Jessica Fox est une kayakiste franco australienne qui pratique le slalom. Elle représente l’Australie aux Championnats du monde et aux Jeux Olympiques. Elle a remporté cette année le French Australian Excellence Award dans la catégorie sport. Portrait d’une athlète pas comme les autres au palmarès déjà bien garni!
Pouvez-vous nous préciser votre contexte familial partagé entre plusieurs nationalité mais déjà une seule passion ?
Je suis née à Marseilles. Ma mère est Française, et courait pour le pays dans les années 80 et 90. Mon père est Anglais : lui aussi faisait du kayak. Mon grand-père, quant à lui, était le président du club de Marseilles de canoë-kayak. J’ai donc grandit en France dans un environnement déjà dédié au kayak.
En 1998, mes parents ont eu l’opportunité de vivre en Australie afin de travailler dans l’équipe nationale australienne afin de préparer les Jeux de Sydney 2000. Nous devions seulement y rester deux ans, mais nous avons vraiment aimé vivre ici, et nous étions scolarisés en Australie. Nous avons donc logiquement décidé de rester. Même après tant d’années à l’autre bout du monde, retourner en France reste très important à nos yeux. Notre famille vit à Marseilles ou à Paris.
Avez-vous longuement hésité avant de choisir le pays que vous alliez représenter? Vous aviez le choix entre la France, l’Australie, et la Grande Bretagne…
J’avais 4 ans lorsque je suis arrivée en Australie. Représenter ce pays s’est donc présenté comme une décision naturelle. Si jamais j’avais été amenée à retourner en France, j’aurais effectivement pu la représenter. En revanche, je n’ai jamais vraiment considéré l’option de courir pour la Grande Bretagne. Je me sens bien plus Australienne et Française.
Il est toutefois indéniable que le système britannique pour les sportifs est particulièrement bien développé. Avec le recul, cela ne m’aurait pas déplu d’intégrer cette équipe. De plus, j’avais 15 ans lorsque j’ai participé à ma première compétition. J’ai directement pu courir pour l’équipe australienne alors qu’en France, j’aurais du attendre mes 17 ans. J’ai donc eu plus d’opportunités ici pour faire des compétitions internationales plus jeune.
Quelle est la situation du kayak en Australie?
S’il l’est moins que dans d’autres pays, le kayak est tout de même développé en Australie. Lorsque j’étais encore adolescente, un groupe de sportives australiennes participaient déjà aux finales de la coupe du monde. L’Australie a eu des représentantes aux Jeux Olympiques depuis 1992, et a remporté une médaille d’argent en 2008. Nous avons du retard sur certains concurrents européens comme les Tchèques, les Slovaques, et les Allemands, qui sont très bons en slaloms parce qu’ils ont notamment accès à plus de bassins, de compétitions, et à un bon système de club.
L’Australie est un pays très large et très sec. Nous n’avons pas beaucoup de rivières, seulement quelques petits bassins. Ce n’est pas dense comme en France ou d’autres pays européens
Est-il possible de faire de votre passion sportive un métier à plein temps ?
Je suis consciente de ma chance qu’est celle de pouvoir désormais pratiquer le kayak à plein temps. Je bénéficie du soutien des sponsors ainsi que de la fédération. Toutefois, j’ai accès à ce financement grâce à mes résultats. Il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a beaucoup d’athlètes dans différents sports olympiques qui ne peuvent pas se permettre de se consacrer à leur pratique à 100%.
Etre sportif à haut niveau, cela ne rapporte pas beaucoup d’argent. J’ai eu beaucoup de réussite jeune. A 18 ans, j’ai gagné une médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Londres qui m’a ouvert des portes. Après cela, j’ai eu des bons résultats. J’ai été championne du monde, plusieurs fois médaillée olympique, et j’ai remporté la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Tokyo. Grâce à cela, plusieurs sponsors importants me soutiennent depuis des années.
Pouvez-vous nous décrire l’organisation d’une saison ?
En général, je passe le printemps et l’été (entre octobre et mars) en Australie : nous nous entraînons à Penrith qui est un bassin des Jeux Olympiques de 2000. A partir d’avril, nous avons parfois des stages sur le bassin des Jeux Olympiques ou sur celui des championnats du monde.
La saison se déroule véritablement entre juin et fin septembre : pendant cette période, nous sommes en Europe, et nous suivons les compétitions de kayak en Allemagne, en République Tchèque, en Espagne, en France, en Angleterre, en Slovénie… Nous avons encore une fois des stages d’entraînement. L’année dernière, par exemple, nous avons passé beaucoup de temps à Londres puisque les mondiaux se déroulaient là-bas. Je vais également en France où les espaces d’entrainement ne manquent pas : stades d’eaux vives à Pau, à Epinal, bassin de Viares sur Marne…
L’année prochaine sera chargée, entre la Coupe du monde, et la préparation pour les Jeux Olympiques. Nous aurons un stage de préparation en mars-avril, et nous serons en Europe entre mi mai et mi septembre.
A propos des Jeux Olympiques de Paris, cela va revêtir une signification particulière pour vous?
Londres étaient mes premiers Jeux Olympiques : j’étais émerveillée et très heureuse d’y participer. Toutefois, il est vrai que Paris me fait vraiment rêver. Quatre ans après les Jeux Olympiques de Tokyo lors desquels les restrictions étaient nombreuses (nous n’avions notamment pas de public), la perspective de retrouver l’atmosphère de la compétition que nous vivions autrefois est très excitante. Je suis persuadée que ces Jeux Olympiques seront mémorables.
Les compétitions australiennes se déroulent aussi dans votre fief, à Penrith. Un grand événement y sera d’ailleurs organisé l’an prochain
En effet, les championnats du monde de 2025 se tiendront à Penrith : 25 ans après les jeux de Sydney, et 20 ans après les derniers championnats du monde en Australie. Nous attendons cela avec beaucoup d’impatience. L’Australie organise de nombreuses compétitions de haut niveau chaque année. En janvier-février, ce sont les championnats d’Australie (Open d’Australie). Cette année se dérouleront également les championnats d’Océanie. Ces courses sont internationales; nous attendons donc un grand nombre d’athlètes.
Vous allez avoir 30 ans, comment envisagez-vous la suite de votre carrière?
Beaucoup d’athlètes féminines continuent à faire du kayak jusqu’à l’âge moyen de 35 ans. Cependant, certaines variables sont à prendre en compte : il est plus facile de se blesser lorsque l’on vieillit, et beaucoup de femmes mettent en pause leur carrière pour avoir des enfants.
Pour ma part, j’aurai bientôt 30 ans, mais je ne commence pas à préparer la fin de mon aventure. Il faut être sélectionné pour chaque compétition, et je n’ai pas envie de rater les championnats du monde à Penrith, c’est tout de même la maison. Après cela, j’espère participer aux Jeux Olympiques de 2028 à Los Angeles. Cela fait beaucoup de choses à préparer.
Malgré tout, un sportif doit garder à l’esprit qu’il ne pourra pas rester un athlète toute sa vie. Il peut être difficile d’effectuer la transition entre notre carrière sportive et notre vie normale. C’est pourquoi nous devons trouver quelque chose qu’on aime faire. En ce moment, en parallèle des stages, des compétitions, et des entraînements, j’effectue un master à distance avec l’université de Cowfish au Queensland.
La relève au sein même de votre famille pointe déjà le bout du nez?
Cela fait quelques années que ma sœur, Noémie Fox, représente aussi l’Australie. C’est un plaisir de la voir progresser, de l’avoir comme partenaire d’entraînement, et de la soutenir dans son projet. Elle n’est pas encore athlète à plein temps et travaille en parallèle de sa carrière sportive. En ce moment, elle essaie d’être sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Paris dans une nouvelle discipline pour la compétition : le kayak cross.
En décembre dernier, vous avez remporté les French Australian Excellence Award dans la catégorie Sport. C’est une récompense importante à vos yeux?
Recevoir le French Australian Excellence Award dans la catégorie sports m’a beaucoup touchée. Beaucoup de beaux finalistes, tel que le plongeur franco-australien Cassiel Rousseau, vainqueur des championnats du monde, étaient présents.
C’était aussi une très belle soirée lors de laquelle j’ai passé un moment agréable, et j’ai eu l’opportunité de faire de nouvelles connaissances. J’ai beaucoup apprécié le discours de Julia Zemiro dont les mots ont résonné en moi : lorsque je passe du temps en France, je me sens plus Française, et quand je reviens en Australie, je me sens plus Australienne. Parfois, je m’identifie aux deux pays en même temps. Ces deux cultures différentes sont parfaitement réunies dans ma famille : j’adore ça !
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