative des réfugiés politiques demandant l’asile en Australie sont envoyés dans le centre de rétention de Nauru, où ils demeurent détenus pendant que leur demande est traitée. Le centre emploie de nombreux travailleurs nauruans et constitue une manne financière conséquente pour l’État insulaire. D’après l’ONG Oxfam, l’administration du centre de Nauru aurait coûté 5 milliards de dollars australiens sur 5 ans, pour un total de 3100 réfugiés détenus.
Des conditions de détention mises en cause par les ONG
Nauru gagne de l’argent en retenant les demandeurs d’asile repoussés par l’Australie, et, de leur côté, les libéraux australiens – alors au pouvoir – tiennent leurs promesses électorales en maintenant ces personnes à distance des côtes de l’île-continent. Et c’est un euphémisme : trois mille kilomètres séparent les deux pays.
En définitive, les perdants de la « Pacific Solution » sont les demandeurs d’asile eux-mêmes. Au fil des ans, de nombreuses publications ont épinglé la gestion du centre de rétention de Nauru. En 2006, la branche française d’Amnesty International a publié un rapport intitulé « Australie – Un pas en avant, deux pas en arrière », rapport dans lequel l’ONG cible l’insalubrité des installations ( dortoirs, toilettes, douches ) dédiées aux demandeurs d’asile australiens à Nauru. Les conditions de vie déplorables inhérentes au lieu auraient eu un impact considérable sur la santé mentale des prisonniers. Plusieurs suicides et des cas d’automutilation ont jeté l’opprobre sur le centre de rétention de Nauru.
La fermeture du centre, un objectif pour le futur ?
Les droits de l’Homme y seraient régulièrement bafoués, du fait des traitements dégradants infligés aux détenus du centre. Dans son rapport de 2006, Amnesty International pointait du doigt un « manquement potentiel de l’Australie à ses obligations internationales », au premier rang desquelles figure la Convention de Genève relative au droit d’asile. Cette politique, aussi coûteuse que controversée, a pourtant inspiré l’Union Européenne. En 2016, celle-ci a conclu des accords semblables avec la Turquie de Recep Tayyip Erdogan.
Plus de quinze ans après son inauguration, le centre de rétention de Nauru demeure ouvert. Selon les chiffres du Guardian, 359 demandeurs d’asile étaient toujours détenus sur l’île en mars 2019. L’Australie poursuit de la sorte sa politique de refoulement. Dans une certaine mesure, les réfugiés ont donc remplacé le phosphate, devenant pour l’État de Nauru un vecteur de croissance économique. Jusqu’à quand ? Une fraction significative de la classe politique australienne réclame la fermeture de la « prison à ciel ouvert » de Nauru. Sont mis en cause son coût exorbitant, mais surtout son principe même : maintenir à tout prix les demandeurs d’asile hors d’Australie, sans tenir compte des conséquences humaines et sanitaires.
Si l’établissement finit effectivement par mettre la clé sous la porte, le plus petit pays insulaire du monde devra se livrer à d’autres activités pour prospérer. Tout porte donc à croire que la solution viendra de l’étranger. Les Nauruans, en tout cas, l’espèrent. Et rêvent d’un avenir clément envers leurs « tristes tropiques »…
Source : Guardian Australia, Le Monde Diplomatique, Amnesty International, Oxfam
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