Archipels dispersés au beau milieu de l’Océan Pacifique, les pays d’Océanie sont peu connus des Européens. Afin de vous aider à les comprendre, le Courrier Australien vous présentera chaque semaine une destination spécifique. Ce mercredi, nous mettons le cap sur les Kiribati, une petite république dont l’avenir est compromis.

Superficie : 726km2 ( Paris et sa banlieue ). Population : 110 000 habitants. Capitale : Tarawa
« Should I stay or should I go ? » s’interrogeait le chanteur du groupe britannique The Clash. Ce dilemme, devenu célèbre dans l’imaginaire collectif, reflète désormais une tragique réalité pour les 110 000 âmes de la république des Kiribati. Ce petit archipel, voisin de la ligne de l’Équateur, voit son existence même menacée par la montée du niveau des océans. Face à la menace climatique, une question se pose : les Kiribatiens doivent-ils « quitter le navire » dans la dignité ou lutter pour la subsistance de leur patrie ? Citoyens et responsables politiques sont divisés quant à la solution à choisir. Explications.
Un point culminant à trois mètres au-dessus de l’eau
Les Kiribati, archipel composé de 32 atolls, est l’un des pays les plus bas au monde. Et pour cause : son point culminant se trouve à… trois mètres au-dessus de la mer. Cette particularité géographique expose la nation du Pacifique aux caprices de la météo. Ainsi, malgré les digues précaires érigées par les gilbertins ( autre nom des Kiribatiens ) il n’est pas rare de voir l’eau submerger les quelques routes principales de l’archipel et s’inviter juste sur le seuil des maisons. Certaines bâtisses, trop proches du rivage, ont d’ores et déjà été emportées. Et leurs habitants ont plié bagage.
Du fait de l’évolution des conditions météorologiques, les inondations devraient aller en s’intensifiant, augmentant le risque d’engloutissement de l’État micronésien. L’atoll de Tarawa, où se trouvent la capitale et les deux-tiers de la population du pays, risque lui-même d’être définitivement submergé. En 2014, le président kiribatien Anote Tong avait marqué les esprits en achetant une parcelle de terre aux îles Fidji. L’objectif de cette démarche était d’obtenir un lieu où relocaliser ses concitoyens, dans l’optique où l’abandon de leur pays d’origine deviendrait inévitable. Mr Tong, que d’aucuns surnomment encore le « Mahatma Gandhi du Pacifique » en raison de son combat pour la sauvegarde des nations d’Océanie, avait été pressenti pour remporter le Prix Nobel de la Paix.
« Migrer dans la dignité » ou « rester et se battre » ?
Selon l’ex-président, ses partisans et de nombreux scientifiques, la disparition prochaine de l’archipel des Kiribati est une évidence. D’autres, pourtant, persistent à croire qu’une telle issue demeure évitable si des infrastructures adéquates sont mises en place. Au sujet de l’avenir du pays, deux mouvances s’affrontent : celle de la « migration with dignity » ( migrer dans la dignité ), dont Anote Tong était l’ambassadeur, et celle du « stay and fight » ( rester et se battre ), porté par l’actuel président Taneti Mamau. Ce dernier affirme que les Kiribatiens devraient pouvoir vivre chez eux malgré le changement climatique. En conséquence, Mamau a fait appel à des experts afin que ces derniers lui soumettent des projets innovants.
En 2016, des ingénieurs néo-zélandais sont ainsi venus à Tarawa avec une idée révolutionnaire dans leurs bagages. Le projet, détaillé dans NewsRoom, est de bâtir un village artificiel situé à plusieurs mètres au-dessus du niveau de la mer. Il se trouverait bien au-dessus du niveau présent, mais aussi et surtout de celui annoncé en 2200. Une telle construction devrait pouvoir se réaliser en l’espace de 30 ans, moyennant un budget estimé à 273 millions de dollars américains. Il sera donc difficile à mettre en œuvre sans le soutien d’instances internationales.
Un pays qui compte sur ses expatriés
Le jeu en vaut la chandelle, puisque l’idée pourrait permettre aux habitants des Kiribati de demeurer sur leur archipel pendant plusieurs siècles. Problème : le manque de fonds disponibles. Pour financer sa survie, la république des Kiribati s’appuie sur deux acteurs. D’un côté, les ONG et les OIG. De l’autre, la communauté des expatriés. Des centaines de jeunes Kiribatiens ont pris la direction de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande afin d’y être embauchés en tant que saisonniers et d’envoyer des subsides à leur pays natal. Ils sont actuellement plus de 100 à travailler au sein de l’archipel néo-zélandais, dans les vignobles et dans les cultures horticoles. Aux yeux du gouvernement des Kiribati, cette main d’œuvre employée à l’étranger représente une ressource inestimable.
En complément, les Kiribati bénéficient du soutien financier de plusieurs organisations intergouvernementales telles que la Banque Mondiale. Celle-ci soutient l’établissement d’un programme de régénération des mangroves. Aux Kiribati, on dénombre 11 millions de palmiers. À l’image des maisons, la préservation de la végétation est un sujet sensible dans ce pays où, pour reprendre les termes d’un habitant interviewé par la reportrice Alice Piciocchi, « le dîner pousse sur les arbres et nage au fond de la mer ». Le tiers des recettes du gouvernement kiribatien est généré par la vente de permis de pêche. La mer nourrit les Kiribatiens autant qu’elle les menace.
Le climat, premier facteur mondial de migrations humaines
Il est possible de sauver les Kiribati. Mais le sauvetage n’étant pas garanti financièrement, une partie de la population s’est résignée au principe de la migration dans la dignité. Rappelons que les prédictions les plus pessimistes annoncent une élévation du niveau des océans avoisinant les 1,80 mètres d’ici 2100. En Micronésie, des images satellites ont révélé la disparition de plusieurs îlots inhabités durant la décennie 2010. Et tout porte à croire que des milliers d’Océaniens seront mis à l’épreuve par un climat plus hostile durant les années à venir.
Selon Dennis Wesselbaum, chercheur à l’université d’Otago, le climat est devenu le premier facteur mondial de migrations humaines, devançant les guerres et les motifs économiques. En 2017, 68,9 millions de personnes avaient dû quitter leur domicile pour fuir les conséquences du réchauffement climatique. Les Kiribataiens ne sont pas les seuls concernés par le drame la montée du niveau des océans. Leurs voisins du Tuvalu, de Micronésie et des Tonga sont également en première ligne. Une organisation, l’Aosis ( Alliance of Small Islands States ), a été créée afin de représenter les intérêts des États insulaires menacés par le changement climatique. L’Aosis compte désormais 44 membres, et lutte, aux côtés des Kiribati, pour faire entendre la « voix des îles ».
Sources : Le Monde, NewsRoom, Radio New Zealand, NZ Herald
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