Il y a 3 mois, Christophe Eymery a décidé d’adopter et d’éduquer un jeune labrador, dans le but de l’introduire à la formation de chien guide d’aveugle pour Vision Australia, une association privée qui fonctionne principalement grâce à des donations. Cet acte purement bénévole est révélateur de certains aspects sociétaux selon Christophe. Retour sur son expérience et sur le long parcours de formation d’un chien guide pour malvoyants.
S’il avait déjà pensé à accueillir un futur chien guide chez lui, Christophe n’avait jusqu’alors pas pu concrétiser ce projet. Travaillant autrefois au sein de L’Oréal, et voyageant très régulièrement, il ne pouvait pas assumer un chiot en plus. L’occasion s’est enfin présentée lorsqu’il est entré au sein du digital marketing chez Seek, qui autorise les animaux à accompagner leur maître au travail : « C’est une entreprise extrêmement impliquée dans l’aspect communautaire, qui encourage ce type d’initiatives. On y voit beaucoup de chiens, guides d’aveugle comme domestiques, bien qu’ils soient évidemment tenus en laisse« . Alors, pourquoi adopter temporairement un chiot destiné à devenir guide d’aveugle ? « J’ai été sensibilisé à la cause lorsque le fils de la meilleure amie de ma mère a subitement perdu la vue, alors qu’il n’était âgé que de 25 ans. Récemment, une de mes anciennes collègues de L’Oréal a accueilli un chiot de l’association Vision Australia et m’a fait part du fait que de nombreux malvoyants étaient en attente d’un chien guide car trop peu de familles se portaient volontaires pour les accueillir. Je travaillais désormais chez Seek, j’avais plus de temps, et l’entreprise était favorable au fait de recevoir Félix pendant la journée ; je n’ai pas hésité plus longtemps, j’ai candidaté auprès de l’association. »
Introduire le chiot au monde, et lui fournir les bases de sa formation de chien guide
Le processus pour devenir « famille d’accueil » pour chien guide est relativement exigeant : après de longs questionnaires, quelques démarches administratives et une inspection de son domicile, Christophe a appris qu’il avait été sélectionné pour accueillir Félix. Plusieurs programmes sont en effet proposés, de la formation d’un chiot à l’accueil d’une chienne enceinte des futurs accompagnateurs, en passant par l’adoption de chiens trop vieux, l’association tient à trouver le programme le plus adapté pour l’animal et son maître temporaire.
Lorsque Félix est arrivé chez Christophe, le rôle de ce dernier a été de l’introduire au monde extérieur et de le préparer aux bases de la vie d’un chien guide : « quand il est venu à la maison, il n’avait vu que ses frères et sœurs, sa mère et la personne qui prenait soin d’eux. Mon premier travail a été de le familiariser au monde : il a découvert tous les types de transports, appris à s’asseoir, à monter et descendre les escaliers…« . Le chiot doit faire face à tous les environnements qu’il fréquentera avec son maître malvoyant. Il est accepté dans tous les lieux publics, magasins, restaurants, cinéma mais aussi taxis. « Je n’ai pas de voiture, donc j’ai souvent pris des taxis avec lui, car il doit s’habituer à s’asseoir dans les pieds du passager, à côté du conducteur. Si les taxis, n’ont jamais rechigné à le prendre, les conducteurs d’Uber ne l’ont parfois pas accepté. Ce sont d’ailleurs les seuls qui l’ont refusé, bien que la loi leur autorise l’accès à tous les lieux et transports publics ; il y a un manque d’éducation citoyenne à ce niveau là. »
Pendant les trois premiers mois, le chiot suit un « obedience training » : il doit toujours marcher à la gauche de son maître, idéalement au milieu du trottoir afin d’éviter toute distraction (telles que les voitures, les arbres ou les bruits sur les extrémités du bitume). L’idée est de ne jamais le forcer à avancer, mais de le laisser diriger tout seul, en le récompensant avec de la nourriture lorsqu’il accomplit sa mission. Les trois derniers mois sont consacrés au « counter obedience training » : le chiot doit pouvoir contrer l’ordre de son maître s’il juge qu’il pourrait porter atteinte à sa sécurité. Si son maître lui ordonne d’avancer par exemple, mais qu’une voiture arrive, il s’arrêtera pour le protéger. N’étant pas formateur de chiots à l’origine, Christophe peut compter sur l’association pour l’aider à accomplir sa tâche. Non seulement on lui fournit de nombreuses brochures explicatives, mais lui et son compagnon à quatre pattes ont rendez-vous chaque semaine avec un entraîneur dédié. L’association se charge aussi de tous les frais médicaux et d’alimentation du chien.
Une formation exigeante et incertaine
Si tout est mis en place pour faire du chiot un chien parfait pour le malvoyant – sélection génétique, chien qui doit être un labrador ou un golden retriever, éducation poussée – il ne deviendra pas forcément chien guide. La formation est exigeante, comprenant notamment un test dont le taux de réussite est seulement d’environ 50%. L’évaluation, juste après le séjour en famille d’accueil, peut être ratée à cause d’un simple moment d’hésitation à monter ou descendre les escaliers par exemple. Il pourra alors devenir chien domestique pour environ 5000 dollars. Si le chiot réussit, il passera ensuite des examens oculaires et des radios lorsqu’il atteindra les 12 mois, puis sera à nouveau évalué. Il sera éduqué au centre de façon plus poussée, obtiendra son certificat d’aptitudes puis rencontrera son futur maître, auquel il sera remis. Une fois en compagnie de son maître malvoyant, il fera l’objet d’un suivi régulier pour finalement prendre sa retraite vers ses 8 ou 10 ans. Grâce à une aide gouvernementale, à de nombreuses donations et aux bénévoles, le malvoyant obtiendra son chien gratuitement – ce dernier aura cependant coûté environ 50 000 dollars à l’association.
Un chien particulièrement intelligent qui connecte les individus entre eux
« Félix n’est pas un chien de famille, c’est des yeux. C’est un chien beaucoup plus intelligent que la moyenne, très réceptif, qui a beaucoup de fierté à suivre des instructions. » Christophe souligne que le chiot suscite toujours curiosité et enthousiasme, tout en connectant énormément avec les gens. « Je trouve que c’est une expérience intéressante pour voir la réalité de la nature humaine, la façon dont l’être humain s’engage avec les chiens de malvoyant; c’est un chien qui va rendre un service« . Il remarque notamment que la perception générale de l’animal change en fonction du groupe d’âge : une personne âgée sera particulièrement reconnaissante du dévouement du chien, car elle se sentira plus concernée : ce chien pourrait lui servir plus tard. En moyenne, Christophe rencontre une dizaine de personne par semaine qui s’exclament après leur rencontre avec Félix, « it made my day« . « Un chien, en particulier comme ça, aide les gens à se sentir mieux, et même si c’est 5 minutes, ça compte. »
Elise Mesnard
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