Issue d’une école de commerce française et consultante en management pendant 4 ans, rien ne destinait Solenne à poursuivre une carrière dans l’Art, et surtout pas en Australie ! Pourtant, depuis maintenant 12 ans, la jeune franco-australienne a posé ses valises à Sydney et a fait de sa passion une réalité en créant l’association artistique IDAIA, balayant du revers de la main les plans que ses parents avaient tracé pour elle.
Mais avant le grand saut à l’autre bout du monde, Solenne a dû rattraper le temps perdu. Après avoir tout quitté, elle suit une formation aux Beaux Arts pour adultes à Paris où elle étudie l’histoire de l’Art, puis prend quelques cours d’Art appliqués. L’Art, Solenne ne l’aborde pas seulement en tant qu’artiste, mais surtout en tant qu’aide aux artistes. Son rêve ? Promouvoir et être au service de la Beauté, avec un grand B.
Lors de son parcours, la jeune femme passionnée fait plusieurs rencontres qui vont changer sa vie. Elle côtoie tout d’abord des étudiants spécialisés dans l’Art aborigène et développe une fascination pour la plus ancienne culture au monde. Intriguée, Solenne postule à un Master en Australie au cours duquel elle fait la rencontre de Wally Caruana, le premier conservateur en Chef d’Art aborigène de la NGA à Canberra, et de Michael Reid, grand analyste du marché de l’Art australien. Les deux grands noms de l’Art Australien, séduits par son projet de création d’un département d’Art aborigène, deviennent alors ses mentors, et la prennent sous leurs ailes pendant 4 années formatrices.
Des chiffres à la peinture, le parcours atypique de Solenne et sa spécialisation dans l’Art indigène lui ont permis de rajouter une seconde mission à sa passion : celle de sauver une culture unique qui a besoin de survivre. « J’ai soif de réparation et de justice pour les artistes issus de la culture aborigène. Ils souffrent de différentes problématique selon qu’ils soient dans des communautés reculées et traditionnelles ou dans les villes, et je veux contribuer à leur reconnaissance », confie-t-elle.

IDAIA : la concrétisation d’une passion
Après le développement d’une galerie spécialisée dans l’Art aborigène, Solenne rêvait de projets d’interaction avec les audiences, de faire comprendre les oeuvres au public, d’aller plus loin. Elle crée alors IDAIA (International Development for Australian Indigenous Art) en 2008 et construit l’association autour d’un énorme pôle éducatif. « Notre volonté est d’aider les communautés aborigènes en maintenant leur culture et leur niveau de bien-être à travers un système plus juste. », déclare-t-elle. Pour ce faire, un équilibre délicat est à trouver : « Il faut pratiquer l’empowerment. C’est-à-dire qu’il faut être un élément d’aide, mais ne pas décider à la place des artistes. », ajoute-t-elle.
Visites guidées dans les musées et collections publiques, conférences thématiques d’introduction à l’Art aborigène, création d’expositions thématiques pour faire avancer les connaissances et les problématiques… IDAIA s’engage quotidiennement à protéger et à promouvoir des pratiques éthiques dans le monde de l’Art aborigène. « Depuis quelques temps, nous travaillons même avec des écoles pour sensibiliser les jeunes à l’Art australien. IDAIA a développé un projet avec le lycée Condorcet pour son programme annuel de découverte des Arts. Cette année le thème étant l’Art aborigène, nous organisons des interventions d’initiation et des ateliers de création artistique pour les enfants. C’est très excitant ! », révèle Solenne Ducos-Lamotte.
« Scratching the surface », la dernière exposition mise en place par IDAIA à l’Alliance Française de Sydney à la fin de l’année 2016 a connu un franc succès. Il en va de même pour l’exposition parisienne « Another country » qui a eu lieu dans le cadre de la première édition du festival du cinéma aborigène.
La prochaine étape pour l’association artistique ? Travailler à une échelle plus grande et accueillir de nouveaux contributeurs, même si bon nombre de volontaires, de bénévoles, ou de collectionneurs passionnés donnent déjà volontiers de leur temps au service d’IDAIA.

IDAIA : une association artistique qui milite en faveur d’un Art aborigène éthique
Peu de personnes le savent, mais il existe beaucoup d’abus dans le monde de l’Art aborigène, et nombreux sont ceux qui profitent de la détresse de certains artistes pour se remplir les poches, n’hésitant pas à bafouer leurs droits et à duper les acheteurs. « En tant que directrice du Code de conduite de l’Art aborigène, j’ai eu vent de beaucoup d’histoires… Certains artistes Aborigènes ont par exemple été forcés de poser en photo avec des oeuvres afin d’élaborer de faux certificats d’authenticité. D’autres ont même été détenus, menacés et exploités pour produire des oeuvres. Pour se faire de l’argent, certains sont prêts à tout. », raconte Solenne.
Aujourd’hui, le marché non éthique est plus important que le marché éthique et la plupart des ventes réalisées sont issues d’un marché de faux ou de produits en série provenant de l’étranger. Et c’est cela que Solenne et son association comptent bien changer en créant un système plus juste envers les artistes et les consommateurs. Mais comment ? En faisant la promotion de lieux de création artistique et de lieux de ventes déontologiques, assurant justesse, transparence et suivi du parcours des oeuvres. « Nous voulons remplacer les système corrompus en place par un système où la cohésion sociale et la transmission des histoires et des pratiques artistiques sont privilégiés », déclare la fondatrice d’IDAIA.
Où acheter des oeuvres éthiques et comment ?
« Principalement dans les Centres d’Art aborigènes officiels ! », confie Solenne. « Ce sont des coopératives d’artistes réparties dans les communautés et dans les villes, qui portent les artistes. Pour les communautés aborigènes, il s’agit de la deuxième source de revenus, après le gouvernement… », précise-t-elle. Les galeries éthiques constituent également une bonne source d’achat pour les oeuvre aborigènes. D’après Solenne, « L’Aboriginal and Pacific Art Gallery à Sydney, et Alcaston Gallery à Melbourne sont de très bons exemples ».
La directrice d’IDAIA conseille également de toujours s’assurer de la provenance des oeuvres avant de passer à l’acte d’achat. Et en cas de doute, n’hésitez pas à vous renseigner auprès de l’association elle-même (http://www.idaia.com.au/).
Le Code de conduite du commerce de l’art aborigène (Indigenous Art Code) a d’ailleurs pour projet de mettre en place un nouveau site interactif répertoriant et cartographiant les institutions et lieux de ventes éthiques et signataires du Code de conduite sur le commerce de l’art aborigène. Un outil qui facilitera considérablement l’achat éthique !

L’Art aborigène : entre désamour, méconnaissance et clichés
On l’a notamment vu avec l’intégration de fresques aborigènes au Musée du Quai Branly, il existe un amour très fort et instinctif des Français pour l’Art aborigène qui provient de leur attachement à la culture et aux peuples premiers. Et malgré quelques détracteurs, cet amour est globalement partagé. Pourtant, l’Art aborigène reste fortement méconnu. Cette culture ancestrale, puisqu’il s’agit de la culture la plus ancienne au monde, date de plus de 60 000 ans et continue encore d’exister et de s’adapter, malgré les nombreuses menaces.

Au delà des clichés des peintures rougeâtres à pois que l’on voit régulièrement, l’Art aborigène est un Art surprenant. « Il y a ce qu’on connaît, et ce qu’on apprend à connaître », déclare la directrice d’IDAIA.
« Ce que l’on voit le plus souvent, c’est l’Art Papunya avec ses points et ses codes reconnaissables. Mais cela ne représente qu’une partie infime de ce qu’est l’Art aborigène », précise-t-elle.
« L’Art aborigène est très stéréotypé. Mais c’est un art multiple et riche, puisqu’il y a autant de pratiques et de formes d’art qu’il y a de familles de langages aborigènes, soit plus de 600 langues et dialectes à l’époque, et entre 150 et 100 aujourd’hui », nous apprend Solenne. « C’est aussi un art évolutif et innovant : dans les villes il y a une démarche artistique différente et conceptuelle et dans les communautés, les artistes s’adaptent et tentent de survivre à travers des formes plus modernes. », rajoute-t-elle.
Si la question aborigène reste encore très sensible et méconnue, Solenne et son association espère sensibiliser le public et redonner voix aux artistes et aux communautés aborigènes.
Pour plus d’informations à propos d’IDAIA : http://www.idaia.com.au/, info@idaia.com.au, +61 (0) 2 800 60 262, PO Box 592 Waverley NSW 2024.
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