David Foenkinos, écrivain à succès et réalisateur, était en Australie pour présenter son nouveau film, Jalouse, à l’Alliance Française French Film Festival. L’auteur est notamment célèbre pour son ouvrage Charlotte, publié dans le monde entier, ou encore son roman La Délicatesse, adapté au cinéma en 2011. Le Courrier Australien est allé à sa rencontre.
Votre nouveau film Jalouse est actuellement à l’affiche de l’Alliance Française French Film Festival. Pensez-vous que le public va accrocher?
Je ne connais pas assez le public australien. J’ai la chance que mes livres et mes films voyagent beaucoup. Mais quand j’écris un livre ou que je fais un film, je ne sais pas à l’avance s’il va plaire dans tel pays. J’étais hier à l’ouverture du festival à Brisbane. C’était colossal le monde qu’il y avait ! Il y a vraiment en Australie un goût pour le cinéma français. Il se trouve que Karin Viard (ndlr qui interprète le personnage principal, Nathalie) a joué dans La famille Bélier, qui a bien marché ici. Donc cela peut leur plaire de suivre cette actrice. Tout comme dans mon premier film, La Délicatesse, Audrey Tautou interprétait le personnage principal et elle est très connue ici.
D’où vous est venue cette idée de faire un film sur le thème de la jalousie?
C’est toujours compliqué de savoir d’où nous vient l’idée. C’est plus une image, quelque chose qui se développe dans mon esprit et qui donne naissance au projet. Le point de départ du film était la jalousie mère-fille, même si après, on a élargi autour de la jalousie d’une manière générale. Ce qui nous excitait dans ce thème, c’était le réel tabou qu’il représentait. C’est très commun pour un homme ou une femme de 45 ou 50 ans, mal dans sa peau, qui traverse des moments difficiles comme la séparation, de se retrouver face à quelqu’un de jeune qui réussit dans la vie, qui est amoureux… Le bonheur lui saute à la figure! Ce sujet pouvait aussi procurer de grandes scènes de comédie et cela aussi nous plaisait.
Comment définiriez-vous la jalousie?
Pour moi, la jalousie est à distinguer de l’envie. D’abord, la jalousie est très connectée au sentiment amoureux. En fait, on pourrait dire que l’envie, c’est désirer ce que l’autre a, et que tu n’as pas. Alors que la jalousie, notamment tu désires cette chose, mais en plus tu veux que l’autre ne l’ait pas. C’est un degré supérieur, c’est encore plus pathologique. Il y a un côté néfaste dans la jalousie et c’est ce qu’on voit dans le film.
Aviez-vous, au moment du scénario, l’idée de prendre Karin Viard comme actrice principale du film ?
Bien sûr ! Ce rôle a été écrit et espéré exclusivement pour elle. Comme Audrey Tautou pour La Délicatesse, Karin Viard est une actrice qui reçoit beaucoup de scénarios. Nous avons donc voulu mettre toutes les chances de notre côté, en travaillant sur le personnage pour qu’il soit excitant à jouer pour elle. Ce personnage est aussi pensé pour elle pour une autre raison : Karin peut faire les pires horreurs à l’écran, on l’adore quand même, le public lui pardonne tout. En plus de cela, elle assume complètement ce rôle, le poussant même encore plus loin que ce qui était prévu au départ. Elle prend une grande liberté, tout en respectant le scénario, et c’est assez extraordinaire de sa part.
Votre dernier film, La Délicatesse, date de 2011. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour vous lancer dans un autre film ?
Vous savez, quand on regarde un film de 1h40 au cinéma, on oublie parfois que derrière il y a 3 ans de travail. D’autant plus que Jalouse, contrairement à La Délicatesse, est un scénario original. Il a donc fallu penser le sujet, les personnages, écrire le scénario, puis trouver le financement nécessaire. Vient ensuite le moment du tournage, puis celui du montage qui prend une grosse partie du travail. De plus, nous avons des vies parallèles qui sont importantes : j’ai écrit plusieurs livres dont Charlotte en 2014 et j’ai également travaillé sur une adaptation la même année. Avec Jalouse, nous voulions aussi réaliser une oeuvre nouvelle et non pas une adaptation comme nous avons déjà fait auparavant. Nous avons donc pris le temps qu’il fallait, mais nous sommes très content du résultat. D’autant plus, que l’on a pris beaucoup plus de plaisir à réaliser ce second long-métrage.
Vous avez co-réalisé ce film avec votre frère, Stéphane Foenkinos. Qu’est-ce que cela implique de travailler en famille ?
Il y a quelques duos de frères réalisateurs au cinéma. Pourquoi? Je pense que c’est de l’ordre de la simplicité. Avec mon frère on peut se dire les choses facilement. C’est très fluide entre nous. On est aussi extrêmement complémentaires. Stéphane est un très grand directeur de casting; il a travaillé avec Woody Allen notamment. Il est très à l’aise avec les comédiens. Moi je m’occupe en grande partie de la technique. Et puis, comme c’est un travail long, je trouve que c’est très agréable d’être à deux et de pouvoir se partager les tâches.
Vous êtes à la fois écrivain et réalisateur. Que vous apporte cette dualité?
Je pense que cette expérience de réalisateur m’aide dans l’écriture à créer des images. On me dit souvent que mes romans sont cinématographiques. Mais je pense que tous les romans le sont, même ceux du XIXème siècle, car l’écriture doit procurer des images. D’ailleurs, c’est ce qui est compliqué quand tu fais une adaptation d’un livre. Quand on a fait La Délicatesse, beaucoup de personnes trouvaient que cela ne correspondait pas à l’image qu’ils se faisaient. C’est tout à fait normal car chaque lecteur se fait son propre film dans sa tête. Inversement, l’apport romanesque m’aide dans le cinéma quand il faut raconter des histoires et diriger les acteurs dans la psychologie des personnages.
Et vous-même, êtes-vous jaloux ?
Pas du tout. Je me définis plutôt comme quelqu’un de bienveillant et je considère que ce que l’on donne aux autres, ça n’est pas quelque chose que l’on se retire à soi-même. En revanche, ce qui m’a étonné lors de plusieurs projections, c’est de voir le nombre de réactions que le film suscitait. J’entendais beaucoup de personnes parler de leur jalousie, ou de leurs histoires, comparables à ce que l’on peut voir dans Jalouse. Je me suis rendu compte que la jalousie est un sujet qui révélait beaucoup de choses chez pas mal de monde. Outre la jalousie, la thématique qui m’intéresse beaucoup est l’amour nocif des parents envers les enfants. Cela se rapproche un peu de la perversité narcissique dans un couple. Il y a un amour profond, mais également une grande cruauté et c’est ce que l’on a essayé de reproduire de la manière la plus réaliste possible.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je sors un nouveau roman dans quelques jours qui s’intitule Vers la beauté. L’histoire d’un homme qui quitte toute sa vie pour travailler au musée d’Orsay, mais on sait pas vraiment pourquoi ; c’est un roman assez grave. Je ne prévois pas de déplacement dans la France, j’ai préféré cette année privilégier des déplacements dans le monde comme pour l’Alliance French Film Festival. Quant au cinéma, j’espère ne pas mettre à nouveau 7 ans pour réaliser un film. D’ailleurs nous avons déjà quelques futurs projets avec mon frère. J’ai également travaillé sur l’écriture du prochain film de Jean-Paul Rouve, et un autre de mes romans, Le mystère Henry Pick, est en tournage avec Fabrice Luchini notamment.
Propos recueillis par Victor Roussel et Tara Britton
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