Le Sydney Film Festival accueillait lundi 12 juin la première mondiale de « Madame », le nouveau film de la Française Amanda Sthers. Pour l’occasion, la jeune femme a pris le temps de parler cinéma, ascenseur social et féminisme avec Le Courrier Australien.
Comment en vient-on à la réalisation lorsqu’on est écrivaine et scénariste ?
En réalité, j’ai toujours eu cette envie de cinéma. J’ai réalisé un court-métrage et même un premier film il y a quelques années (NDLR : Je vais te manquer avec Carole Bouquet et Michael Lonsdale en 2009). Mais mes enfants étaient petits à l’époque et ils n’ont pas compris mon absence. Le tournage a été compliqué et j’ai finalement attendu qu’ils soient plus grands pour me lancer dans une nouvelle aventure cinématographique.
Réalisatrice : au final, est-ce un métier très différent ?
On est le chef d’orchestre d’une aventure collective où une multitude de talents s’expriment. C’est plaisant et surtout très différent de mon travail d’auteure qui est foncièrement solitaire. Cependant, même si je commence déjà le tournage d’un autre film dans quelques jours (NDLR : adaptation de son livre « Les terres saintes »), je sais que je ne pourrai jamais arrêter d’écrire, c’est un besoin.
Quelles sont vos influences cinématographiques : Woody Allen, Pedro Almodovar, Julie Delpy… ?
C’est drôle parce qu’on me parle beaucoup de Woody Allen à propos de Madame. Je crois que je partage avec lui ce goût de l’humour qui interroge, du comique qui n’est pas tarte à la crème. Cela dit, mes références viennent davantage du cinéma italien qui passe du rire aux larmes, d’une scène drôle à un moment glaçant. Il y a un humour du désespoir auquel j’adhère. Au fond, mon film est une comédie sociale plutôt que romantique.
Un casting international à Paris pour un film en anglais… vous l’expliquez comment ?
En France, il est très difficile d’aborder un sujet qui touche les classes sociales très élevées. Blue Jasmine, par exemple, n’aurait jamais pu se dérouler dans un milieu français. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi une famille américaine. Par ailleurs, je voulais réaliser une satire sur le capitalisme « bien pensant ». Aux Etats-Unis, on croit que l’ascenseur social fonctionne, qu’il est souhaitable et possible. En réalité, il n’en est rien. Enfin, sur le fait que l’action se déroule à Paris, c’était pour moi rendre hommage à cette ville musée que j’adore.
Harvey Keitel, Toni Collette, Rossy de Palma… comment avez-vous réuni ce casting de rêve ?
Rossy de Palma est venue me voir il y a 7 ans. Elle avait assisté à une de mes pièces et elle avait envie que je lui écrive un rôle. Pour moi, à l’époque, ce n’était pas le moment. Finalement, j’ai écrit ce film en pensant à elle. Concernant Toni Collette et Harvey Keitel, je suis simplement passée par leur agent et ils ont dit oui très vite après avoir lu le scénario. J’ai eu beaucoup de chance car je ne me suis rien refusé et ça a marché.
Vous avez lancé le film à Sydney… vous avez un lien particulier avec l’Australie ?
Le film sort dans 45 pays et il fallait en choisir un pour la première. Le Sydney Film Festival est surtout bien tombé du point de vue calendaire. Le fait que Toni Collette soit une star ici a également beaucoup joué, même si elle vit désormais à Los Angeles. Sur mes liens avec le pays, hélas, ils sont ténus. Je suis venue deux jours il y a longtemps et pour Madame je reste la même durée. Quant au cinéma, je connais essentiellement les cartons du box-office comme Muriel ou Crocodile Dundee que j’ai vus étant jeune.
Votre film se finit bien ?
Pour moi oui. Simplement, ce n’est pas un happy ending classique ! Mon héroïne trouve la force de prendre sa vie en main, sans être dépendante du regard d’un homme. Je trouve ça très positif.
C’est donc un film féministe ?
Oui, en quelque sorte.
Madame : sortie australienne le 17 août 2017 Dans une riche famille américaine récemment installée à Paris, un dîner de treize personnes oblige la maîtresse de maison à demander à Maria, sa domestique, de prendre la quatorzième place en se faisant passer pour une amie espagnole fortunée. Durant le repas, Maria est courtisée par un expert en art anglais qui ne connaît rien de sa véritable identité. La bande-annonce du film d’Amanda Sthers (avec Toni Collette, Harvey Keitel, Rossy de Palma et Michael Smiley) est ici. |
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